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Fiscalité : Quand l’État impose son «abus de droit»

Pour la patronat, l’application du nouveau mécanisme, quoique prévu dans le PLF2017, devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2018. En effet, il va falloir attendre l’approbation des nouvelles modifications apportées au Code général des impôts, lesquelles seront proposées dans le prochain PLF.

Introduite dans le projet de loi de Finances 2017, la notion d’abus de droit a suscité une vive réaction dans le monde des affaires. Le fisc veut s’armer de cette mesure pour éviter le contournement de la loi fiscale. Le mécanisme n’est pas exclusif au droit fiscal marocain; on y recourt généralement pour renforcer le dispositif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales via des montages juridiques qui visent à profiter des avantages et allègements prévus dans les réglementations nationale et internationale.

Le principe consiste à sanctionner les actes qui sont inspirés par le motif d’éluder ou de diminuer des charges qui auraient dû être supportées par le contribuable. Une fois cet abus de droit activé, n’étant pas opposable, le fisc peut se permettre une sorte d’interprétation unilatérale en toute légalité. Malgré la résistance de la CGEM, le gouvernement a fini par imposer l’introduction de ce principe dans le corps de la loi de Finances 2017. Pour le patronat, la frontière reste floue entre l’abus de droit et certains montages ou opérations tolérés par la loi, ce qui pourrait se traduire par des situations d’ambiguïté dans l’application dudit mécanisme. D’où la nécessité de prévoir des garde-fous empêchant les inspecteurs de l’administration d’imposer leur manière d’interpréter le texte fiscal.

À l’issue des débats de la Commission des finances à la deuxième chambre, le gouvernement a fini par donner une suite favorable à la requête de la CGEM qui plaidait pour un encadrement de l’application de cette nouvelle mesure, de sorte à éviter les ambiguïtés. Il a ainsi été décidé de mettre en place une commission consultative, à ne pas confondre avec les commissions prévues par le Code général des impôts (CGI) quand il s’agit d’enclencher une procédure contradictoire. Prendront part à cette commission des représentants de la Direction générale des impôts, de la CGEM, des experts comptables, etc. Elle devra statuer sur les dossiers qui se présenteront, au cas par cas, notamment sur les vérifications de la base imposable à l’origine de la procédure d’abus de droit. La première mouture du PLF 2017 donnait la possibilité à l’inspecteur des impôts d’engager cette procédure lors d’un contrôle fiscal sans aucune forme de consultation. Maintenant, suite à l’amendement retenu de la CGEM, l’inspecteur est obligé de tenir compte de l’avis quoique consultatif de ladite commission.

Rescrit fiscal
Bien que maintenue dans le PLF2017, la notion d’abus de droit n’entrerait en vigueur qu’à partir du 1er janvier 2018. «C’est ce qui a été convenu lors des discussions au niveau de la commission des finances», souligne Abdelkader Boukhriss, président de la Commission fiscale à la CGEM. Encore faut-il attendre la publication de la version définitive du budget 2017 au Bulletin officiel pour vérifier si le gouvernement aura retenu le report de la date d’effet de la nouvelle disposition (le PLF ayant été approuvé en deuxième lecture mardi 6 juin à la Chambre des représentants, le Secrétariat général du gouvernement ne tardera pas à le rendre public). Pour le patronat, la mise en application de l’abus de droit requiert au moins deux préalables.
Le premier serait de finir le chantier de clarification du Code général des impôts. Les réunions se poursuivent dans ce sens, la dernière en date a eu lieu pas plus tard que mardi 6 juin. «Les articles ayant fait l’objet de réécriture devront être approuvés par le Parlement et seront proposés dans le cadre du PLF2018», note Boukhriss. Ce dernier insiste également sur la notion de rescrit fiscal, donnant la possibilité au contribuable de saisir et demander à l’administration fiscale de lui expliquer comment un montage juridique doit être traité au regard des règles fiscales. Force est de rappeler, enfin, que rien n’a été décidé pour le moment quant au délai de réponse de l’administration en cas de rescrit fiscal. Il en va de même pour les modalités de fonctionnement de la commission consultative qui statuera sur les dossiers d’abus de droit, lesquelles seront précisées par voie réglementaire. «Quelle que soit la formulation de la loi, si l’abus de droit n’est pas adossé à des règles d’application claires et précises, il ne faut pas s’attendre à des miracles», relativise Mehdi El Fakir, expert comptable et consultant en risk management.

Ce dernier reste sceptique car, dit-il, tout dépendra du comportement de l’appareil en charge de l’exécution des textes. «Aujourd’hui, ce qui cause l’abus, ce sont les ambiguïtés, les incertitudes et les vides qui renvoient à des règles de droit commun», souligne El Fakir.


Débats houleux en deuxième lecture du PLF 2017

La commission consultative introduite par les amendements des Conseillers a été fortement critiquée par certains membres de la Commission des finances à la Chambre des représentants. À l’occasion de la deuxième lecture du PLF 2017, les députés se sont interrogés sur la faisabilité de cette commission dont le rôle, à leurs yeux, est similaire à celui des commissions locale et nationale déjà existantes. D’autres ont soulevé des aspects liés à la complexité de la procédure et à la neutralité de ladite commission, laissant insinuer son caractère inconstitutionnel. À l’issue de ce débat, le ministre des Finances, Mohamed Boussaid, a tenu à rassurer les députés en leur rappelant le fait que la commission chargée de statuer sur les réclamations d’abus de droit ne dépend d’aucune partie et son rôle demeure juste consultatif. 



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