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Investissement et crédits bancaires : Les dessous d’un mémorandum

Le gouvernement a été officiellement saisi par BAM, le GPBM et la CGEM qui ont posé sur la table de Benkirane un mémorandum dont la forme et le fond sont au cœur d’une polémique. Pour l’heure, le gouvernement prépare sa riposte.

La Banque centrale (BAM), la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) tirent la sonnette d’alarme sur la décélération des crédits bancaires à l’économie. Annoncé depuis le début de cette année, un mémorandum à ce sujet a été ficelé par les trois instances et vient d’être adressé au chef de gouvernement.

Le document traite ainsi de cette problématique tout en apportant des éléments explicatifs à la situation, du point de vue de ses auteurs. Aucun détail exhaustif ne filtre encore. Pour autant, tout porte à croire que BAM, la CGEM et le GPBM, qui partageraient la même vision sur les facteurs du ralentissement de l’offre et de la demande du crédit bancaire durant les dernières années, préfèrent attendre la réponse du gouvernement avant de communiquer autour de ce mémorandum. Nos différentes sollicitations pour une position officielle des auteurs du document sont restées lettres mortes comme, d’ailleurs, celles formulées au gouvernement. D’ailleurs, le gouverneur de BAM, Abdellatif Jouahri, n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet, lundi dernier, lors du point de presse tenu à l’issue du premier Conseil d’administration de l’Observatoire marocain de la TPME.

Une question de priorités
En avril dernier, lors du Conseil national de l’entreprise, Abdellatif Jouahri avait relevé que ce document portait sur plusieurs points: les délais de paiement, la participation des PME aux marchés publics, le statut de l’auto-entrepreneur, le financement des collectivités territoriales, la création d’un fonds de restructuration des entreprises… entre autres sujets. Depuis une semaine, donc, le processus a été enclenché. Le mémorandum a été reçu par Abdelilah Benkirane qui l’a aussitôt transmis à Mohammed Boussaïd, ministre de l’Économie et des finances, pour étude et préparation des éléments de réponse.

Aujourd’hui, la réaction de l’Exécutif est très attendue sur ce dossier. Néanmoins, ce rapprochement entre la Banque centrale et la confédération du secteur privé ne semble pas être du goût du gouvernement. Pour cette source gouvernementale, qui requiert l’anonymat, «la Banque centrale est à la fois régulateur, contrôleur et autorité monétaire. BAM fait partie des pouvoirs publics. Logiquement, il ne devait pas s’impliquer en la matière car les enjeux ne sont pas les mêmes». La même source nuance que «le secteur privé restera toujours animé par le souci de la croissance alors que l’État porte un intérêt à la sauvegarde des équilibres». Sur le fond, les propositions formulées sont vertement critiquées et jugées superficielles.

Notre source confie : «Ce ne sont pas des propositions à même de redynamiser réellement le financement de l’économie ou la dynamique de l’investissement. Elles portent sur l’amélioration du chiffre d’affaires des banques à court terme». Et d’ajouter que le gouvernement ne comprend pas comment on peut lui «reprocher d’avoir libéré de la liquidité car nous avons effacé l’ardoise de 21 MMDH héritée en 2012 auprès des compagnies pétrolières et d’avoir payé l’essentiel du butoir cumulé. Cela était pourtant parmi les priorités de la CGEM», souligne notre source. Plus encore que la vision critique elle-même rapportée par le mémorandum en question, il s’avère désormais «on ne peut plus nécessaire d’unifier la vision sur le même diagnostic de la réalité économique du Maroc pour pouvoir se mettre d’accord sur les solutions. Pour ce faire, rien n’empêchait ces trois instances de demander une réunion au plus haut niveau pour échanger de vive voix et trouver ensemble des solutions aux problématiques soulevées», recommande la même source gouvernementale.

Il est à rappeler que Bank Al-Maghrib explique la faiblesse du rythme d’évolution du crédit bancaire, en dépit de la détente des taux débiteurs et de l’amélioration de la liquidité bancaire, par plusieurs facteurs : le ralentissement des activités non agricoles, le désendettement de certains grands groupes, la baisse des financements liés aux arriérés de la Caisse de compensation et aux importations de pétrole et la montée des risques dans certaines branches.Une thèse qui peut se tenir… ou pas. L’économiste Mohammed Benmoussa, pour sa part, l’impute au manque d’imagination du secteur bancaire reposant toujours sur un modèle datant des années 80 et 90 (point de vue, ci-contre).


 

Mohammed Benmoussa
Économiste, dirigeant du Mouvement Damir et membre du Conseil national de l’Istiqlal

La transmission par la CGEM, BAM et le GPBM d’un mémorandum à la primature est un empiétement sur les prérogatives du Parlement. Si mémorandum il y a, il doit émaner d’une commission parlementaire. S’agissant du contenu de ce mémorandum, notamment sur les questions de l’arrêt de la dynamique de l’investissement et de la baisse des encours de crédits bancaires, il y a, en effet, une problématique qui incombe partiellement au gouvernement et qui porte sur la confiance et le climat des affaires. Mais il y a lieu de souligner aussi, et c’est certainement l’essentiel de la problématique, les aspects techniques de la politique de crédit des banques et de la politique monétaire qui demeurent le cœur du problème. En effet, l’activité de crédit est presque à l’arrêt alors que le système bancaire continue de fonctionner sur la base du même modèle bancaire pensé et développé par les anciens ténors de la banque tels que Feu  Abdelaziz Alami et Feu Abdelhak Bennani et Abdellatif Laraki pendant les années 80 et 90. Malheureusement, les banques d’aujourd’hui restent prisonnières de ce modèle qui est dépassé et sont dans l’incapacité de produire un nouveau modèle dans l’ère du temps, où le banquier va vers le client et non l’inverse, avec à la clé des propositions innovantes d’investissement, de financement, d’accompagnement dans la gestion, de rapprochement d’entreprises, de parrainage par les Corporate et même avec des débouchés commerciaux. Devant cet immobilisme «intellectuel» de nos banquiers, la création d’une banque publique d’investissement s’impose plus que jamais, à l’image de l’Allemagne avec la KfW ou de la France avec Bpifrance. Sur un autre registre, la politique monétaire et la politique prudentielle menées par BAM ont montré leurs limites, et le risque bancaire systémique, incarné par certains grands groupes privés ainsi que les 6.000 entreprises qui mettent chaque année la clé sous le paillasson, est là pour en témoigner.


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