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Paysage radiophonique : Dix ans de libéralisation, mais encore?

C’est le 13 février que la journée mondiale de la radio a été célébrée.  Cette année est particulière, car elle marque les dix ans de l’ouverture des ondes au secteur privé. En mai 2006, le Maroc libéralisaient les ondes et plusieurs radios privées ont vu le jour. Une décennie plus tard, nous sommes 15 millions à écouter quotidiennement les stations radio qui ont gagné en maturité malgré une diversité qui s’estompe de plus en plus et un marché publicitaire imprévisible.

Non, internet n’a pas tué la radio. Elle demeure pour les médias ce que le théâtre est pour les arts du spectacle. Et les chiffres publiés par le Centre interprofessionnel de mesure d’audience radio (CIRAD) en témoignent. Ces statistiques nous apprennent que 56,65% des Marocains sont férus des ondes et qu’un auditeur passe en moyenne 2h50 de sa journée, branché à la radio. Nées en 2006, les radios privées ont intégré internet et le développement de la téléphonie. Aujourd’hui, on compte au total plus de 15 radios qui ont gagné des parts en termes de bassin d’écoute.

L’onde de choc
Après des débuts timides, les radios ont développé des concepts d’émissions de plus en plus novateurs grâce à un meilleur profilage des auditeurs. En 2012, le Centre interprofessionnel de mesure d’audience radio (CIRAD), qui regroupe les régies et agences publicitaires ainsi que les radios publiques et privées, publie le chiffre des audiences des radios pour la première fois au Maroc. Verdict : C’est la radio Mohammed VI pour le coran qui décroche la palme d’or avec 15% de parts d’audiences. Depuis, elle ne sera jamais détrônée. «Le classement des radios donne l’impression d’être presque immuable. L’évolution des audiences de la radio est particulière. À la télé, une émission qui marche peut chambouler tout le classement.

À la radio, l’auditeur est généralement fidèle à une ou deux stations, il a des habitudes d’écoute qui mettent du temps à s’installer et à disparaître. Il faut également ne pas perdre de vue que dans un même classement, on mélange les radios généralistes avec celles thématiques ou régionales, ce qui fausse parfois l’analyse », commente Ilham Boumehdi, présidente du Conseil d’administration du CIRAD. Les radios concurrentes vont renforcer les émissions religieuses dans leur grille, particulièrement le vendredi, en misant sur des prêcheurs-animateurs vedettes ou des animateurs vedettes comme Abderrahman Sekkaj et son émission «Din Wa Dounia» sur Chada FM ou encore El Hassan Ait Belaid, la vedette de MFM, grâce à son émission «Din Wa Mo3amalat».

D’autre part, une autre tendance se dégagera au fil des vagues successives de mesure d’audiences. Elle concerne le diagnostic de bonne santé des radios publiques qui continuent à occuper le haut du pavé avec une moyenne de 12% pour Medi1 et Al Idaa Al Watania avec 12%. Une avance justifiée par leurs bassins d’écoute qui couvrent tout le pays. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue le revers de la médaille de l’environnement ultra concurrentiel entre les radios : l’uniformité. Khalid Nizar, animateur vedette de MFM et fin connaisseur des métiers de la radio pour y avoir taquiné le micro depuis 24 ans, apporte ses clés de lecture : «La concurrence entre les radios a légitimé le piratage des concepts. Dès qu’il y a une idée nouvelle d’émission qui marche, presque toutes les radios s’en servent. In fine, les voix des animateurs changent, mais les concepts sont les mêmes et la radio est devenue uniforme au lieu d’être source de diversité». A-t-il totalement raison ou totalement tort ?

Vox populi
Depuis leur lancement, il y a 11 ans, les radios se livrent une guerre sans merci sur certains créneaux, dont la tranche stratégique des «mornings», ce qui équivaut un peu au «Prime time» de la télé. Objectif : capter l’attention de l’auditeur depuis le moment où il quitte son domicile familial jusqu’à son arrivée au travail. Et pour cela, des concepts sont déployés pour servir tous les goûts : Radio Mars pour les footeux, Hit Radio pour les ados, Luxe radio et Atlantic radio pour coller à l’actualité chaude…mais ce n’est pas suffisant pour capter l’attention d’une audience quotidienne composée de 15 millions d’auditeurs dont 67% écoutent la radio à la maison contre 19% dans la voiture (19,3%) et 8,5% au travail. «Plusieurs radios ont opéré des ajustements en cours de route sur leurs programmations. C’est le cas d’Aswat qui s’est positionnée au début sur l’économie avant de chambouler toute sa grille pour résister à la concurrence. D’autres stations ont investi sur un créneau qu’ils n’ont jamais lâché et qu’ils ont travaillé avec le temps. C’est le cas d’Al Amazighia, Radio Mars ou encore Hit Radio», explique Ilham Boumehdi. Et ce sont les radios arabophones qui vont s’attaquer les premières à ces parts du marché non explorées en misant sur l’usage de la Darija ou du moins un arabe classique très accessible.

En plus de la langue, ces radios lancent des émissions de proximité qui «parlent» au quotidien des auditeurs. C’est le cas de l’émission «Ayn Ala Souk» diffusée sur radio MFM et animée par Khalid Nizar, directement des marchés, qui est devenue au fil des années le baromètre des prix des fruits et légumes. C’est le cas également de l’émission «Kidayr M3a Lmasrouf» sur radio Aswat, qui prodigue des conseils aux auditeurs pour la gestion de leur portefeuille afin de faire face à la cherté de la vie. Pour conquérir le monde rural, radio MFM a innové en lançant l’émission «Riht Douar» sur MFM, animée par Mohamed Atir qui fait découvrir aux auditeurs l’histoire de la campagne marocaine, le tout agrémenté d’anecdotes et de situations loufoques. Et le succès de ces émissions est tel qu’ils ont conquis même la diaspora marocaine grâce à la numérisation et l’usage des caméras qui font que la radio est destinée maintenant aux oreilles qui ont des yeux. Une tendance qui ne fait pas l’unanimité puisque les puristes y voient la disparition d’une machine à générer le rêve quand on ne connaît que la voix de l’animateur.

Des chiffres et des hertz
Dans un marché publicitaire très volatil, l’arrivée des audiences radio a constitué une aubaine pour les annonceurs qui bénéficient des résultats de cette grande enquête clé en main. D’autre part, les chiffres du CIRAD ont permis aux directeurs de la programmation des radios de mieux ajuster leurs grilles. En 2016, sur l’investissement publicitaire estimé à 1,3 milliard de dirhams réservé aux médias, la Radio a capté à elle seule 17% des investissements publicitaires. Et ce sont les opérateurs télécoms qui sont les plus généreux avec des investissements pouvant aller jusqu’à 8 MDH pour une année de passage publicitaire. Vendu en pack ou à l’unité, le tarif d’un flash publicitaire pour la tranche horaire 7 h-10h varie entre 3.500 et 5.500 DH pour un format standard de 30 secondes et le prix est réduit de moitié lors des émissions du soir en raison de la concurrence de la télévision.

Cependant, les investissements publicitaires destinés à la radio ont subi un repli de 11%, selon les statistiques du Groupement des annonceurs du Maroc (GAM). Un résultat dû à la prévalence de l’offre de parrainage qui est de plus en plus demandée par les annonceurs, parce que moins chère que le coût unitaire d’un passage radio. Grâce à des concepts novateurs et une bonne négociation du virage numérique, les radios tirent leur épingle du jeu en attendant que les radios associatives voient le jour et renforcent l’offre et la diversité sur l’onde hertzienne.


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