PLF 2017 : Le «New Deal» du patronat
La Confédération patronale vient de rendre publiques ses propositions concernant le projet de loi de Finances 2017. Un « nouveau pacte» qui se veut «réaliste». Parmi les mesures défendues figurent la mise en place d’une loi-cadre assurant une continuité dans l’effort de réforme de la fiscalité, de nouvelles exonérations d’IS et une généralisation du remboursement de TVA.
Le patronat dégaine ses propositions pour la loi de Finances 2017. Alors que la campagne électorale bat son plein, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), qui a tenu son Conseil d’administration mardi dernier à Casablanca, a validé à cette occasion ses doléances fiscales. Pas moins de 36 mesures transversales portant sur les trois principaux impôts ainsi que sur les dispositions du Code général des impôts touchant au contrôle au fiscal, aux droits d’enregistrement et à l’accompagnement du secteur informel. «Des propositions que nous soumettons au gouvernement et à la Direction génértale des impôts (DGI) en vue d’évaluer l’impact technique et budgétaire de leur application», explique Abdelkader Boukhriss, président de la Commission fiscalité au sein de la CGEM.
Une loi-cadre pour une meilleure visibilité
Concrètement, le patronat propose un «nouveau pacte économique» basé sur le réalisme économique. «Lorsque nous feuilletons les programmes électoraux des partis politiques, nous sentons que ceux-ci ne collent pas à la réalité économique du pays», critique Boukhriss qui plaide pour une fiscalité en adéquation avec les capacités contributives des entreprises. Des dispositions fiscales qui changent au gré des gouvernements, des recommandations qui deviennent obsolètes… La CGEM défend une continuité dans l’effort de réforme de la fiscalité. La solution: la mise en place d’une loi-cadre fiscale. «Cette loi permettra d’acter un certain nombre de dispositions avec un horizon tracé sur le long terme. Chaque Exécutif pourra y piocher les incitations prévues», explicite Boukhriss. Cela pourra également assurer une réactivité des pouvoirs publics pour la mise en place d’un calendrier des réformes qui seront engagées. Pour la PLF 2017, les priorités affichées par la CGEM sont d’améliorer la compétitivité des entreprises, de créer des opportunités pérennes d’emplois et d’élargir l’assiette fiscale par l’intégration du secteur informel. Des priorités qui répondent au contexte morose dans lequel évolue l’économie du royaume, marquée par la faiblesse de la croissance, la hausse du chômage et la baisse des crédits et des IDE.
250.000 emplois grâce à la réforme de l’Impôt sur les sociétés
L’une des propositions phares du patronat concerne une exonération d’IS pendant les trois premières années pour l’ensemble des PME créées entre le premier janvier 2017 et le 31 décembre 2019. En réponse à cette «carotte fiscale», le patronat propose néanmoins une contrepartie. «Nous sommes réalistes: nous demandons une exonération, mais nous conditionnons celle-ci par un engagement de la part des entreprises», commente le président de la Commission fiscalité. Il s’agira en l’occurrence, dans le cas présent, d’un engagement de la part des PME exonérées de créer au moins deux emplois dès la première année d’activité. Selon les calculs du patronat, une telle mesure permettrait la création de 250.000 emplois de 2017 à 2019.
Par ailleurs, la CGEM milite pour l’introduction de la progressivité pour le calcul de l’Impôt sur les sociétés. «L’imposition progressive est plus équitable dans la mesure où seul le bénéfice excédant le seuil déclenchant le passage à un taux supérieur serait soumis à ce taux supérieur». Cela permettrait de remédier aux effets de seuil qui aboutiraient à une imposition beaucoup plus forte dès lors que l’on franchit le seuil de chiffre d’affaires requis pour un taux moins important.
Dans ce cas, une imposition à 10 ou 20% se jouerait à quelques dirhams de plus ou de moins, ce qui peut être extrêmement contraignant. Cette progressivité ne devrait toutefois pas concerner les établissements de crédit et organismes assimilés, et les sociétés d’assurances et de réassurances. Autre mesure, l’introduction de la fiscalité de groupe: un dispositif fiscal tenant compte des spécificités des opérations intra-groupe et des consolidations des résultats des groupes. «Actuellement, le Code général des impôts ne prévoit pas de dispositions spécifiques permettant de traiter le groupe de sociétés comme étant une seule entité fiscale», regrette Boukhriss. Ce régime, combiné à celui du taux progressif, permettra de répondre à la crainte de la création, par un groupe, de plusieurs entreprises dans le seul objectif de bénéficier des taux proportionnels d’imposition les plus bas.
Le remboursement de la TVA à généraliser
Avec 6,8 MMDH de remboursement de TVA à fin août, les opérateurs économiques semblent satisfaits de l’action menée par l’administration fiscale dans ce sens. «Nous pensons toutefois qu’il faut accélérer et généraliser le processus», précise Boukhriss. Il faut savoir qu’à ce jour, le droit de remboursement du crédit de TVA est uniquement réservé aux exportateurs et à certaines activités prévues expressément par le Code général des impôts. Le dispositif introduit par les LF 2014-2015-2016 limite le remboursement du crédit de TVA à des situations spécifiques. La CGEM estime qu’il est grand temps de généraliser ce droit de remboursement à l’ensemble des activités pour que cet impôt redevienne «neutre» pour les entreprises.
La CGEM souhaite l’adoption, à titre provisoire, du remboursement de crédit de TVA issu du différentiel de taux constitué entre le 1/1/2014 et le 31/12/2016. Parallèlement, le lobbying des patrons défend une convergence vers deux taux de TVA. Cette question n’a été abordée qu’à travers l’angle de l’augmentation des taux. «Aucune baisse n’a été introduite pour donner un vrai sens à la réforme. Cet exercice ne peut se faire sans la concertation avec les différents secteurs d’activité pour éviter d’être en décalage par rapport à la réalité économique», commente le patronat. Au-delà de la recherche de la suppression des distorsions actuelles, cette convergence permettra également de combattre l’informel, notamment par la baisse du taux de TVA de certains produits ou services qui sont des cibles pour l’informel. En parallèle, la CGEM milite pour une généralisation du remboursement de crédit de TVA. Les patrons du secteur de l’agroalimentaire cherchent par ailleurs une extension de l’application du principe de la TVA non apparente à de nouveaux produits tels que la viande, le lait ou encore les produits de la pêche. D’autres mesures concernant la TVA portent sur la clarification de la TVA applicable aux agences de voyage et à la messagerie, la suppression du paiement de la TVA pour compte de non résident en cas de déclaration créditrice et de la TVA sur les intérêts pour les acquéreurs du logement social.
La CGEM se mêle de l’Impôt sur le revenu
La CGEM réclame une meilleure répartition de la charge fiscale, en matière d’IR, entre les revenus salariaux et les revenus professionnels. Dans un souci d’équité fiscale, les pouvoirs publics devraient introduire des mesures spécifiques pour un meilleur rendement de l’IR professionnel. «Plus de 75% de l’IR provient des salaires, et ce sont les employeurs qui le paient, le reste provenant d’autres activités professionnelles telles que les revenus de capitaux mobiliers, fonciers etc. Ce déséquilibre n’est pas normal», explique Boukhriss qui estime que plus on exercera de la pression sur le salarié, plus la situation deviendra intenable pour son employeur. Concernant l’IR sur les salaires, la CGEM propose l’harmonisation des règles fiscales (DGI) avec les règles sociales (CNSS). Ceci éviterait l’existence de plusieurs bases de calcul des salaires et une meilleure visibilité des entreprises. Enfin, la CGEM propose une refonte du dispositif des déductions sur salaires permettant de coller à la réalité économique (personnes à charge, frais de scolarité, frais repas……). «Nous demandons de coller à une réalité économique et cela part notamment de ce genre de questions. On ne peut plus faire des déductions sur salaires à hauteur de 20 DH pour les repas. Plus personne ne prend de repas à ce prix», s’exclame le président de la commission fiscalité.
La recette anti-informel
Pour accompagner l’intégration du secteur informel, la CGEM propose une suppression des taxes parafiscales dont le rendement demeure faible et qui sont source de migration vers l’informel. Le patronat tire à boulets rouges sur l’administration fiscale estimant que l’instauration des taxes parafiscales, ces dernières années (sur le ciment, sur le fer à béton, sur le sable, sur le plastique), ne repose sur aucun fondement économique et pénalise le développement de certains secteurs d’activités. Parmi les propositions, l’introduction d’un encadrement du dispositif de la livraison à soi-même en matière de construction d’habitation principale. «La simplification du calcul de cet impôt a contribué au recours à la pratique de l’informel. Nous proposons d’introduire l’obligation de produire les factures lors de la liquidation de cet impôt», précise Boukhriss. Enfin, le patronat propose aussi une reconduction du dispositif de transformation des activités personnelles en sociétés soumises à l’IS.