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Gouvernement. À mi-mandat El Khalfi dresse le bilan

Mustapha El Khalfi. Ministre chargé des Relations avec le Parlement et la société civile, porte-parole du gouvernement

 

Modèle de développement, emploi, dialogue social, relations avec le Parlement, tensions au sein de la coalition gouvernementale… Autant de sujets sur lesquels s’exprime Mustapha El Khalfi, qui reconnaît l’ampleur des défis qu’il reste à relever, tout en défendant le bilan du gouvernement et de son département. 

L’optimisme du gouvernement contraste avec les critiques de l’opposition et des citoyens qui ne ressentent pas l’impact des mesures prises sur leur quotidien. Comment expliquez-vous cette situation ?
Les critiques sont légitimes car les attentes sont grandes. Nous faisons face à des défis sociaux et économiques qui ne sont pas faciles à relever. Cependant, le gouvernement est actif et a pu accomplir plusieurs réalisations. À mi-mandat, les premiers résultats sont palpables. À titre d’exemple, la généralisation du programme Tayssir dans le milieu rural pour le primaire et dans les milieux rural et urbain pour l’enseignement collégial est une mesure concrète qui aura un impact important en matière de lutte contre la déperdition scolaire. 2 MMDH ont été mobilisés à cette fin. En outre, l’octroi de la bourse aux stagiaires de la formation professionnelle a eu un impact sur les bacheliers, 80.000 d’entre eux s’étant cette année inscrits dans la formation professionnelle.

À cela s’ajoutent l’élargissement des bénéficiaires du fonds d’entraide familiale et les mesures relatives au système de santé. Quelque 10 hôpitaux provinciaux et de proximité ont été ouverts. L’enveloppe budgétaire du système RAMED a été élevée à 1,6 MMDH.

En ce qui concerne le recrutement dans le secteur de la santé, la moyenne est passée de 2.000 à 4.000 par an. Dans l’enseignement, ce nombre est de 70.000 en trois ans, soit le quart des ressources humaines du secteur. Les choses ont certes été marquées par un léger piétinement au départ. Mais le statut du personnel des académies a aussitôt été mis en place, et la formation renforcée. Les postes budgétaires au niveau public ont dépassé 130.000.

Mais ne pensez-vous pas que cela reste insuffisant par rapport à l’ampleur du chômage des jeunes ?
Le Haut-commissariat au plan a souligné que le taux de chômage est tombé en dessous de 10% et qu’en 2018, l’économie marocaine a créé 112.000 postes d’emploi. Il faut dire que de grands efforts sont déployés. Mais en comparaison avec les attentes, le chantier demeure très grand. Les lauréats des universités ont atteint 130.000 contre 43.000 il y a sept ans, alors que l’évolution de l’économie marocaine n’a pas triplé. En dépit des efforts déployés dans le domaine de l’emploi, on reste devant un défi de taille, celui de répondre à la demande de plus en plus élevée sur le marché de l’emploi. À cela s’ajoute la non-intégration économique de 25% des lauréats de la formation professionnelle. Des efforts importants sont déployés au niveau de l’emploi et de l’investissement publics, incitant à la création de l’emploi dans le secteur privé comme l’exonération de l’IS pour les nouvelles entreprises industrielles pendant les cinq premières années. On a par ailleurs renforcé le budget des investissements publics à 195 MMDH. En sept ans, on a doublé le budget de l’investissement public.

En ce qui concerne les IDE, nous avons pu améliorer le climat des affaires. Nombre de réformes législatives ont permis au Maroc d’atteindre le 60e rang dans le classement Doing Business. Le royaume a pu gagner 17 places entre 2016 et 2018. Les investissements étrangers ont atteint un record en 2018: 43 MMDH. On a dépassé les 160 MMDH entre 2012 et aujourd’hui.
Outre le bilan, il faut prendre en considération deux autres indicateurs: la maîtrise du seuil de la dette qui est restée à moins de 65% et la poursuite de la politique de maîtrise du déficit budgétaire. Cela nous donne des marges budgétaires pour renforcer les budgets des secteurs sociaux. Les résultats de l’effort déployé commencent à être palpables au niveau des IDE, de l’emploi, des dépenses sociales. Mais les attentes sont grandes. Deux grandes réformes vont permettre de donner des résultats très positifs: le chantier de la réforme des CRI et le projet de protection sociale à travers le registre social unifié.

Pourquoi le nouveau modèle de développement a-t-il tardé à voir le jour ?

C’est un projet stratégique. Le roi a annoncé qu’une commission sera chargée de regrouper les contributions des différents acteurs. Et le gouvernement en fait partie. Je vous renvoie au discours d’ouverture du Parlement. Le chef de gouvernement est en train de parachever sa vision sur la question. Le gouvernement, sous la conduite du roi, travaille dans le cadre de la dynamique qui a été enclenchée depuis l’année dernière, surtout en ce qui concerne les chantiers ayant trait à la protection sociale, l’investissement, l’emploi, la formation professionnelle. Cette dynamique, comme l’a souligné le roi, est liée au projet de nouveau modèle de développement.

À mi-mandat, le taux de croissance enregistré demeure très éloigné des objectifs fixés par le programme gouvernemental. Pensez-vous pouvoir tenir votre engagement ?
Les indicateurs montrent une amélioration continue. Grâce à la dynamique économique avec les réformes mises en place et les chantiers ouverts, nous allons parvenir à atteindre les objectifs fixés en matière de croissance.

La crise au sein de la coalition gouvernementale et les conflits entre les partis politiques alliés ne déteignent-ils pas sur l’action gouvernementale ?
L’essentiel est que les décisions qui s’imposent soient prises. En témoignent nombre de réformes lancées récemment, comme le projet de la charte de la déconcentration, le projet du registre social unifié pour réformer le système de protection sociale et le projet de réforme des centres régionaux d’investissement. Les différends existent. Mais il y a un mécanisme auquel veille le chef de gouvernement pour prendre les mesures qui s’imposent et préserver le processus de réforme.

Le dialogue social est en stand-by. Pour dépasser cet échec, le gouvernement ne compte-t-il pas augmenter le budget consacré à ce dossier ?
On va s’atteler à mobiliser les ressources financières nécessaires quand on parviendra à un accord. Le chef de gouvernement a mandaté le ministre de l’Intérieur pour communiquer avec toutes les parties.

Comment évaluez-vous le rythme législatif ?
Le bilan législatif est riche et fructueux aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. Jusque-là, sur un total de 176 projets de loi soumis au Parlement, dont 38 projets de loi de la précédente législature, 143 textes ont été adoptés. Pour la première fois, un gouvernement ne retire pas les projets de loi pour une meilleure exploitation du temps législatif et la poursuite des réformes déjà lancées.
À mi-mandat, presque la moitié des projets lois prévus dans le programme gouvernemental ont été adoptés.

Mais ne pensez-vous pas que le nombre des propositions de loi adoptées reste très modeste par rapport aux projets de loi ?
Nous allons arriver à quelque 14 propositions de loi adoptées en deux années législatives alors que la moyenne, lors des précédentes législatures, était de 20 propositions de loi en cinq ans. L’examen de plus de 40 propositions de loi a été entamé. À mi-mandat, on s’achemine vers la réalisation de ce qui était fait auparavant en une législature.

Mais est-ce suffisant? Êtes-vous satisfait de la situation actuelle en matière d’adoption de propositions de loi ?
On ne peut pas dire que c’est satisfaisant. Cependant, la dynamique de promotion des propositions de loi est enclenchée. Le gouvernement a mis en place une commission interministérielle pour étudier les propositions de loi. Le gouvernement a donné son avis à propos de la majorité des propositions de loi. Le reste suivra le mois prochain. Le gouvernement œuvrera pour mettre en place un mécanisme régulier pour assurer l’efficacité et optimiser l’interaction avec les initiatives législatives des parlementaires. Et dans le cadre de cette interactivité s’inscrit la présentation des versions amendées suite à l’étude et aux concertations avec l’ensemble des acteurs. Par ailleurs, je tiens à souligner que le gouvernement veille à interagir positivement avec les parlementaires, même en ce qui concerne les propositions d’amendement aux projets de loi. Quelque 432 amendements présentés par les parlementaires ont été acceptés sur un total de 643, soit un pourcentage dépassant les 67%. Et la majorité des lois ont été adoptées par consensus.

Parallèlement à la législation, ne faut-il pas se pencher sur l’évaluation de l’implémentation des lois, qui connaît parfois des retards ?
Il s’agit d’une préoccupation on ne peut plus légitime. Il faut en effet que les lois soient accompagnées des textes d’application. L’effort législatif du gouvernement suit d’ailleurs de plus en plus cette orientation à travers notamment l’adoption des textes d’application des lois adoptées lors de la précédente législature comme ceux ayant trait à la régionalisation. À ce titre, plus de 70 décrets, rappelons-le, ont été édités. Pour chaque projet de loi adopté au niveau du gouvernement, il y a au moins trois décrets édités. Un effort important est ainsi déployé. Mais on a besoin de renforcer cet effort et d’actualiser les textes législatifs qui sont désormais dépassés par les dispositions actuelles. Il s’agit de 5.000 textes qui datent de l’époque coloniale. Et le gouvernement est en instance de création d’une haute commission pour l’actualisation des législations.

Le déroulement des séances des questions orales ne doit-il pas être réformé ?
Je suis d’accord avec vous. Le besoin de mettre en place une nouvelle formule permettant d’exploiter la vitalité des débats entre le gouvernement et le Parlement, et particulièrement entre le gouvernement et l’opposition, se fait sentir. C’est cela qui va permettre de barrer la route au nihilisme. En outre, il faut renforcer la communication sur l’effort législatif déployé. Nous assumons la responsabilité de la faiblesse de la communication.

Où en est le dossier du renforcement de la démocratie participative ?
La dynamique ayant trait à la démocratie participative est enclenchée. L’instauration des instances de concertations sur le plan local enregistre un rythme croissant et progressif. Un guide sur la création des instances de concertation publique a été édité. Le programme de formation des acteurs de la société civile à la démocratie participative avance. Les premiers fruits en matière des pétitions commencent déjà à apparaître (environ 100 pétitions).

Pourquoi l’appui financier public aux associations demeure-t-il limité ?
Le soutien financier public se renforce à travers le partenariat. On peut parler d’une augmentation de 3 MMDH en 2019 en comparaison avec les années précédentes grâce au partenariat avancé avec la société civile à travers plusieurs programmes (renforcement de l’enseignement préscolaire, appui destiné à la scolarisation, élargissement du champ d’intervention de l’INDH, lutte contre l’analphabétisme). L’objectif est d’atteindre une généralisation progressive de la culture de contractualisation. Plus de 4.600 conventions ont été conclues dont 3.400 étaient dans le cadre d’appel d’offres. Nous sommes en train d’instaurer un nouveau cadre de partenariat entre l’État et les associations à travers la révision de la circulaire de 2003. À cet égard, une étude a été lancée en concertation avec les associations. Il faut aussi prendre en considération le contrôle a posteriori de la Cour des comptes qui publie l’audit des associations bénéficiaires du soutien financier public.

Quid de l’appui de l’emploi dans le secteur associatif ?
Le ministère a lancé une large opération de concertation qui a permis de déterminer nombre de recommandations. Cinq rencontres ont été tenues en la matière, et on a reçu les mémorandums de plus de 120 associations. À la lumière de ces travaux, un mémorandum a été ficelé et envoyé à la présidence du gouvernement en tant que contribution dans le cadre de la nouvelle vision gouvernementale sur le modèle de développement. Nous allons présenter un mémorandum en la matière lors des Assises de la fiscalité. 


Société civile: les projets législatifs en vue

L’entrée en vigueur de la loi d’accès à l’information le 12 mars permettra aux associations de disposer d’un mécanisme important leur permettant de mener leurs plaidoyers relatifs aux politiques publiques et aux décisions publiques, selon Mustapha El Khalfi.
D’autres lois sont très attendues pour renforcer la société civile. Le département d’El Khalfi est en train de s’atteler au projet de loi des associations. Les concertations seront approfondies pour que le 60e anniversaire du dahir réglementant le droit d’association soit l’occasion de parachever cette loi. Le texte portant sur le volontariat a été transféré au Secrétariat général de gouvernement. Le projet de loi relatif à l’organisation des appels à la générosité publique et la distribution d’aides à des fins caritatives a été, rappelons-le, soumis au Parlement. Par ailleurs, l’effort législatif est accompagné par des mesures visant le renforcement des capacités des acteurs associatifs (formation, facilitation de l’accès aux médias…) en vue de lutter contre les dysfonctionnements qui émaillent l’action de la société civile.


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