Dumping, énergie, concurrence : L’acier marocain ne fond pas !
Malgré un contexte mondial sensible, l’industrie nationale de l’acier résiste. Le ministère de tutelle promet de poursuivre la défense du secteur contre la concurrence déloyale et le dumping.
Le Maroc ne ménage pas ses efforts pour tirer son épingle du jeu sur le marché mondial de l’acier. Dumping, coût de l’énergie, concurrence… les défis ne manquent pas. À l’approche de la levée des mesures de sauvegarde sur les importations de fil machine et fer à béton et de ceux portant sur les tôles laminées à froid et tôles plaquées ou revêtues, l’industrie est sur le qui-vive. Le dumping s’est quasiment banalisé dans ce secteur. Avec le ralentissement de la consommation d’acier, certains acteurs internationaux vendent à perte afin de réduire à néant les industries nationales et s’approprier pleinement le marché. La question a été largement débattue dans le cadre d’un séminaire organisé par l’Association des sidérurgistes du Maroc (ASM) portant sur «les enjeux et perspectives du secteur de la sidérurgie au Maroc».
L’État en première ligne
À ce titre, le ministre de l’Industrie, du commerce, de l’investissement et de l’économie numérique, Moulay Hafid Elalamy, a exprimé un « soutien inconditionnel face aux pratiques déloyales qui affectent l’industrie nationale», tout en appelant les opérateurs du secteur à poursuivre les efforts de mise à niveau. «Nous utiliserons tous les moyens en notre possession pour défendre le secteur», affirme le ministre dans un jargon quasi-guerrier. Est-ce dire que des mesures de sauvegarde seront prorogées dans un avenir proche ? Le ministre préfère ne pas se prononcer sur ce sujet. Sur la question du dumping, Elalamy se montre toutefois beaucoup plus direct soulignant que des enquêtes seront ouvertes à chaque fois que cela s’avérera nécessaire. Le Maroc plaide d’ailleurs pour un renouvellement des règles de l’OMC à ce niveau. Le ministre estime que les règles actuelles prennent beaucoup de temps et n’impliquent pas de vraies sanctions de la part de l’institution du GATT à l’encontre des opérateurs véreux qui peuvent facilement récidiver. Un véritable jeu du chat et de la souris qui ne règle pas le problème. «Je promets que l’engagement de l’État ne baissera pas pour ce secteur avec la fin des mesures de sauvegarde en 2018 et 2019», affirme Moulay Hafid Elalamy.
Mettre à niveau ou périr
En contrepartie, le secteur est tenu de monter en puissance et de renforcer sa compétitivité. Surtout que de vraies opportunités se profilent avec notamment les performances des écosystèmes industriels de l’automobile, de l’aéronautique et de l’industrie navale. «Nous voyons également de réelles opportunités du côté de la libéralisation du secteur de l’énergie qui peut nous faire gagner des points de compétitivité, mais aussi sur le marché africain avec l’adhésion du royaume à la CEDEAO», souligne Amine Louali, président de l’Association des sidérurgistes du Maroc (AMS). Le secteur reprend des couleurs avec une hausse de la demande en provenance des USA, de l’Inde et de l’Europe. Sur le plan national, l’industrie devrait continuer à soutenir des secteurs stratégiques comme le BTP et les énergies renouvelables. «Nous voulons créer une vraie dynamique avec le secteur de l’immobilier et du logement, mais il faut que l’on se mette d’accord sur les ambitions et les défis du pays», souligne le président de l’AMS.
Réformes
La consommation d’acier reste toutefois en dessous de son véritable potentiel. «Le Maroc consomme à peu près 50 kg d’acier par habitant annuellement, alors que la moyenne des pays d’Afrique du nord se chiffre à 100 kg. Ce chiffre s’élève à 400 kg pour la Turquie et 300 en Europe», note Louali. Le contrat performance signé par les industriels avec l’État en 2016 vise notamment une dynamisation de l’aval du secteur, une amélioration de la compétitivité et le développement de l’emploi. L’AMS a mené, dans le cadre de sa plateforme de réflexion «Steel Impulse» une étude de perception visant 63 organismes et des interviews visant 24 décideurs du secteur. Il en ressort la nécessité d’opérer une meilleure gestion de la consommation énergétique dans le secteur en mettant l’accent la filière des énergies renouvelables, le recours aux sources énergétiques alternatives comme combustibles en remplacement du charbon, du fuel et du gaz. Les recommandations de l’étude vont également dans le sens d’une modernisation de la fonction logistique. L’AMS entend d’ailleurs étudier les solutions de rail pour la massification des flux ou encore l’externalisation avec un effort clair sur le plan des nouvelles technologies. Les professionnels entendent également créer de l’émulation avec le secteur des matériaux de construction dans un cadre de concurrence saine où l’acier serait une alternative saine à forte qualité environnementale. Parmi les pistes de collaboration, l’on parle également d’une convention cadre entre le secteur de la sidérurgie et l’industrie automobile. Pour ce faire, les industriels devront investir dans le processus d’homologation des produits destinés au secteur automobile. Pour renforcer l’export, l’association marocaine des sidérurgistes entend privilégier des approches commerciales intégrées suivant le modèle de la Turquie, créer un Groupement d’intérêt économique (GIE) ou un cluster dédié aux marchés internationaux.