Éco-Business

Comment les textiliens marocains ont raté le coche US

Promis à un avenir prospère sur le marché américain, grâce à des règles préférentielles alléchantes, le secteur du textile n’a pas pu exploiter cet avantage concurrentiel. Un contingent global de 120 millions de m², arrivé à échéance en fin 2015, n’a été exploité qu’à hauteur de 9%. Du vrai gâchis.

La situation de l’export marocain des produits du textile inquiète. Une récente étude du Conseil national du commerce extérieur (CNCE) met la lumière sur la situation du secteur à l’export, y compris vers les USA, qui figuraient, il y a peu, parmi les marchés les plus prometteurs grâce à des traitements préférentiels encourageants. Les négociateurs de l’accord avaient en effet réussi à obtenir des souplesses intéressantes en matière de règles d’origine, ce qui a fait de ce volet l’un des plus profitables pour le pays. Mais, en ont-ils seulement profité ?

Constat d’échec
L’étude du CNCE démontre hélas que «ces avantages n’ont pas été pleinement exploités par l’industrie». Une première lecture des résultats du commerce avec les USA permet de faire ressortir une importante croissance de 5,1% sur le marché américain contre moins de 0.2% pour toutes les destinations confondues. Toutefois, comme le note le CNCE, «le marché américain absorbe moins de 2% de l’offre marocaine du secteur des textiles et vêtements et les parts de marché y demeurent insignifiantes».

Le constat est sans appel : Les flexibilités prévues par l’accord de libre-échange, entré en vigueur en 2006, ont été faiblement exploitées. Même le mécanisme dérogeant aux règles d’origine spécifiques (appelé communément TPL) à hauteur d’un contingent annuel initial de 30 millions de m² n’a été que faiblement utilisé au cours de la décennie. Concrètement, le Maroc disposait d’un contingent de 30 millions de mètres carrés par an de produits textiles, stable pendant les 4 premières années suivant l’entrée en vigueur de l’accord et réduit ensuite durant les 6 années suivantes (voir notre édition du jeudi 28 avril/www.leseco.ma). Les opérateurs marocains ont sous-exploité ce régime préférentiel accordé par les États-Unis dans le cadre du TPL.

À titre d’exemple, le métrage équivalent, consommé au cours des 4 premières années (2006-2009), est de 13,8 millions de m² sur un volume cumulé global de 120 millions de m², ce qui représente environ 11,5% du contingent octroyé. Ce taux d’utilisation est passé ensuite de 7% en 2010 à 22% en 2012. L’exploitation du contingent global s’est établie à 9% en 2014. Selon les données recueillies auprès de l’Office des changes, les exportations réalisées dans le cadre du TPL n’ont vraiment démarré qu’à partir de l’année 2009 et ont culminé à 91 millions de dirhams en 2014. Ce sont les articles de bonneterie qui auraient profité le plus de cet accès préférentiel, bien que dans le meilleur des cas, la part de ces expéditions dans les ventes marocaines totales, effectuées par le secteur des textiles et de l’habillement sur le marché américain, n’a pas atteint les 25%.

Suite à l’expiration de la période du TPL, les opérateurs marocains recourent déjà au dispositif dit «Short Supply List». Il s’agit d’une flexibilité visant l’utilisation des intrants provenant de pays tiers et non disponibles auprès des fournisseurs des deux parties à l’accord. L’objectif pour les opérateurs est d’assurer aux expéditions de textiles, obtenus à partir desdits intrants, un accès préférentiel au marché américain.

Complexité
Pour y parvenir, le passage par une procédure complexe est requis, ce qui pourrait en dissuader plus d’un. D’ailleurs, cette procédure est tellement complexe qu’elle a été supprimée du projet d’accord sur le Partenariat trans-pacifique (PTP). L’ALE prévoit également la possibilité de réviser les règles d’origine appliquées à certains vêtements, si après l’entrée en vigueur de l’accord, leurs exportations annuelles ne dépassent pas, de manière significative, les volumes échangés avant l’entrée en vigueur de l’accord. Or, il s’est avéré que les volumes des expéditions marocaines de ces produits ont considérablement baissé depuis la mise en œuvre de l’ALE. Pour l’instant, rien n’a encore été entrepris à ce niveau.

Rattrapage
Dans son analyse, le CNCE fournit plusieurs recommandations à même de réduire ces écarts et à exploiter au mieux les dispositions de l’accord. Pour le Conseil national du commerce extérieur, le Maroc gagnerait à proposer l’introduction d’un dispositif similaire aux règles d’origine pan-euro-méditerranéennes entre les États-Unis d’Amérique et les autres partenaires avec lesquels les deux pays ont conclu des ALE ou sont en train d’en négocier. C’est le cas de la Jordanie et aussi de l’Union européenne qui négocient le traité de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. Même la Turquie, un des principaux fournisseurs du Maroc en intrants du secteur des Textiles, aurait initié des discussions exploratoires avec la partie américaine en vue de négocier un ALE. Une telle stratégie permettrait au Maroc de gagner des parts du marché américain au détriment des concurrents asiatiques et latino-américains.

À défaut de développer l’amont du secteur des Textiles au Maroc, cette approche permettrait de renforcer les activités liées à la confection au niveau du royaume. Par ailleurs, l’ALE autorise l’utilisation des fibres de coton éligibles à l’initiative royale d’élimination des droits d’importation en faveur des pays moins avancés africains, entrée en vigueur en 2001. «Il serait intéressant d’engager des consultations avec la partie américaine, comme l’accord le permet, en vue d’élargir le contingent dont le volume annuel alloué est de 1.067 tonnes», estime le CNCE. L’objectif serait d’attirer des investissements pour développer l’amont de la filière. «Cette démarche pourrait s’inscrire dans le cadre du Plan d’accélération industrielle à travers la création d’un écosystème dédié au renforcement de l’intégration du secteur des textiles et vêtements».


 

Une moyenne de croissance de 0,2% en 10 ans
Les chiffres globaux des exportations du secteur des textiles et des vêtements à fin 2015 laissent perplexe. Ceux-ci se sont établis à 31 MMDH en 2015, contre 26,7 MMDH en 2000. «Elles ont connu une certaine stabilité les quinze dernières années avec un taux de croissance annuel moyen de 1%», soulignent les experts du CNCE. Les expéditions sont axées principalement sur les vêtements confectionnés qui s’accaparent en moyenne 65% du total exporté, suivis des articles de bonneterie qui représentent 25% du chiffre d’affaires à l’export. Les autres produits textiles (10%) ont enregistré, pour leur part, une hausse importante. Une tendance haussière poursuivie jusqu’à 2015. Ils sont passés de 1,5 à 4,2 milliards de dirhams. Les tissus de coton et le linge de maison sont la vedette de ces autres produits de textiles. Leur chiffre d’affaires à l’export est passé de 168 millions de dirhams en 2000, à 584 millions de dirhams en 2014. Cette situation n’est toutefois pas de nature à compenser les faiblesses du secteur dans son ensemble. «Sur la période 2006-2015, la croissance des exportations n’a même pas atteint 0.2% en moyenne annuelle», note le CNCE dans sa dernière étude.

 



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