Comptabilité d’entreprise. Kamal Semlali Bader : “Une gestion avisée s’impose”
Kamal Semlali Bader
Expert-comptable et fondateur du cabinet Audicompliance Consulting
Avec la récente revalorisation du taux d’intérêt fiscal déductible sur les comptes courants d’associés, une gestion avisée s’impose. Kamal Semlali Bader, expert-comptable et fondateur du cabinet Audicompliance Consulting, fait le point sur les implications.
Comment cette variation du taux impacte-t-elle la gestion financière des entreprises, en particulier celles qui font appel aux comptes courants d’associés ?
En termes de gestion financière, cette revue à la hausse du taux d’intérêt fiscal déductible, en passant de 1,89% en 2023 à 3,19% en 2024, entraîne de prime abord une réactualisation du calcul des intérêts comptabilisés et des intérêts déductibles et indirectement cet excédent de déductibilité fiscale impacte à la baisse l’IS à payer.
Notons que, selon le paragraphe II de l’article 10 du Code général des impôts, le montant total des sommes portant intérêts déductibles au titre des sommes avancées par les associés ne peut excéder le montant du capital social.
Cependant, cette hausse ne va pas impacter les choix de financement de l’entreprise au sens du terme, dans la mesure où le coût financier de 3,19% demeure compétitif par rapport au financement externe. Pour les entreprises disposant d’une gestion budgétaire ou prévisionnelle, cette hausse du coût éventuel de financement entraîne une revue à la baisse des prévisions et des résultats.
Recommanderiez-vous aux entreprises de revoir leur politique de distribution de dividendes ou de rémunération des associés en conséquence de cette variation du taux d’intérêt déductible ?
La politique de distribution des dividendes incombe aux associés ou aux investisseurs. Toutefois, il convient de préciser qu’uniquement les associés injectant des fonds peuvent bénéficier de ce retour sur investissement, et ce mécanisme peut induire une inégalité des rémunérations entre les associés.
De ce fait, il est important de vérifier les clauses statutaires et les pactes des associés. Pour être fiscalement déductibles, les charges doivent se rattacher à la gestion de la société.
De ce fait, les intérêts supportés par la société dans le seul but personnel de rémunération peuvent ne pas être admis fiscalement. Toutefois, le compte courant associé peut être utilisé comme un instrument complémentaire pour rentabiliser les investissements en l’absence d’une politique des dividendes.
Quelles sont les implications fiscales pour les associés en fonction du taux applicable ?
Fiscalement, le taux d’intérêt est un taux facial et non pas un taux effectif, étant donné qu’il y a une retenue à la source sur les intérêts versés. Au niveau de l’IS, la société bénéficie de la déduction fiscale à condition que le capital soit entièrement libéré et que les sommes avancées ne dépassent pas le montant du capital social.
De ce fait, ce taux permet une économie d’IS. Ces intérêts sont soumis à la TVA. En principe, la société doit appliquer une retenue à la source sur les intérêts de 20% appelée Taxe sur les produits de placement à revenu fixe (TPPRF).
Au niveau de l’associé apporteur des fonds, les intérêts constituent un produit imposable et le bénéficiaire de ces intérêts doit s’identifier au service local des impôts, et se conformer aux obligations déclaratives. C’est un crédit d’impôt.
En effet, l’associé peut imputer la TPPRF sur son IR ou IS à payer avec droit à restitution. Ces intérêts sont imposables à la TVA. Il est à noter que le total des sommes mises à la disposition de la société sont passibles d’un droit d’enregistrement de 1,5%.
Quelles sont les précautions et les bonnes pratiques à mettre en place pour une gestion optimale des comptes courants d’associés dans ce nouveau contexte fiscal ?
En raison du coût fiscal, il est important d’injecter le montant optimal qui répond aux besoins financiers de l’exploitation et de tenir un suivi des flux sous la forme d’une échelle d’intérêts. La société bénéficiaire des financements doit démontrer ses capacités à rembourser ces fonds, auquel cas ces fonds vont faire l’objet d’une provision comptable de dépréciation qui est non déductible fiscalement. Elaborer une convention de compte courant associé et s’assurer qu’elle est autorisée par les statuts ou les pactes d’associés.
Procéder à l’enregistrement de la convention dans les délais et régler les droits d’enregistrement y afférents. Soumettre les conventions pour autorisation et les déclarer au rapport spécial sur les conventions réglementées.
Avez-vous des conseils ou des stratégies spécifiques à partager aux entreprises ?
Il est important de réaliser des simulations fiscales et financières et demander l’avis des experts avant de choisir son modèle financier.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO