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Dérogations urbanistiques. Fin d’un privilège ?

Deux mois après le début d’implémentation des CRI nouvelle génération, l’option permettant de demander une dérogation en matière d’urbanisme est suspendue. Depuis quelques jours, les investisseurs n’ont plus accès à cette rubrique sur la plateforme «CRI-Invest» pour le dépôt de leurs demandes en ligne.

Mesure temporaire ou définitive ? Ce qui est sûr, c’est que ni les CRI, ni les agences urbaines n’ont reçu de courrier leur notifiant la suspension de ce service par le ministère de l’Intérieur. Contacté par nos confrères de Les Inspirations ECO, ce département ne s’est pas prononcé. Pour le moment, aucune alternative n’a été proposée aux investisseurs.

Cette mesure de suspension concerne aussi la procédure relative aux demandes d’attestation de vocation non agricole (AVNA), relative à l’acquisition de propriétés agricoles ou à vocation agricole situées en totalité ou en partie à l’extérieur du périmètre urbain, par des personnes physiques étrangères, des sociétés par actions ou des sociétés dont le capital est détenu en totalité ou en partie par des personnes étrangères, destinées à la réalisation de projets d’investissements autres qu’agricoles.

D’ailleurs, sur proposition du ministre des Finances, Mohamed Benchaâboun, le chef de gouvernement, Saâd Dine El Otmani, vient de donner son aval pour la constitution d’une commission chargée de régler les litiges autour de l’application du dahir n°1.73.213 du 2 mars 1973 instaurant la restitution à l’Etat des lots agricoles ou à vocation agricole, ayant appartenu à des étrangers.

L’article 30 exclut l’octroi des dérogations
Au niveau de loi n° 47-18 portant réforme des Centres régionaux d’investissement (CRI) et création des commissions régionales unifiées d’investissements (B.O. n° 6754 du 21 février 2019), l’article 30 a exclu l’octroi des dérogations aux projets résidentiels immobiliers, exception faite de ceux destinés à l’habitat social et à la lutte contre l’habitat insalubre ou menaçant ruine. De l’avis de plusieurs experts, cette suspension serait temporaire puisque malgré les inconvénients du dispositif dérogatoire, celui-ci constitue une solution à l’insuffisance des documents d’urbanisme et de planification territoriale.

Toutefois, la généralisation de cette pratique dérogatoire remet en cause les grandes orientations et les dispositions des documents d’urbanisme. Selon la saisine n° 11/2014 du Conseil économique, social et environnemental (CESE) relative à l’étude d’impact des dérogations dans le domaine de l’urbanisme, la pratique de la dérogation remonte aux années 1970. Elle a été documentée par une circulaire pour la première fois en février 1999 à travers la circulaire 254 du ministère de l’Aménagement du territoire, de l’environnement, de l’urbanisme et de l’habitat puis par la circulaire 622 en mai 2001. Suivront ensuite deux autres circulaires interministérielles n°3020/27 en mars 2003 et n°10098/31 en juillet 2010.

Dérogation : l’ampleur de cette pratique
Les chiffres de la procédure administrative dérogatoire à l’échelle nationale recueillis par le ministère de l’Urbanisme et de l’aménagement du territoire, à travers les statistiques des agences urbaines qui assurent le secrétariat de la commission de dérogation, révèlent l’ampleur de cette pratique et mettent en évidence les impacts économiques, socio-spatiaux et environnementaux de la dérogation sur l’ensemble du territoire national. Depuis l’application de la circulaire interministérielle n°3020/27 en mars 2003 et jusqu’à la fin de 2013, la commission compétente en matière d’instruction des demandes de dérogations a examiné 13.222 projets, soit 110 projets traités en moyenne par mois. Selon le CESE, le bilan fait ressortir que 7.578 projets ont reçu un accord de principe, soit 58%, 4.150 demandes ont reçu un avis défavorable, soit 31% et 1.492 dossiers ont reçu un sursis à statuer, soit 11%.

Durant la période (2010-2013) qui coïncide avec l’entrée en vigueur de la dernière circulaire de 2010, la commission de dérogation a eu à instruire 3.966 projets soit 99 projets traités en moyenne par mois. 2.175 projets ont reçu un accord de principe, soit un taux de 55%. Dans le détail, force est de constater que c’est le secteur de l’immobilier qui bénéficie de l’octroi de dérogations comparativement aux autres secteurs. Ce secteur y a représenté des taux moyens de 55% et 51% enregistrés au niveau des régions respectivement pendant les deux périodes (2003-2009) et (2010-2013).

À noter que les demandes de dérogation portent essentiellement sur des territoires couverts par des documents d’urbanisme, soit un taux de 74%. Le reste des demandes des dérogations, soit 26% correspond à des projets situés dans les zones non couvertes par des documents d’urbanisme. Les types de dérogation les plus sollicités sont souvent les changements de zonage et les changements de coefficients d’occupation et d’utilisation du sol. Cela accentue la pression et la convoitise des espaces libres et du foncier public qui devient sujet à spéculation.


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