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La transparence en manque de souffle

Un taux de déclaration faible, des déclarations de fin de mission rares, des listes des assujettis introuvables, la Cour des comptes livre un diagnostic alarmant sur le système de déclaration du patrimoine.

Six ans après son entrée en vigueur, le dispositif de Déclaration obligatoire de patrimoine (DOP) affiche déjà des signes de vieillesse. Le rapport 2014 de la Cour des comptes révèle de nombreux couacs qui entachent le déroulement de cette opération. L’article 4 de la loi n° 54-06, instituant une déclaration obligatoire de patrimoine, stipule que cette déclaration doit se faire dans un «délai maximum de trois mois suivant celui de l’entrée en fonction, les personnes visées doivent déclarer l’ensemble de leurs activités professionnelles et le patrimoine dont ils sont propriétaires ou sont propriétaires leurs enfants mineurs ou dont ils sont gestionnaires, ainsi que les revenus qu’ils ont perçus, à quelque titre que ce soit, l’année précédant celle de leur entrée en fonction». Le législateur a confié à la Cour des comptes le dépôt, le suivi et le contrôle de ces déclarations. Dans la pratique, un tiers des personnes assujetties a suivi cette procédure en 2014.

Six ans après son entrée en vigueur, le dispositif de Déclaration obligatoire de patrimoine (DOP) affiche déjà des signes de vieillesse. Le rapport 2014 de la Cour des comptes révèle de nombreux couacs qui entachent le déroulement de cette opération. L’article 4 de la loi n° 54-06, instituant une déclaration obligatoire de patrimoine, stipule que cette déclaration doit se faire dans un «délai maximum de trois mois suivant celui de l’entrée en fonction, les personnes visées doivent déclarer l’ensemble de leurs activités professionnelles et le patrimoine dont ils sont propriétaires ou sont propriétaires leurs enfants mineurs ou dont ils sont gestionnaires, ainsi que les revenus qu’ils ont perçus, à quelque titre que ce soit, l’année précédant celle de leur entrée en fonction».

Le législateur a confié à la Cour des comptes le dépôt, le suivi et le contrôle de ces déclarations. Dans la pratique, un tiers des personnes assujetties a suivi cette procédure en 2014. La cour a reçu 183 déclarations préliminaires sur les 479 personnes assujetties, soit un taux de 38,2%. «C’est un taux faible», alerte cette instance. Et de préciser, «le taux de déclaration diffère fortement entre les départements concernés». Au ministère de l’Artisanat, le taux est de 100% alors que le ministère de la Communication est lanterne rouge avec 0% (voir tableaux ci-contre). Au sein même de chaque ministère, les taux de déclaration varient selon les institutions.

Le ministère de l’Intérieur compte 35% des personnes assujetties, il réalise une note globale de 82%. Au sein du Fonds d’équipement communal, les déclarations ont été réalisées à 100%, mais dans les directions centrales de ce ministère, le taux est d’à peine 5%. Au ministère de l’Équipement, la note globale est de 21%, à cause de l’absence de fort niveau de déclarations au sein de Marsa Maroc, l’ONCF, LPEE, l’ANP et l’EHTP.

Déclarations sans listes !
Les 39 membres du gouvernement Benkirane montrent patte blanche. Ils sont en conformité avec la procédure de la DOP. Pour les huit catégories restantes, l’état des déclarations varient fortement. Les parlementaires ont atteint un niveau de déclaration satisfaisant, seuls 18 parlementaires sur les 390 n’ont pas déposé leurs déclarations. Au niveau de l’Exécutif, 15 chefs de cabinets ministériels n’ont pas effectué leurs déclarations.

Le casse-tête des déclarations de cessation de fonction ou de mandat est révélateur de la difficulté à mettre en place ce dispositif. En 2014, le taux de déclaration n’a pas dépassé les 29%. «Ce taux est très faible», reconnaît la cour. 184 personnes assujetties ont déposé leurs déclarations sur 647 qui devaient le faire cette année-là. Malgré les 90 lettres d’avertissement transmisses par la cour aux institutions concernées, la donne reste inchangée. Cette institution ne cache pas qu’elle rencontre de nombreuses difficultés à joindre cette catégorie de personnes. «Au moment de la fin de leur mandat, ces personnes n’ont plus aucun lien avec leur institution. Faute de coordonnées de contact, ils nous est difficile de les joindre», reconnaît la cour.

Les déclarations préliminaires doivent être renouvelées tous les trois ans. Cette déclaration doit renseigner sur «les modifications intervenues dans le patrimoine et les revenus de l’assujetti», peut-on lire dans l’article 5 de la loi 54-06. Dans les faits, 71,8% des assujettis ont remis cette déclaration depuis 2013. Encore plus inquiétant le rythme de dépôt des déclarations connaît une forte décélération au fil des ans. 10.115 personnes sont concernées par cette procédure. 63% ont déposé cette déclaration en 2013. Un an après, seuls 8,63% ont renouvelé leur déclaration.

Actuellement, 2.855 élus des conseils locaux et des chambres professionnelles, ainsi que de certaines catégories de fonctionnaires ou agents publics n’ont pas respecté la loi. Encore une fois, la Cour des comptes a multiplié les lettres d’avertissement, sans recevoir de réponses positives. Parmi les autres griefs de l’instance, présidée par Driss Jettou, l’absence des nouvelles listes des personnes assujetties. «La cour n’a pas reçu toutes les listes des personnes assujetties», note la cour.

Par conséquence : «La cour a reçu des déclarations en l’absence de listes, sans pouvoir vérifier la légalité des déclarations reçues». L’absence des listes donne lieu à des situations floues. En 2014, la cour a reçu 388 déclarations. Cette instance ignore si ces personnes sont assujetties ou pas. La cour se base encore sur les listes établies en 2010, date de l’entrée en vigueur de ce dispositif. Face à ces constats, la cour conclue qu’il y a «une négligence pour transmettre les déclarations de manière régulière et la mise à jour des listes des personnes assujetties».


 

Les recommandations de Jettou

La Cour des comptes estime que les textes de loi encadrant la déclaration du patrimoine souffrent de «plusieurs déficits». La cour recommande de «revoir l’ensemble du système». Pour Jettou, «la réforme est plus que nécessaire pour rendre le travail de la protection des deniers publics effectif». Ceci passe par la «baisse du nombre des personnes assujetties». De 100.000 actuellement, la cour propose de baisser ce nombre à 6.000. L’objectif est de se contenter des déclarations des ministres, parlementaires, magistrats, haut-fonctionnaires, présidents de communes des grandes villes et les directeurs des établissements avec un poids économique stratégique. La cour recommande de faciliter la procédure de déclaration tout en introduisant des sanctions dissuasives en cas de non-déclaration ou de déclarations mensongères ou incomplètes.


 

Rachid Filali Meknassi
Ex-secrétaire général de Transparency Maroc

«Le dispositif actuel est de la poudre aux yeux» 

Les Inspirations ÉCO : Quelle évaluation faites-vous du dispositif de déclaration du patrimoine ?
Rachid Filali Meknassi : En son temps, nous avons plaidé pour que la déclaration du patrimoine vise en priorité les personnes se trouvant dans des postes sensibles car plus on élargit l’assiette moins le contrôle sera efficace.

Ce dispositif de contrôle au Maroc est-il efficace ?
Dans le monde, deux moyens existent pour contrôler le patrimoine. La première option est de rendre la déclaration publique. De cette manière, les personnes assujetties décident de restreindre leur vie privée pour permettre un contrôle par l’ensemble de la société. C’est le cas en Espagne. La deuxième solution est de considérer que les informations sur le patrimoine relèvent de la vie privée. Dans ce cas, les informations récoltées sont traitées uniquement par une instance spécialisée. Cette instance dispose d’un pouvoir d’investigation et la possibilité de vérifier la véracité du contenu des déclarations. Or, dans le cas du Maroc, aucune des deux options n’est appliquée. Nous avons un système éclaté avec douze lois. Chaque catégorie à son propre organe de contrôle. On retrouve les cours régionales des comptes, le Conseil supérieur de la magistrature, etc. Prenons le cas des magistrats, le contrôle ne se fait que par les membres désignés du Conseil, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas de comptes à rendre. Il s’agit du premier président de la Cour de cassation et du procureur général du roi auprès de cette juridiction. Ces personnes d’abord n’ont pas le temps d’effectuer les contrôles. Ensuite, leur statut pose la question de la réédition des comptes. Ainsi, les déclarations ne sont jamais contrôlées. Dès le départ, on savait que c’était de la poudre aux yeux. Ce système, tel qu’il a été conçu, ne pouvait pas marcher. L’Instance centrale pour la prévention de la corruption est dans une position similaire.

Êtes-vous pour une réduction des effectifs des assujettis de 100.000 à 6.000 personnes comme le recommande la Cour ?
Je suis pour le principe car il faut évaluer de manière qualitative. Par contre, l’essentiel c’est l’amélioration des contrôles, l’accès à l’information et les prérogatives de l’organe de contrôle. D’ailleurs, on peut se contenter d’une liste de 1.000 personnes. Plus on réduit les chiffres, plus on se concentre sur les véritables pouvoirs. Enfin, cette liste doit compter des personnes avec une responsabilité à caractère financier.


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