Financement : les banques déjà en manque de liquidité
Depuis le mois de mai, les établissements bancaires sollicitent Bank Al-Maghrib pour obtenir de la liquidité et asseoir à court terme leur solvabilité. Jusqu’à quand pourront-ils tenir ? Éclairage.
La crise sanitaire de la Covid-19 commence à affecter petit à petit le secteur bancaire marocain qui manque de plus en plus de liquidité ! En effet, si les banques sont restées solvables jusqu’au mois de juillet, ce qui leur a notamment permis de solliciter facilement Bank Al-Maghrib (BAM) pour obtenir de la liquidité à court terme, personne ne peut aujourd’hui prédire jusqu’à quand cela va durer. Depuis le mois de mai, le besoin de liquidité des banques a commencé à poursuivre un creusement inquiétant. Après 96,5 milliards de DH en mai, celui-ci est, en effet, passé à 100,4 milliards de DH en juin avant de se situer en moyenne à 102,7 milliards de DH en juillet, soit des apports en liquidité respectifs de 1,4 milliard ; 4,9 milliards et 9,1 milliards de DH de BAM pour ces trois mois (Voir graphique). Selon les experts, cette évolution a été induite par la hausse de la circulation fiduciaire à l’occasion de Aïd Al-Adha. Pas que ! «Aïd Al-Adha a été effectivement un catalyseur conjoncturel, mais c’est une exception qui ne confirme pas la règle», prévient l’économiste Mehdi Fakir. «Je veux dire qu’en cette période exceptionnelle de crise, il faut plutôt se focaliser sur l’économie réelle pour trouver les vraies causes de ce manque de liquidité», poursuit Fakir qui rappelle que «l’économie marocaine est en pleine récession».
Un déficit qui risque de s’amplifier
Le haut-commissariat au Plan (HCP) prévoit en effet une sévère récession de 5,8%, contre 4,5% par la Banque africaine de développement (BAD) et 4% par la Banque mondiale en 2020. Bref, «en pareilles circonstances d’incertitude continue et incertaine, il y a un grand manque de confiance qui s’installe chez les acteurs économiques qui préfèrent attendre d’y voir plus clair pour investir», explique l’économiste. Fakir reste persuadé que ce manque de liquidité va aller crescendo au fur et à mesure que l’on s’approche de fin 2020, voire même au-delà de cette échéance.
Alors, quelle sera l’alternative pour les banques ? Que feront-elles pour respecter les exigences qui leur sont imposées en matière de réserves obligatoires et de solvabilité ? «Elles ne traiteront que les dossiers qui bénéficient de la garantie de l’État», répond Fakir qui ajoute qu’«elles se lanceront également à fond dans le recouvrement de créances» pour combler leur déficit en liquidité. En attendant d’en arriver là, les banques s’appuient pour le moment sur BAM qui, pour les aider à faire face à la hausse de leurs besoins en liquidité, a déjà dû activer plusieurs leviers de financement. Des leviers nécessaires pour augmenter le volume de ses opérations d’injection de liquidité qui s’est établi en moyenne à près de 111,8 milliards de DH en juillet après 105,4 milliards de DH en juin.
Plusieurs leviers de financement activés
La Banque centrale est notamment intervenue à travers les avances à 7 jours sur appels d’offre, dont le volume moyen s’est élevé à 40,4 milliards de DH après 38,1 milliards le mois antérieur. Elle a également procédé à des opérations de pension livrée pour un montant moyen de 38,4 milliards de DH après 40 milliards en juin 2020. BAM est, en outre, intervenue à travers les opérations de prêts garantis à 1 an au titre du programme de soutien au financement des TPME dont le montant moyen s’est accru à 30,1 milliards de DH en juillet après 25,4 milliards de DH en juin. Elle a également actionné ses opérations de swap de change qui ont porté, quant à elles, sur un montant moyen de 3 milliards de DH en juillet contre 2,9 milliards en juin. Sans oublier la baisse du niveau de son taux directeur à 1,5%, le 16 juin dernier, niveau auquel le taux interbancaire moyen pondéré au jour le jour (TIMPJJ) a stagné au cours du mois de juillet, ce qui a permis au volume moyen des transactions interbancaires d’atteindre 6,2 milliards de DH en juillet, en hausse de 7,1% par rapport à son niveau du mois d’avant. Du coup, les taux débiteurs aussi, notamment le taux moyen pondéré global a poursuivi sa tendance baissière au deuxième trimestre 2020. Il a, en effet, enregistré un repli, en glissement trimestriel, de 29 points de base pour se situer à 4,58%. L’évolution a notamment concerné les taux des crédits à l’équipement (-31 pb à 4,21%) et des facilités de trésorerie (-23 pb à 4,41%). En revanche, les taux des crédits à la consommation et à l’immobilier ont augmenté, respectivement, de 34 pb et 6 pb à 7,09% et 5,22%.
Aziz Diouf / Les Inspirations Éco