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Élections : Le vote obligatoire divise les partis politiques

Faut-il rendre le vote obligatoire au Maroc pour lutter contre l’abstention aux élections ? Les partis politiques sont divisés autour de cette question. Certains se prononcent en faveur de ce mécanisme appliqué dans certains pays démocratiques alors que d’autres estiment que le vote est une atteinte aux libertés individuelles. À la veille des élections, ce débat est remis au goût du jour.

à moins de cinq mois des élections législatives, le taux de participation demeure la grande inconnue. Les Marocains en âge de voter iront-ils en masse se rendre aux urnes le jour J ? Rien n’est moins sûr. En 2015, plus de 46 % des électeurs inscrits sur les listes électorales ont boudé les élections communales et régionales et lors des législatives de 2011, ce taux a dépassé 54 %.

Cette fois-ci, l’enjeu est de pouvoir mobiliser en masse les électeurs pour les inciter à aller voter. Pour renforcer la participation aux élections, certaines formations politiques se sont déjà exprimées sur la nécessité de rendre le vote obligatoire à l’instar de ce qui est pratiqué dans d’autres pays. En Belgique, à titre d’exemple, le vote est obligatoire depuis 120 ans et l’abstention est passible de sanctions pécuniaires ou administratives. Mais, en réalité, les électeurs qui ne votent pas en Belgique ne sont pas poursuivis en raison de l’encombrement des tribunaux.

Par contre, en Australie, les sanctions sont appliquées à l’encontre de ceux qui n’ont pas voté sans excuse valable (amendes, travaux d’intérêt général, retrait de permis…). Très contesté, le vote est en vigueur aussi dans d’autres pays comme le Brésil, la Grèce, le Luxembourg. Au Maroc, faut-il contraindre les citoyens à aller voter ? Les partis politiques sont divisés sur la question.

Avis mitigés
Rappelons qu’à la veille des élections communales et régionales, l’Union socialiste des forces populaires (USFP), par la voix de plusieurs de ses dirigeants, avait défendu l’idée de rendre le vote obligatoire. Et même le parti de l’Istiqlal s’était exprimé en faveur de ce mécanisme pour lutter contre l’abstention. Abdelkader Kihel, parlementaire et membre du comité exécutif du parti de la balance, estime que le vote est un devoir et devra être obligatoire. «Tous les citoyens en âge de voter doivent obligatoirement se rendre aux urnes. Plusieurs démocraties pratiquent le vote obligatoire et il est temps au Maroc de mobiliser les électeurs», signale-t-il aux Inspirations éco.  Pour le professeur universitaire Ahmed El Bouz, même si le Maroc décide de mettre en vigueur cette mesure, la difficulté se posera au niveau de la poursuite des personnes qui ne respectent pas l’obligation de se présenter au bureau de vote.

En effet, l’application des sanctions contre les abstentionnistes exigerait un énorme effort de la Justice. Or, les tribunaux marocains sont déjà très encombrés. À cet égard, Abdelkader El Kihel appelle à s’inspirer de l’expérience des pays démocratiques qui sanctionnent les abstentionnistes précisant que c’est la volonté politique qui facilite la mise en place des mécanismes nécessaires au renforcement de la démocratie. Cet avis ne semble pas faire l’unanimité au sein de l’échiquier politique. «Le mécanisme du vote obligatoire ne constitue pas la solution pour lutter contre la désaffection des citoyens à l’égard de la politique», souligne Ahmed El Bouz. C’est ce que pensent aussi plusieurs politiciens qui ne sont pas favorables à la mise en œuvre de ce mécanisme et le considèrent comme une atteinte à la liberté individuelle.

Le parlementaire du Rassemblement national des Indépendants (RNI) Mohamed Hanine estime qu’il ne faut pas soumettre les électeurs qui s’abstiennent de voter aux sanctions. «Je trouve cette mesure anticonstitutionnelle. Le vote doit être basé sur la liberté et le principe du libre choix», dit-il. Le député du parti de la justice et du développement Aziz El Guermat abonde dans la même veine soulignant que le vote est un devoir, mais il serait difficile pour le Maroc d’appliquer la mesure du vote obligatoire car aucune partie ne pourrait maitriser le processus. L’idéal, selon lui, est de s’ouvrir sur la démocratie et la liberté pour pouvoir améliorer le taux de participation aux élections. 

Par ailleurs, ils sont nombreux à appeler plutôt à rendre obligatoire l’inscription sur les listes électorales. Néanmoins si le taux d’inscription est élevé on sera face à un faible taux de participation si rien n’est fait pour mobiliser les électeurs. À l’heure actuelle, un grand écart existe entre le nombre des électeurs en âge de voter et celui des inscrits sur les listes électorales.

Le corps électoral aux élections communales et régional était composé de 15,4 millions d’électeurs au niveau national. Or, selon les prévisions, le nombre des Marocains éligibles au vote dépasserait les 20 millions. Pour dépasser toutes les problématiques liées à l’inscription sur les listes électorales, certains partis politiques ont plaidé pour l’enregistrement automatique des électeurs sur la base du registre de la carte d’identité nationale. Une requête rejetée par le ministère de l’Intérieur car plusieurs personnes n’ont pas droit au vote comme les membres des Forces armées royales (FAR) de tous grades en activité de service ainsi que les agents de la force publique autorisés à porter une arme dans l’exercice de leurs fonctions.

Tout porte à croire qu’en dépit des requêtes de certains partis politiques, le ministère de l’Intérieur n’acceptera pas le mécanisme du vote obligatoire. Ainsi, une grande responsabilité incombe aux partis politiques pour mobiliser les électeurs et les inciter à voter. Il s’avère nécessaire de rétablir la confiance des Marocains dans la politique et l’opération électorale à travers les différentes offres politiques. En effet, la participation est fortement tributaire de la confiance des citoyens dans les acteurs politiques et des élections, comme le souligne Ahmed El Bouz. Cet observateur tient à préciser qu’une forte participation aux élections risque de perturber les équilibres politiques établis et d’être en faveur de certains partis politiques au détriment d’autres. Ce qui susciterait la méfiance de certains acteurs politiques envers une forte participation aux élections. 


 

Omar Sentissi
Président de la Commission de l’intérieur, des collectivités territoriales, de l’habitat et de la politique de la ville à la chambre des représentants

«Je suis pour le vote obligatoire»

Les Inspirations ÉCO : Que pensez-vous du mécanisme du vote obligatoire qui s’invite aux débats à la veille des élections ?
Omar Sentissi : Il faut dire que les avis divergent autour de cette question. L’abstention est un droit acquis alors que pour certains, il faut instaurer le vote obligatoire pour garantir une véritable représentativité politique. Personnellement, je suis pour le vote obligatoire afin que la représentativité politique au Maroc soit à l’image de ce qu’attendent les électeurs. Mais, c’est difficile de mettre en œuvre cette mesure en l’absence de sanctions. La sensibilisation est la seule manière d’inciter les citoyens à aller voter. Après une profonde réflexion, je pense qu’il s’agit d’un faux débat. En réalité, il faut intéresser les citoyens à la chose publique et à la politique pour qu’ils aillent voter. Même les votes blancs sont significatifs. Il faut rendre la crédibilité aux partis politiques pour augmenter le taux de participation.

Ce mécanisme de vote obligatoire sera-t-il débattu au sein de votre commission ?
La commission de l’Intérieur n’a pas encore débattu ce mécanisme. L’année dernière, il a été débattu en commission à l’occasion de l’examen des textes électoraux. Le sujet sera sûrement de nouveau soulevé lors de la discussion du projet de loi organique sur la chambre des représentants.

Des députés ont plaidé au sein de la commission pour la nécessité de rendre obligatoire l’inscription sur les listes électorales. Qu’en pensez-vous ?
Au parti de l’Istiqlal, nous plaidons pour le recours au registre des cartes d’identité nationales. Automatiquement, ceux qui ont 18 ans doivent être inscrits sur les listes électorales. Le ministre de l’Intérieur a mis en avant plusieurs difficultés à mettre en œuvre cette mesure dont le déménagement des locataires qui souvent ne changent pas d’adresse. Le parti de l’Istiqlal est pour la gratuité du renouvellement de la CIN pour les personnes qui changent d’adresse car il y a beaucoup de mobilité surtout dans le périurbain. Le ministre de l’Intérieur a aussi mis en avant la difficulté de trier ceux qui n’ont pas droit au vote dont ceux qui portent les armes ou encore les personnes dont le droit de vote est suspendu.

Cette année, beaucoup d’inscription sur les listes électorales ont été faites via Internet. Mais, les citoyens se sont-ils inscrits eux-mêmes ou bien des personnes intéressées l’ont fait à leur place en prenant leur CIN ?
Il s’agit d’une décision politique. Le gouvernement est appelé à travailler sur le projet d’inscription des électeurs sur les listes électorales en se basant sur la CIN. Ce projet pourrait aboutir non pas pour les élections du 7 octobre mais pour les suivantes.


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