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Pas de seconde chance pour l’export aux USA

Près d’un an après la fin de la flexibilité sur les règles d’origine américaines pour le secteur du textile, la profession ne se remet toujours pas du revers subi. Rien ne laisse présager d’une amélioration durant les mois qui suivent. La solution de rechange proposée par les industriels ne profite qu’à certains produits et doit passer par une procédure complexe avant d’aboutir à des résultats.

C’est ce que l’on appelle «du vrai gâchis»! L’accord de libre-échange signé avec les États-Unis (entré en vigueur en 2006) prévoyait des règles préférentielles alléchantes sur un contingent global de 120 millions de m² pour les produits textile. Arrivé à échéance en fin 2015, ce contingent n’a été exploité qu’à hauteur de 9%. En remplacement, une mesure dite «Short Supply List» a été mise en œuvre dès le début 2016. «Une simple solution de colmatage», estime Karim Tazi, président de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH). La profession, qui a raté cette grande opportunité vers le marché US, avait engagé dès la fin de la flexibilité un cabinet chargé d’étudier les pistes de relance de ces règles. Résultat : le dispositif de «Short Supply List» a été lancé dès le mois d’avril dernier. Concrètement, il s’agit d’accorder aux opérateurs marocains la possibilité d’importer des intrants en provenance de pays tiers en dérogation à la règle de la triple transformation. Cette clause est intégrée dans le chapitre 4 de l’accord de libre-échange portant sur les questions des règles d’origine imposant des règles strictes concernant l’origine des matières premières nécessaires à la confection des produits exportés sur le marché américain. Les règles d’origine permettant aux pays d’importation de se protéger contre d’éventuels détournements de commerce permettant à des pays ne disposant pas d’accès préférentiel de contourner les dispositifs de protection aux frontières en passant par un pays tiers.

Mirage
Quoiqu’il en soit, l’utilisation de cette clause «Short Supply» est soumise à deux conditions. D’abord, l’industriel est tenu de prouver que les intrants en provenance de ce pays tiers sont en pénurie à la fois au Maroc et aux USA. Ensuite, l’opérateur devra soumettre une requête formelle à ce sujet aux services administratifs habilités. «Un vrai miroir aux alouettes», dénonce Mohamed Tazi, directeur général de l’AMITH. La complexité des procédures américaines a déjà fini de persuader un grand nombre d’exportateurs d’abandonner. «Nous nous sommes investis humainement et financièrement dans l’obtention de cette dérogation. Au final, celle-ci impose des conditions importantes aux industriels afin de profiter d’une dérogation à la règle d’origine», regrette le dg de l’AMITH. En réalité, cette dérogation n’a finalement été accordée que sur un certain nombre de produits qui ne semblent pas présenter de grand intérêt pour les exportateurs marocains. «De nombreux obstacles administratifs se sont dressés sur notre chemin, et nous avons dû faire face à des procédures extrêmement longues afin de faire accepter certains produits. Au final, sur la trentaine de produits déposés, seuls 5 ont été acceptés et ces derniers ne présentent pas une grande valeur ajoutée», déplore Mohamed Tazi.

Complexité
Pour l’AMITH, la situation risque d’empirer, surtout au regard des derniers développements concernant la politique commerciale américaine. L’administration Trump semble en effet se diriger vers de plus en plus de protectionnisme. «Pourtant, nous connaissons aujourd’hui une vraie dynamique dans le secteur notamment grâce aux nouveaux écosystèmes. Nous avons la force et la légitimité d’explorer ce marché», explique le président de l’AMITH, Karim Tazi. Selon les professionnels, la flexibilité sur le marché américain a été accordée à un moment où plusieurs indicateurs étaient en faveur du Maroc. «Il s’agit notamment d’un taux de change intéressant sur le dollar qui se situait aux alentours de 11 DH avant de chuter à 8 voire 7 DH, ce qui supposait des pertes sur le différentiel de prix», précise Mohamed Tazi.

Pour l’AMITH, une vraie opportunité se présente aujourd’hui grâce à la dynamique du secteur. «Nous continuons à tenir des réunions avec les autorités américaines pour changer la donne», promet Mohamed Benayad, secrétaire général du ministère du Commerce extérieur. Pourtant, la tâche s’avère compliquée, notamment à cause d’obstacles administratifs et institutionnels. Pour profiter du dispositif de «Short Supply List», le passage par une procédure complexe est requis. Une procédure tellement complexe qu’elle a
été supprimée du projet d’accord sur le Partenariat transpacifique (PTP).


Karim Tazi
Président de l’AMITH

Depuis l’entrée en vigueur de l’ALE avec les USA, nous sommes passés par un contexte qui ne favorisait pas l’export vers cette destination. Le textile était un secteur oublié pendant plusieurs années. Pendant que l’on faisait face à la concurrence de la Chine sur le plan local comme international, des pays comme la Turquie ont connu un soutien important de la part des pouvoirs publics. Dans ce contexte nous ne pouvions pas exploiter et explorer de nouveaux marchés».

Mohamed Benayad
Secrétaire général du ministère du Commerce extérieur

Nous avons soutenu l’AMITH dans sa démarche après que la flexibilité accordée n’a été exploité qu’à hauteur de 5 ou 6%. Nous avons soutenu les démarches concernant cette alternative, mais je dois avouer que chez nous au ministère, on ne s’attendait pas vraiment à une grande révolution».


S’inspirer des règles pan-euro-med
Dans une récente analyse sur le sujet, le Conseil national du commerce extérieur (CNCE) fournit plusieurs recommandations à même de réduire ces écarts et à exploiter au mieux les dispositions de l’accord. Pour le CNCE, le Maroc gagnerait à proposer l’introduction d’un dispositif similaire aux règles d’origine pan-euro-méditerranéennes initiées par l’Union européenne. Une telle démarche initiée avec les États-Unis d’Amérique et les autres partenaires avec lesquels le Maroc et les USA ont conclu des ALE ou sont en train d’en négocier pourrait être salutaire. C’est le cas de la Jordanie et aussi de l’Union européenne qui négocient le traité de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. Même la Turquie, un des principaux fournisseurs du Maroc en intrants du secteur des textiles, aurait initié des discussions exploratoires avec la partie américaine en vue de négocier un ALE. Une telle stratégie permettrait au Maroc de gagner des parts du marché américain au détriment des concurrents asiatiques et latino-américains. À défaut de développer l’amont du secteur des textiles au Maroc, cette approche permettrait de renforcer les activités liées à la confection au niveau du royaume.



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