Éco-Business

Covid-19: franchises et commerces très affectées par l’arrêt de leurs activités

Mohamed El Fan. Président de la Fédération marocaine de la franchise (FMF)

La FMF a reproché que le Projet de Loi de finances rectificative n’ait pas pris en compte la situation du secteur de la franchise..
Cela constitue une grande lacune. La franchise est un grand secteur qui se développe rapidement et qui regroupe un grand nombre de secteurs dont la restauration, l’habillement, le mobilier, la cosmétique, les agences immobilières et la distribution, entre autres. Le secteur du commerce et de la franchise n’a pas été cité parmi les activités impactées par la crise. Pourtant, les franchises et commerces ont été affectées par l’arrêt total de leurs activités suite au communiqué du ministère de l’Intérieur en mars 2020. Le secteur de la franchise et du commerce, que ce soit à travers des enseignes marocaines ou étrangères, qui emploie près de 2 millions de personnes, est en réalité le 3e ou 4e secteur le plus touché par la crise au Maroc.

Les recommandations de la FMF ont-elles été prises en compte ?
La FMF a élaboré diverses recommandations dès le début du confinement qu’elle a soumises à plusieurs interlocuteurs publics. Malheureusement, aucune n’a été prise en considération jusqu’à présent, sauf la réouverture des restaurants et cafés pour la livraison et la formule «à emporter». C’est d’ailleurs pourquoi nous redoublons d’efforts pour atteindre plus d’interlocuteurs.

Les interlocuteurs publics sont-ils disposés à négocier ?
La pandémie de la Covid-19 a aussi bien développé une solidarité entre les acteurs privés que l’implication des pouvoirs publics. Ceci s’explique par la prédisposition, l’accessibilité et l’écoute d’une grande partie des interlocuteurs publics qui se veulent sensibles et impliqués aux doléances et problématiques auxquels font face aujourd’hui les entreprises de manière générale et les franchises et commerces en réseau de manière particulière. Maintenant, malgré toutes les bonnes volontés individuelles, l’avancement de ces sujets majeurs reste tributaire de décisions collégiales impliquant un certain nombre d’interlocuteurs dans différentes administrations, ce qui peut ralentir et dans certains cas bloquer la prise de décision.

Quelles sont, selon vous, les mesures spécifiques à mettre en place pour soutenir le secteur?
Parmi les recommandations que nous avons proposées figure la gestion de la problématique des loyers à travers la suspension des procédures exécutoires durant cette période (pour une durée de 12 mois) afin d’offrir l’opportunité aux gérants d’entreprises de «se ressaisir» et trouver des solutions. Il y a aussi la prise en charge équitable des loyers entre bailleurs privés et gérants d’entreprises durant cette période, par le gérant d’entreprise, ou encore l’incitation des assurances à mettre en place une indemnité locative. Pour ce qui est des taxes et impôts, nous proposons le paiement et la révision du mode de calcul des taxes locales (taxe professionnelle, taxe de services communaux, taxe d’enseigne, taxe sur les débits de boissons…). En effet, les taxes pèsent lourd sur les commerçants qui sont obligés de les honorer alors que les affaires n’ont pas encore décollé. Nous avons demandé un abattement de 50% des taxes dues, entre 2020 et 2021, ainsi que l’accélération de la mise en œuvre des réformes de l’administration. En ce qui concerne les douanes, il est à noter que la loi de Finances rectificative 2020 stipule un relèvement considérable du droit d’importation de 30% à 40%. Ce relèvement pèsera aussi lourdement sur le consommateur que sur les entreprises. L’augmentation des frais de douane pourrait être justifiée seulement pour des produits qui sont déjà produits au Maroc, et qui répondent aux normes de qualité exigées par le consommateur marocain. Pour ce qui est des crédits et programmes de soutien, nous proposons d’alléger les conditions d’octroi des garanties de financement dans le cadre du dispositif Damane Relance pour les rendre accessibles à un plus grand nombre d’entreprises, notamment les sociétés avec impayés (et hors contentieux). Dans ce sens, il s’agit de relever de 41 ans à 51 ans l’âge d’accès au programme Intelaka et faire en sorte qu’il concerne non seulement les entreprises et les auto-entrepreneurs qui souhaitent démarrer leur activité, mais également celles et ceux dont l’activité a été impactée par la crise liée à la pandémie. Par ailleurs, la FMF a préconisé que la CNSS opère un report des indemnités et / ou un abattement de 50% des cotisations de l’année 2020, relatives aux salaires supérieurs à 5.000 DH. Ceci, en plus d’instaurer l’exonération ponctuelle de la TVA sur les investissements sur une période de 2 années, à partir du 1er juillet 2020.

Avec le déconfinement, le secteur commence-t-il à montrer des signes de relance ?
La relance de l’activité étant corrélée à l’état du confinement ou encore à la taille de la ville et son pouvoir d’achat, a été fortement impactée, relevant aujourd’hui trois principaux cas de figure. Le premier réside dans une reprise au niveau des grandes villes, qui s’avère moyenne avec 50% de l’activité par rapport à l’année passée, ce qui reste insuffisant pour couvrir les charges et assurer la stabilité des business. Le deuxième cas concerne une reprise timide au niveau des autres villes, ne dépassant pas les 30% de l’activité, dont la situation s’avère critique et s’oriente vers des fermetures, des cessations d’emploi… Le troisième relève de la fermeture continue de +40% des commerces et des franchises malgré le déconfinement pour incertitude, manque de visibilité, manque de moyens …. Cela est alarmant pour notre secteur. La relance de l’économie ne se fera pas en rebond, mais progressivement. Les différents secteurs de l’économie ont été touchés à des degrés différents et devront avoir pour chacun un plan de relance spécifique qui privilégiera le maintien des emplois, le renouveau avec la croissance et la stabilité des fondamentaux de l’entreprise. Notre secteur est parmi ceux qui ont été le plus impactés par cette crise du fait de la fermeture administrative, pendant près de 4 mois, de nos commerces, source exclusive de notre chiffre d’affaires. Selon nos estimations, et avec la mise en place de mesures exceptionnelles par les autorités compétentes, le secteur ne pourra retrouver sa vitesse de croisière qu’à partir de la fin de l’année prochaine.

Quelles sont les prochaines étapes prioritaires pour la FMF ?
La FMF a été mobilisée depuis le début de la crise auprès de ses membres et des acteurs du secteur pour la concertation et la réflexion autour des mesures prioritaires, des recommandations via la CGEM pour la relance de l’activité… La FMF a été en contact continu avec les pouvoirs publics, assurant la sensibilisation et la communication nécessaires au déblocage de certaines doléances dont ont été tributaires la survie d’entreprises, majoritairement des TPME, la sauvegarde de l’emploi, la trésorerie… Les prochaines étapes pour la FMF seraient de passer du mode réflexion et sensibilisation à un mode action et solution, clairement en s’appuyant sur le retour du PLF afin d’interpeller et de se concerter avec le ministère de tutelle et le ministère des Finances pour des solutions communes et concrètes, prenant en compte la position du commerce et de la franchise dans l’économie nationale en étant créateur de richesses, d’emplois et de valeur ajoutée. Le commerce et la franchise représentent clairement un secteur stratégique pour lequel il est important, aujourd’hui, de déployer des actions et des programmes d’appui ciblés et adaptés aux problématiques et contraintes pour que les entreprises puissent retrouver compétitivité et résilience dans les meilleurs délais, évitant ainsi des fermetures et des cessations d’activité. Aussi, il faut prendre en compte l’intérêt aujourd’hui, pour la FMF, d’être partie prenante de la dynamique dans laquelle s’inscrit la CCG à travers son passage d’institution publique à institution privée, ceci pouvant contribuer à un accompagnement anticipatif de proximité aux acteurs dans la franchise et le commerce en réseau.


Le secteur souffre de nombreux maux

La FMF affirme qu’au niveau de la loi de Finances rectificative 2020, le secteur du commerce n’est pas mentionné parmi les activités impactées par la crise liée à la pandémie, alors que la grande majorité des commerces, tous secteurs confondus, ont dû arrêter leur activité, tout en continuant à supporter des charges conséquentes pendant la durée du confinement. En effet, la fédération estime que la baisse d’activité pendant cette période de confinement est évaluée à près de 90% du chiffre d’affaires, sinon plus. La fédération estime donc que la crise menace sérieusement de nombreuses enseignes et pourrait aboutir à une fermeture définitive des structures les plus fragilisées quelques mois à peine après le redémarrage très timide de leurs activités. Face à ce contexte de grande crise, la FMF, porte-parole des acteurs du secteur, a multiplié les rencontres depuis mars 2020 avec les entreprises touchées et a formulé à maintes reprises des recommandations concrètes pour aider le secteur à se relever. Il est à rappeler que le secteur du commerce et de la franchise emploie près de 2 millions de personnes au Maroc, soit près de 14% de la population active du pays, étant le deuxième pourvoyeur d’emplois au niveau national après l’agriculture. Le secteur du commerce et de la franchise contribue à hauteur de 8% au PIB.

Sanae Raqui 
Les Inspirations ÉCO


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