Programme Tayssir : Des ajustements en cours pour pallier les défaillances
Pour améliorer le fonctionnement de Tayssir, la base de données de ce programme vient d’être harmonisée avec celle du système scolaire «Massar». Un ciblage individuel des ménages est prévu à moyen terme pour pallier les carences du ciblage géographique. D’ici 2021, un registre unique social permettant de classer les ménages suivant leur niveau socioéconomique sera finalisé.
Le programme Tayssir qui entame sa neuvième année a-t-il atteint les objectifs escomptés ? La première évaluation de ce programme remonte à sa phase pilote. La seconde a été effectuée à l’occasion de l’étude d’évaluation des mesures et des stratégies mises en place dans le cadre du programme d’urgence 2009-2012, mais cela s’avère insuffisant. Aujourd’hui, il est on ne peut plus nécessaire de lancer une nouvelle enquête pour mesurer l’impact de ce projet qui a des objectifs ambitieux, mais qui, de l’avis de certains enseignants, ne permet pas d’atteindre les desseins escomptés à commencer par la lutte contre l’absentéisme des élèves. Bientôt une nouvelle évaluation d’impact est prévue par le ministère de l’Éducation nationale qui compte passer au crible tous les programmes d’appui social dédiés aux élèves (opération un million de cartables, les cantines scolaires, le transport scolaire…). Ce sera l’occasion aussi de jeter la lumière sur les performances mais aussi les défaillances de Tayssir. Quelques limites sont déjà identifiées et auxquelles des solutions sont déjà prévues.
En matière de gouvernance du programme, le ministère a essayé cette année de rapprocher Tayssir du système Massar pour mettre en œuvre l’harmonisation escomptée des bases de données et augmenter la fiabilité des informations enregistrées. On vise à travers cette mesure à alléger les tâches qui se font dans les établissements scolaires. Pour le ministère, c’est une nouveauté de taille qui va améliorer de manière significative la gouvernance du programme. En parallèle, la réflexion est en cours avec d’autres départements et l’appui technique de la Banque mondiale sur la mise en œuvre d’un projet stratégique portant sur l’amélioration du ciblage à travers l’identification socio-économique de la population. L’objectif est de passer d’un ciblage géographique à un ciblage individuel des ménages. Une grande mission incombe aux départements à caractère social. L’affinement du ciblage passe par un rapprochement et un recoupement des données du programme avec des systèmes d’information d’autres partenaires et départements concernés, notamment la CNSS, le Centre national des traitements (CNT), la CIMR, le CNRA, la DGI… À cela s’ajoute le rapprochement des bases «Tayssir» et «Ramed» qui permettra une analyse statistique croisée des deux bases de données en vue de dégager le pourcentage des bénéficiaires des deux programmes.
D’ici 2021, un registre social unique «RSU» devra être finalisé sur la base d’un package de programmes sociaux : «Ramed», «Tayssir» et «Daam – soutien des veuves». Une évaluation du processus de ces programmes est prévue pour améliorer le volet du ciblage et les intégrer dans la vision globale. Le registre sera, par la suite, élargi pour couvrir d’autres programmes à caractère social. Le RSU devra constituer une source fiable, exhaustive et unifiée de données pour pouvoir identifier la population potentiellement cible pour chaque programme social et écarter les ménages qui ne sont pas éligibles (ménages salariés, ayant un revenu stable, un patrimoine, des allocations familiales…). Chaque projet et programme social puisera ses données de ce registre.
Le programme est déjà ficelé sur le plan technique et même en termes de planning. Des conventions ont été signées par les partenaires impliqués pour clarifier le périmètre d’intervention de chaque département. «On va passer incessamment à la phase de négociations directes avec la Banque mondiale pour boucler le programme et procéder à son lancement à partir de 2017», précise Habib Kinani, chargé de la direction du programme Tayssir. La mise en œuvre sera entamée par la réflexion sur l’échange de données entre les départements et le modèle des questionnaires d’enregistrement des ménages dans le registre social unique. La réflexion sera menée avec le Haut-commissariat au plan. Après la finalisation de ces deux instruments, il sera procédé, dans un premier temps au lancement d’un test pour s’assurer de la fiabilité des mesures mises en place et leur fonctionnement sur le terrain. Par la suite, on va passer à la phase de généralisation.
Les bourses et leur transfert
Les bourses sont versées à la totalité des enfants d’une même école primaire, à tous niveaux, sous réserve de respect des conditions d’assiduité définies (au primaire : moins de 4 absences par mois ; au cycle collégial : moins de 6 séances d’absence par mois). Les montants des bourses varient selon le niveau scolaire. : 1re et 2e années du primaire (60 dirhams par élève et par mois), 3e et 4e années du primaire (80 dirhams), 5e et 6e années du primaire (100 dirhams), Cycle collégial (140 dirhams). Les bourses sont attribuées 10 mois par an et les transferts monétaires sont effectués tous les deux mois. Deux modalités de paiement sont mises en place : guichet fixe (en cas de proximité et d’accessibilité de l’agence Poste Maroc par les bénéficiaires) et guichet mobile dans le cas contraire (avec paiement au niveau du lieu de résidence des bénéficiaires). Les bourses sont versées à un parent désigné par le programme, soit les pères, soit les mères, avec uniformité du bénéficiaire pour tous les ménages dans chaque école. Le nombre maximum d’enfants bénéficiaires par ménages est fixé à trois (par similitude aux allocations familiales).
Habib Kinani
Chargé de la direction du programme Tayssir
«5 à 6% des familles sont pénalisées en raison de l’absentéisme de leurs enfants»
Les ÉCO : Concrètement, que va permettre ce ciblage individuel que vous projetez de mettre en place ?
Habib Kinani : Le ciblage individuel vise l’optimisation des ressources et une diminution des erreurs d’inclusion. Le ciblage géographique présente en effet certaines insuffisances et limites, notamment celles ayant trait aux erreurs d’inclusion. Le ciblage géographique se base sur la commune rurale où tous les ménages sont ciblés alors qu’il y a des ménages qui ne sont pas éligibles. Le ciblage individuel va ainsi permettre d’identifier de manière fiable l’éligibilité du ménage. De cette manière, les ressources seront rationalisées et optimisées. Le budget gagné va permettre d’élargir l’assiette des bénéficiaires. Le projet va aussi gagner en termes de crédibilité. La mise en place d’un registre social unique permettra d’améliorer le ciblage non seulement pour Tayssir mais aussi pour tous les autres programmes à caractère social. Ce sera une construction progressive d’année en année. Les objectifs sont fixés pour chaque année en termes de nombre de ménages enregistrés. D’ici 2021, la totalité des ménages potentiels doit être inclue dans le registre.
Prévoyez-vous de réviser le montant des allocations qui est très modique par rapport aux besoins ?
Ce serait l’une des questions qui pourraient être discutées dans le cadre de la révision de tout le processus du programme. En ce qui concerne le montant de la subvention, il faut contextualiser la question. Dans certaines localités très pauvres, les montants de bourses alloués arrivent à combler certains besoins.
Des enseignants estiment que le programme n’atteint pas les objectifs fixés. Qu’en est-il du suivi de la présence effective des élèves bénéficiaires ?
Le montant de la subvention est calculé sur la base des données récupérées sur l’assiduité des élèves. Ces données sont vérifiées par le directeur et parfois par les inspecteurs pédagogiques et les coordinateurs provinciaux qui font des visites de terrain. À partir de ces données, on génère les paiements qui ne sont pas systématiques. Les absences ne doivent pas dépasser quatre pour le primaire et six pour le collège. En moyenne, 5 à 6% des familles sont pénalisées en raison du dépassement du seuil fixé en matière d’absentéisme de leurs enfants.