Les grands chantiers de la CNOPS
Les excédents de la Caisse sont passés de 364 MDH en 2014 à 60 MDH en 2015. La Caisse s’attend à ce que la population bénéficiant de ses prestations, de 3 millions actuellement, augmente de 600.000 nouveaux adhérents.
De grands défis attendent la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS). La Caisse, qui vient de tenir son Conseil d’administration, fait face à la hausse vertigineuse du nombre de ses assurés. Cette année, 31.000 étudiants et entre 50.000 et 60.000 employés de l’Office national des chemins de fer (ONCF) viennent de rejoindre la Caisse. Mieux -ou pis- encore, elle s’attend à accueillir près de 200.000 parents d’assurés, en plus des employés et de leurs parents de 33 établissements publics qui sont assujettis aux dispositions transitoires du Code de la couverture médicale de base. En clair, la CNOPS s’attend à ce que la population bénéficiant de ses prestations, de 3 millions actuellement, augmente de 600.000 nouveaux adhérents. Cela n’est pas sans conséquences sur la gestion de la Caisse et son équilibre financier. «Nous avons également étendu le tiers payant aux médicaments coûteux.
Il me semble que, pour la première fois en 2016, les cotisations ne couvriront pas les prestations», souligne Abdelaziz Adnane, directeur général de la CNOPS. Le DG ajoute que cet état de fait a déjà été confirmé par les résultats préliminaires d’une étude actuarielle réalisée en décembre 2015 «dont nous attendons les résultats définitifs». Pour Abdelaziz Adnane, «ceux qui nous reprochaient la gestion prudente et «de fourmi» reviennent à de meilleurs sentiments car nous ne pouvons pas gérer l’AMO avec des ressources plafonnées et limitées, ainsi que des dépenses à l’européenne». Sur ce point, les données fournies durant le Conseil d’administration révèlent une stagnation des cotisations en 2015. «Elle sont passées de 4,62 MMDH à 4,70 MMDH, soit la plus faible évolution depuis 10 ans», souligne-t-on auprès de la Caisse. S’agissant des prestations, leur volume est passé de 1,32 MMDH en 2006 à près de 4,32 milliards en 2015. Cette enveloppe comprend 1,78 MMDH pour le tiers payant et 2,53 MMDH pour les soins ambulatoires. Pour sa part, le poste médicament remboursable se place toujours en tête avec 1,31 MMDH (30%), suivi des hospitalisations avec 689 MDH (16%), le dentaire avec 470 MDH (11%), la dialyse avec 356 MDH (8,2%) et la biologie avec 283 MDH (6,5%). «Le secteur public marque toujours le pas avec 14% du tiers payant et 6% seulement du total des dépenses», note le management de la CNOPS.
Dans ce sillage, les excédents de la Caisse ont dégringolé, passant de 364 MDH en 2014 à 60 millions en 2015. «Les dépenses des prestations de la CNOPS vont dépasser les cotisations, confirmant les prédictions faites en 2010 et donnant crédit aux résultats préliminaires de l’étude actuarielle dont les résultats sont font attendre», note le directeur général de la CNOPS. Par ailleurs, les dépenses de la pharmacie de la CNOPS, qui étaient aussi à l’ordre du jour du Conseil d’administration, ont atteint 100 MDH l’année dernière. Là, il faut rappeler que cette pharmacie a été fermée le 3 juin dernier suite à la signature, le 15 mars 2016, d’une convention avec les pharmaciens qui est entrée en vigueur, hier, dimanche 17 juillet. Ainsi, et valeur d’aujourd’hui, le tiers payant a été élargi à 96 pharmaciens de différentes villes. «Nos délais de paiement ne dépassent pas deux semaines et notre offre en délégations régionales s’enrichira davantage avec un plan de positionnement sur toutes les villes à forte densité d’assurés», précise Adnane.
Amo des étudiants
S’agissant du bilan AMO pour les étudiants, il faut savoir que sur les 900.000 étudiants de l’enseignement supérieur, 641.000 sont couverts en tant qu’ayants droit à divers régimes, dont la CNOPS, la CNSS, les entreprises et établissements publics sous article 114, la mutuelle des FAR, etc. «Sur les 288.000 étudiants estimés restant sans couverture médicale de base, nous avons immatriculé 28.460 stagiaires de l’OFPPT et environ 4.000 étudiants relevant de l’enseignement supérieur. Parallèlement, plus de 13.000 étudiants dont nous avons reçu les demandes d’immatriculation bénéficient du Ramed, et j’imagine qu’une grande partie de notre cible bénéficie déjà d’une couverture au titre du Ramed ou de l’AMO», estime Adnane. Le Directeur général de la CNOPS préconise toutefois que «l’effort doit être davantage focalisé sur le secteur public qui bénéficie, paradoxalement, de la gratuité et du meilleur panier de soins et des niveaux de couverture». Adnane indique d’ailleurs que la CNOPS a proposé de conditionner l’inscription ou la réinscription de l’étudiant à l’université à l’enregistrement en ligne de sa demande d’immatriculation et du dépôt de la fiche signée et légalisée. «Nous avons également saisi les présidents des universités afin de conjuguer nos efforts en matière d’information, de communication et de simplification des procédures pour améliorer le niveau d’immatriculation des étudiants de l’enseignement supérieur public», ajoute le responsable, qui se dit optimiste «parce que les process, la technologie, le financement, les conventions de délégations de gestion sont là et que les chiffres, même s’ils étaient balbutiants au départ, vont s’améliorer progressivement. Il suffit d’un peu plus d’implication pour que les étudiants retrouvent un régime conçu pour les protéger contre les risques liés à la maladie».
Une vingtaine de délégations régionales
Durant le Conseil d’administration, une convention de partenariat avec le Centre national Mohammed VI des handicapés, dont le but de faciliter davantage l’accès des assurés à ses infrastructures de pointe aux niveaux national et régional, a été approuvée. Le Conseil a également validé la création d’une vingtaine de délégations régionales. Ce réseau permettra «l’accompagnement du tiers payant avec les officinaux, la couverture des bassins d’étudiants et d’employés des établissements publics devant basculer vers la CNOPS et préparer la transition de la Caisse vers un établissement public».
«Nos cotisations prennent les escaliers et les prestations l’ascenseur»
Les affections de longue durée consomment environ 46% des dépenses de la CNOPS. Les prestations sont passées de 4 MMDH en 2014 à 4,3 MMDH en 2015.
Les Inspirations ÉCO : Comment se présentent les indicateurs de performance de la CNOPS ?
Abdelaziz Adnane : Je me réjouis d’abord que l’auditeur externe ait certifié sans réserve nos comptes pour l’année 2015. Mon satisfecit est d’autant plus justifié qu’avec cette prouesse, nous nous démarquons pour la deuxième année successive de plusieurs établissements agissant dans le domaine de la protection sociale. Ceci témoigne de notre parfaite maîtrise des cotisations et des performances que nous avons enregistrées en matière de gestion des droits des assurés et des prestations. Pour les indicateurs 2015, nous observons à la CNOPS les mêmes tendances. La population des assurés est passée de 3.030.000 en 2014 à 3.049.000 personnes. Le même rythme poussif est enregistré pour les cotisations qui ont évolué de seulement 1,7%, atteignant 4,7 MMDH. A contrario, les prestations ont continué leur ascension débridée, passant de 4 MMDH en 2014 à 4,3 MMDH en 2015, partagés entre 1,8 MMDH pour le tiers payant et 2,5 MMDH pour les soins ambulatoires. Je l’avais souvent dit: nos cotisations prennent les escaliers et les prestations l’ascenseur, et je suis rassuré qu’au niveau de la chefferie du gouvernement et du ministère des Finances, la question de la pérennité des régimes AMO soit devenue un point central qui nécessite des mesures d’appoint. Je ne vous cache pas que nos excédents en 2015 ont légèrement dépassé 60 MDH, contre 364 MDH en 2014. Ceci est dû, vous le devinez, au rythme des dépenses avec des postes qui se déchaînent, comme le dentaire, le médicament, la biologie…
Des excédents qui attisent des convoitises ?
Il faut comprendre que les excédents que nous enregistrons ne permettent pas de provisionner les affections de longue durée et les affections coûteuses. Ce système actuel de constitution des provisions est inapproprié et biaisé car nous gérons à vie notre population d’assurés et nous en perdons la cotisation patronale une fois admise à la retraite, à la différence des assurances privées qui ont la possibilité de résilier les contrats ou d’en modifier les termes.
Comment gérez-vous l’évolution des prestations des maladies de longue durée ?
Nous devons stabiliser le panier de soins, moraliser certaines dépenses coûteuses, réévaluer la liste des médicaments remboursables, revoir le tarif du dentaire, des dispositifs médicaux et de la biologie… La France prend, chaque année à l’occasion de l’examen de son Budget, des mesures de maîtrise médicalisée des dépenses ciblées et concertées. Je ne vois pas pourquoi nous ne ferions pas de même, surtout que nous avons les affections de longue durée qui consomment environ 46% de nos dépenses. Dans tous les cas, constituer des logiques de négociations ou de revalorisations tarifaires ou d’extension décontractées des médicaments remboursables, au vu des excédents enregistrés par les organismes gestionnaires, spécialement la CNOPS, risque d’impacter en profondeur et rapidement l’horizon de viabilité des régimes AMO. D’où la nécessité d’un cadrage budgétaire des besoins de financement de l’AMO et du Ramed. Le Comité interministériel de la réforme du pilotage de la couverture médicale de base est un excellent instrument pour fixer les grandes orientations dans ce domaine pour éviter que des mesures techniques, qui échappent à tout contrôle actuellement, n’hypothèquent demain l’avenir de l’édifice de la couverture médicale.
Qu’en est-il des prestations liées au tiers payant, notamment des conventions signées avec les pharmaciens ?
Laissez-moi d’abord vous annoncer que nous avons quasiment fermé notre pharmacie. Nous perdons certes un excellent instrument de veille sur les prix des médicaments, mais nous gagnons l’opportunité de garantir à nos assurés un accès facilité aux médicaments coûteux sur le plan régional. Après avoir externalisé plus de 100 médicaments coûteux en 2012 vers les centres privés d’oncologie, nous avons démarré, le 3 juin, le tiers payant de 86 médicaments avec les pharmaciens d’officine. Actuellement, nous avons enregistré plus de 96 pharmaciens en tiers payant et nous avons traité en un mois plus de 300 demandes de prise en charge. Nos délais de paiement ne dépassent pas deux semaines, et notre offre en délégations régionale s’enrichira davantage avec un plan de positionnement sur toutes les villes à forte densité d’assurés, qu’ils soient fonctionnaires, étudiants et assurés des établissements publics qui vont basculer vers la CNOPS au titre de l’article 114.