Liquidation de la Samir : Le mystère demeure entier
La consultation, par les prétendants au rachat de la Samir, du cahier des charges et des annexes se fait dans des conditions surréalistes. Consultation in situ, interdiction de prendre copie des documents qui font des milliers de pages… Malgré tout, pas moins de 20 candidats se sont manifestés.
«Du jamais vu dans l’histoire de la liquidation des entreprises en difficulté». Cet avocat au barreau de Casablanca, pourtant vieux routier, ne cache pas son étonnement face à la procédure de lancement des consultations du cahier des charges de la Samir. C’est que Mohamed El Krimi, syndic chargé de la liquidation de la Samir, tient à faire les choses en «bonne et due forme». Il a donc invité la presse à prendre part à cette «cérémonie» tenue, lundi 20 février, à la bibliothèque du Tribunal de commerce de Casablanca. Il est 10 heures, heure convenue avec les «invités». Mohamed El Krimi apparaît et disparaît par moments dans les couloirs de la cour. Quelques minutes plus tard, le «véritable» invité pointe son nez. Il s’agit d’un investisseur escorté par un avocat en robe noire qui vient consulter les documents de la Samir (le cahier des charges et les 15 annexes). Les deux hommes sont chaleureusement accueillis par le syndic et ses équipes: une vingtaine de collaborateurs assis autour de la table ronde avec, chacun, un document qu’il garde précieusement. «Seuls les investisseurs peuvent consulter ces documents», nous prévient El Krimi, qui fait office de guide aux deux représentants de la société intéressée.
Après un rapide tour de la salle, feuilletant superficiellement les dossiers, les deux hommes se retirent. Qui sont-ils? «Je ne peux pas divulguer leurs noms. Ce sont les émissaires d’une entreprise intéressée par le rachat de la Samir qui viennent consulter les documents. Tout cela n’était pas prévu», explique Mohamed El Krimi. Pourtant, tous les ingrédients d’un mauvais scénario semblent réunis: l’investisseur qui débarque à l’heure convenue avec les journalistes, le syndic qui insiste sur la pose pour la prise de photos…Mais l’identité de la société sera finalement révélée.
En scrutant les documents brandis par l’émissaire de la société intéressée, nous avons pu apercevoir le nom «Glencore Energy» figurer dans l’en-tête. Le nom nous a été confirmé par l’entourage du syndic. Ce qui est drôle, c’est que la société «intéressée» est l’un des créanciers de la Samir. La multinationale de négoce des matières premières s’était en effet «manifestée» lors de l’audience du 16 mars 2016 pour réclamer quelque 230 millions de dollars (près de 2,2 MMDH) au titre de contrats d’approvisionnement en matières premières… Glencore est-elle donc intéressée ou procède-t-elle au suivi de sa créance? Quid des autres candidats? Mohamed El Krimi se veut confiant: «nous avons reçu jusque-là 20 candidats qui ont manifesté leur intérêt pour la reprise de la Samir. Dans le lot, je qualifierai 18 de «prêts» car ils ont pris le temps nécessaire pour étudier le dossier. Il faut savoir que ceux qui sont intéressés ont commencé le travail en mars dernier». Le syndic garde secrète l’identité des prétendants au rachat de la Samir. «Il y a des Américains, des Européens, des Arabes… Tous des noms connus dans le monde de l’industrie pétrolière», se contente de dire Mohamed El Krimi. Et les Marocains? Y a-t-il quelqu’un dans la course? «Jusque-là, aucun investisseur national ne s’est manifesté», tranche-t-il. Les chances de revoir la Samir battre pavillon marocain ne sont pas nulles pour autant. Dans tous les cas, le délai pour le dépôt des offres de rachat court jusqu’au 9 mars.
Aberrations juridiques
La consultation du cahier des charges de la Samir est pratiquement mission impossible. Conformément aux lois en vigueur, nous dit El Krimi, seules les entreprises intéressées peuvent y avoir accès. Autrement dit, il s’agit de celles ayant envoyé une lettre de manifestation d’intérêt et signé un pacte de confidentialité avec le syndic, qui autorise le candidat, accompagné d’une seule personne, à consulter les documents. Seulement, il faut le faire sur place. Interdiction de prendre une copie ou même de prendre des photos des pages de ces documents. Il s’agit, tenez-vous bien, d’un cahier des charges de 135 pages assorti de 15 annexes dont le volume donnent le tournis. «Les documents sont consultables de 9h à 15h30 à la bibliothèque du tribunal. Nous ne faisons qu’appliquer la loi», explique le syndic. «En fait, les sociétés intéressées ont reçu les documents nécessaires depuis des mois. Elles viennent ici compléter ou mettre à jour leurs informations», poursuit-il.
Mohamed El Krimi
Syndic chargé de la liquidation de la Samir
Les Inspirations ÉCO : Combien d’investisseurs intéressés par la Samir se sont manifestés jusque-là ?
Mohamed El Krimi : Nous comptons jusque-là 20 candidats qui ont manifesté leur intérêt pour la reprise de la Samir. Dans ce lot, je qualifierai 18 de sérieux. Les deux candidats restants se sont manifestés un peu en retard. Du coup, ce sera difficile pour eux d’étudier le dossier dans sa globalité et de formuler une offre dans les délais imposés par la loi. Il faut savoir que les investisseurs intéressés ont commencé le travail il y a des mois. Après l’envoi d’une lettre de manifestation d’intérêt et la signature d’un pacte de confidentialité, nousleur avons fourni toutes les informations relatives à la Samir.
Quelle est l’identité des candidats ? Y-a-t-il des Marocains parmi les prétendants ?
Jusque-là, aucun investisseur marocain ne s’est manifesté. Les entreprises qui ont manifesté leur intérêt sont tous des noms connus dans le monde de l’industrie pétrolière au niveau mondial.
Vous avez évoqué la possibilité de céder la Samir à un dirham symbolique. Dans quelles conditions ce scénario serait possible ?
Si nous recevons une offre alléchante agrémentée par un plan d’investissements ambitieux, la création d’emplois en masse et la prise en charge des dettes de l’entreprise. Pourquoi pas dans ce cas de figure. Le prix n’est pas la seule composante de l’offre. Comme nous l’avons précisé dans l’appel à manifestation d’intérêt, il s’agit d’une offre complète qui prend en compte la reprise de l’activité et la préservation des emplois.