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Finances publiques : Comment les pouvoirs politiques pèsent sur les choix budgétaires

Pour sa 10e édition, le colloque international des finances publiques jette la lumière sur les lignes d’intersection entre politique et argent public. À compter de 2018, selon le ministre de l’Économie et des finances, la certification des comptes de l’État sera obligatoire. Les reports des crédits d’investissements ont atteint plus de 20 MMDH en 2009, ce qui nécessite plus de rigueur dans la programmation et l’exécution budgétaires.

Le sujet n’est pas nouveau, mais il coïncide cette fois-ci avec le temps électoral. «Pouvoirs politiques et finances publiques» est le thème de la 10e édition du colloque international des finances publiques qui s’est tenu les 16 et 17 septembre à Rabat. L’idéal serait que le budget de l’État soit totalement indépendant de la politique, mais même dans les vieilles démocraties, la décision politique conditionne voire dicte les enjeux de la finance selon le référentiel idéologique ou même encore pour des considérations purement électorales. Au Maroc, on ne peut pas les dissocier. Il faut la décision et l’engagement d’un pouvoir politique au sein du gouvernement pour mener des réformes impopulaires. Les cas sont légion comme la réforme de la Caisse de compensation, des retraites, le recrutement dans l’administration, dans le domaine de la santé, sans oublier des dédisions spectaculaires telles que la contribution libératoire ou l’amnistie fiscale.

La politique a beaucoup joué dans la prise de décision à impact direct sur les finances de l’État. Tantôt l’on gagne, tantôt l’on reporte certains engagements budgétaires et il n’est pas rare que l’on perde, comme ce fut le cas du raffineur Samir. Dans son intervention à l’ouverture du colloque, Mohamed Boussaïd a souligné à juste titre que «le système financier public est le reflet de l’organisation politique de l’État, du partage des pouvoirs entre les instances constitutionnelles, de la pratique institutionnelle, de la démocratie et de l’effectivité de l’État de droit». Le ministre de l’Économie et des finances relate ainsi la relation d’osmose qui existe entre politique et finances publiques. Les chiffres sont plus éloquents en ce qui concerne l’évolution que le budget a connue en peu de temps au Maroc.

Dans ce sens, Boussaïd, tout en rappelant que le déficit du Trésor a été ramené de 7,2% du PIB en 2012 à 4,3% en 2015, a annoncé que le déficit budgétaire devrait rester au-dessous de 3,5% en 2016 et entre 2 et 3% l’année prochaine. C’est là que la volonté politique rencontre les finances publiques. En effet, la charge de la compensation qui a été ramenée d’environ 55 MMDH en 2012 à seulement 14 MMDH en 2015 a constitué un enjeu majeur pour le budget. Deux facteurs essentiels ont renforcé cette relation de proximité avec le politique et partant avec le citoyen qui en est le déterminant. D’abord, les réformes constitutionnelles qui ont consacré plus de dispositions en relation avec les finances publiques et ensuite la loi organique de la loi de Finances qui a mis les finances publiques au cœur d’un nouveau mode de gestion fondé sur la performance et les résultats. Pour sa part, Michel Bouvier, président de la Fondation internationale des finances publiques (FONDAFIP), co-organisatrice du colloque, a mis l’accent sur la contribution des finances publiques au bien-être commun. Dans ce sens, il est évident qu’il va falloir sortir des sentiers battus et créer un système financier basé non pas uniquement sur la réalisation des équilibres mais également sur des principes de solidarité.

Dans le même ordre d’idées, Jean-François Girault, ambassadeur de France à Rabat, a souligné que la relation entre pouvoirs politiques et argent public est un enjeu majeur de la gouvernance et de la démocratie, mais il a toutefois nuancé en expliquant que «les finances publiques doivent être protégées des excès des pouvoirs politiques». Des garde-fous doivent s’ériger contre une mauvaise utilisation du budget pour des considérations purement politiques. Encore une fois, la Constitution et la loi organique des Finances montrent les lignes rouges que le politique doit respecter pour le bien de la communauté et la stabilité des institutions. Justement, la loi organique des Finances qui décline dans la pratique les orientations de la loi fondamentale insiste sur les principes de transparence, de responsabilité, de partage des pouvoirs budgétaires financiers, sans oublier l’approche axée sur les résultats, la performance et une comptabilité patrimoniale. Ce cheminement devra aboutir à compter de 2018, selon le ministre de l’Économie et des finances, à mettre en place la certification des comptes de l’État.

Par ailleurs, comment les finances publiques peuvent créer un développement économique et social profitable à tous ? Noureddine Bensouda n’y est pas allé par quatre chemins : une bonne gouvernance est un meilleur équilibre entre les pouvoirs. Le trésorier du royaume a par ailleurs attiré l’attention sur un phénomène devenu presque structurel. «En 2015, les crédits d’investissements reportés au niveau de 11 ministères ont dépassé les crédits qui leur étaient ouverts par la loi de Finances», a-t-il révélé. C’est devenu tellement préoccupant que la loi organique de la loi de Finances a prévu qu’à partir du 1er janvier 2018, les reports ne devront pas dépasser un plafond de 30% des crédits de paiement ouverts au titre du budget d’investissement pour chaque département ministériel. Si les mouvements de crédits se sont accentués durant la période 2001-2015, ils ont atteint leur pic en 2009 avec 20,1 MMDH. C’est ce qui a poussé Bensouda à décréter la nécessité de plus de rigueur que ce soit à la programmation budgétaire ou au niveau de l’exécution des budgets sectoriels. De cette manière, le recours aux mouvements de crédits en cours d’année sera maîtrisé en respect de normes et de seuils à ne pas dépasser. Pour conclure, le trésorier du royaume a souligné qu’au-delà des réalisations de tout un chacun, ce qui importe c’est la soutenabilité des finances publiques et l’amélioration de la situation économique et sociale pour le bien commun. 


Idéologie et finances publiques
Sachant que les recettes fiscales au Maroc représentent en moyenne 85% des recettes ordinaires de l’État réalisées entre 2001 et 2015, avec un pic de 90% en 2008, la décision politique devient un vrai facteur de stabilité financière, dans ce sens où l’idéologie d’un parti au pouvoir ne doit pas peser de tout son poids sur ses choix fiscaux. Mettre les finances publiques à l’écart de l’obédience politique et partisane est aujourd’hui le vrai souci de l’État. C’est pourquoi la loi organique des Finances a introduit le principe du budget pluriannuel. D’un côté cela donne de la visibilité au privé sur au moins trois ans et de l’autre, les choix budgétaires ne tombent pas facilement sous la coupe du temps politique par définition instable.


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