Gratuité de l’enseignement public : La vérité sur une fausse polémique
Les responsables du dossier le soutiennent haut et fort: ce qui circule autour d’une école publique payante est loin d’être vrai. Dans le cadre de la solidarité nationale, les couches sociales riches ou aisées apporteront leur contribution. En revanche, les populations les plus défavorisées seront exemptes des frais d’enregistrement et d’assurance.
La polémique est partie bien loin, jusqu’à menacer la stabilité sociale. Normal, il s’agit d’un sujet des plus épineux : l’annulation de la gratuité de l’enseignement public. Les réseaux sociaux aidant et la virulence des syndicats et autres opposants du gouvernement amplifiant le débat, les ripostes ont fusé tous azimuts depuis quelques jours. De la répartie néanmoins s’impose. En ce sens que l’État ne peut jouer la carte de la stabilité contre celle des finances publiques ou encore troquer le droit de tous les citoyens d’accéder à l’enseignement gratuit contre la manne financière qui permettrait de sauver l’école publique. Au contraire, les orientations constitutionnelles sont tout à l’opposé de la tournure qu’ont pris les débats. Et les divers responsables et du gouvernement et au Conseil supérieur de l’éducation en sont conscients.
À l’origine…
Du côté de la Primature, les responsables s’empressent de souligner qu’un grand quiproquo est à l’origine de cette affaire. Contrairement à ce qui a circulé dans la presse et qui a été mis en avant par certains syndicalistes, la gratuité de l’enseignement au Maroc ne sera pas touchée. «Rien dans l’avis consultatif du Conseil ne porte sur l’abolition de la gratuité de l’éducation comme cela a été relayé dans les réseaux sociaux et dans la presse», lance clairement Khalid Samadi, Conseiller du Chef de gouvernement et membre du Conseil supérieur de l’éducation. Plus encore, la loi-cadre portant réforme du système éducatif au Maroc stipule que ce sont uniquement les familles riches ou aisées qui devront à l’avenir payer des frais d’inscription. Les pauvres en seront même exonérés.
Le débat actuel sur la gratuité ou non de l’éducation n’est qu’une tempête dans un verre d’eau, tiennent à souligner les responsables. La loi-cadre soumise par le Chef de gouvernement au Conseil supérieur de l’éducation pour avis n’a pas cette prétention de chambouler le système de financement en taxant les familles. Par ailleurs, ce qu’il faut savoir, et là justement intervient la première précision de taille apportée par les responsables, c’est que la loi-cadre n’est que la reformulation de la mouture de vision ficelée par le Conseil supérieur de l’éducation, sans aucune retouche sur le fond. Une fois la rédaction de cette loi-cadre finalisée, elle a été retournée au Conseil pour avis. C’est là justement que les choses ont pris une nouvelle tournure, puisque la même version de vision approuvée à l’unanimité au sein du Conseil a été rejetée par les 4 syndicats une fois remodelée en loi-cadre, ce qui a poussé le Conseil à repasser au vote une seconde fois. En dépit de cela, le texte en question ne prévoit pas d’instaurer de paiement mais, au contraire, il vise la diversification des sources de financement en faisant participer les collectivités, le privé dans le cadre de PPP ainsi que le partenariat international. Un fond dédié sera mis en place pour centraliser les budgets en respect du principe de solidarité nationale. Car aujourd’hui, l’école marocaine est arrivée à un tel niveau de décadence qu’elle a besoin de l’engagement de toutes les forces vives du pays et de beaucoup d’imagination et d’ingénierie financière.
La vision 2015-2030, soubassement de la loi-cadre, porte en effet cet idéal de couper court avec une gestion par à-coup pour colmater les brèches au lieu de s’attaquer aux vrais maux qui taraudent l’enseignement au Maroc. La nouvelle loi, qui sera déclinée en suffisamment de dispositions, veut traiter le mal en profondeur. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit à l’origine d’une haute instruction royale émise lors du discours du trône en juillet 2015. Le souverain avait alors corsé le ton pour pousser toutes les parties prenantes à assumer leurs responsabilités. Ainsi à l’issue de sa 10ème session tenue les 21 et 22 courant, le Conseil a adopté à la majorité de ses membres une loi-cadre qualifiée de volontariste. Néanmoins, les remarques qui se sont fait jour suite au débat, devront accompagner l’avis du Conseil. La balle est désormais dans le camp du gouvernement, en attendant qu’il soit constitué, il doit programmer l’adoption de ce nouveau texte sur lequel il mise fort pour redorer le blason du secteur de l’éducation. L’année 2017 connaîtra ainsi une nouvelle approche participative fixant le rôle de chacun des intervenants et ouvrant des perspectives prometteuses. En 2030, deadline de la vision stratégique, les indicateurs de l’enseignement devront tous pointer vers le vert.
Khalid Samadi
Conseiller du Chef du gouvernement et membre du Conseil supérieur de l’éducation.
«La gratuité, un principe irrévocable»
Selon Khalid Samadi, Conseiller du Chef de gouvernement et membre du Conseil supérieur de l’éducation, l’avis consultatif du Conseil n’évoque pas l’abolition de la gratuité de l’éducation comme cela a été relayé dans les réseaux sociaux et les médias.
Les Inspirations ÉCO : En quoi consiste la composante financement inclue dans la loi-cadre ?
Khalid Samadi : D’abord, l’avis du Conseil est exprimé par le biais de ses communiqués officiels et ses documents. Ensuite, les avis du Conseil sont consultatifs et non décisionnels, ce qui leur octroie un caractère de recommandations stratégiques. Pour illustrer cela, je considère que les dispositions relatives au financement du système et la diversification de ses sources, confirment la continuation de l’État dans ses efforts pour financer la réforme de l’éducation. Cela, grâce notamment à l’amélioration progressive des budgets. S’y ajoute le principe de la solidarité nationale dans le financement du système par les collectivités territoriales ainsi que les partenariats nationaux et internationaux, des acteurs économiques et sociaux et, enfin, la création d’un fonds spécial pour financer la réforme alimenté par des ressources fiscales dédiées.
Est-ce qu’effectivement comme relayé par la presse, cette loi-cadre implique l’annulation de la gratuité de l’enseignement ?
Rien dans l’avis consultatif du Conseil ne porte sur l’abolition de la gratuité de l’éducation comme cela a été relayé dans les réseaux sociaux et dans la presse. Ces allégations manquent de précision et d’exactitude. Pour bien expliquer le contenu du projet d’avis du Conseil, il faut signaler qu’il ne déroge pas à l’esprit du projet inclus dans la vision stratégique qui a été approuvé à l’unanimité. Ce dernier contient l’application des frais d’inscription sur les familles riches et aisées dans l’enseignement supérieur au début, et plus tard dans l’enseignement secondaire. Et ce de manière progressive tout en faisant le lien avec la progression de la réforme ainsi que l’existence des conditions requises. Cette participation est aussi tributaire du lancement d’une étude à même de déterminer les critères de classification des couches sociales concernées par le paiement des frais et ceux qui seront exonérées. Les résultats de l’étude devront ainsi faire l’objet d’une loi en concertation avec les partenaires politiques et syndicaux. En effet, le texte passera par le cheminement législatif normal d’adoption au parlement eu égard à sa sensibilité ainsi qu’aux précautions dont il doit être entourées.
Après l’adoption de cette loi-cadre par le Conseil supérieur de l’éducation quelles sont les prochaines étapes ?
En respect des prérogatives constitutionnelles du Conseil supérieur de l’éducation, ce denier avait préparé la vision stratégique de la réforme 2015-2030 et l’a soumise au Souverain qui a donné ses hautes instructions au gouvernement à travers le discours du Trône de juillet 2015. Ces instructions consistent à transformer la vision en loi-cadre qui soit contraignante pour tous afin de couper court avec le cercle vicieux dans lequel la réforme s’est engluée. Le chef du gouvernement avait ensuite transmis la loi-cadre au conseil pour avis en respect des prérogatives que la loi suprême octroie à ce dernier. L’avis a été approuvé par l’Assemblée générale du conseil lors de sa 10éme session à la majorité de ses membres. Et ce après la mise en exergue de quelques remarques. Ainsi le bureau du Conseil aura la tâche d’insérer ces remarques dans l’avis final et le renvoyer ensuite au Chef du gouvernement. Ce dernier devra donc préparer la version finale de la loi cadre avant la soumettre pour approbation en Conseil de gouvernement, Conseil des ministres et le parlement en dernière étape. Cette loi cadre jouera le rôle de référence pour les textes d’application ainsi qu’une multitude de lois ayant trait aux système éducatif. Je voudrais signaler que cette loi-cadre est la premier de son genre depuis l’indépendance du pays. Elle a été élaborée à travers une approche participative entre le conseil supérieur et le gouvernement ainsi que les autres partenaires concernés.