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Droit d’asile : Que faire des réfugiés Syriens ?

Les réfugiés syriens qui arrivent au Maroc se retrouvent dans un flou juridique et une précarité économique. Sur ce dossier, les engagements du gouvernement tardent à se concrétiser.

Les réfugiés syriens n’ont pas de statut précis au Maroc. Les 3058 ressortissants de ce pays représentent, à eux seuls, 67% des personnes sous mandat du Haut commissariat des réfugiés (HCR) au Maroc. Même s’ils sont enregistrés auprès du bureau HCR à Rabat et auditionnés par le Commission ad hoc de régularisation qui siège au sein du ministère des Affaires étrangères et de la coopération (MAEC), ils ne bénéficient pas de protection temporaire ou de statut de réfugiés. «Le gouvernement n’a pas pris de décision au sujet de leur statut définitif», explique le HCR Rabat. Depuis le déclenchement du conflit en Syrie et l’arrivée des premiers réfugiés depuis la frontière terrestre Est du Maroc ou par avion, ces réfugiés disposent d’un récépissé des autorités marocaines qui confirme leur enregistrement et les protège de leur refoulement. Toutefois, ils ne peuvent pas bénéficier d’une carte de séjour qui leur donne le droit d’accéder aux services de santé et d’éducation, ainsi qu’au marché du travail. Les 451
Yéménites demandeurs d’une protection internationale au Maroc se trouvent dans la même situation.

Le Maroc, une salle d’attente
À ce statut juridique fragile, s’ajoute une forte précarité sociale des Syriens réfugiés au Maroc. Aujourd’hui, cette population survit grâce à la solidarité de la société. Plusieurs initiatives se multiplent dans les villes de Casablanca, Rabat ou Tanger pour assister cette population. Pour sa part, le gouvernement ne semble pas presser pour statuer sur cas des Syriens. Après avoir enregistré 800 Syriens en 2013 au Bureau des apatrides et réfugiés (BRA), les autorités marocaines demandent au HCR de stopper l’enregistrement des Syriens. «Un statut spécial leur sera accordé», rassurait à l’époque les autorités marocaines.

Presque trois ans après, c’est le flou juridique. Des considérations diplomatiques et sécuritaires seraient à l’origine de ce blocage, comme en témoigne le communiqué virulent des Affaires islamiques en mars 2014. Ce département interdisait les actes de mendicité de quelques Syriens, stigmatisant au passage toute cette population. Le HCR reste optimiste. «Il y a une volonté politique au Maroc pour protéger les réfugiés syriens», affirme Jean-Paul Cavalieri, représentant du HCR au Maroc. Et d’ajouter : «Cette population a un accès au système éducation et aux soins de santé. Par contre, la recherche d’emploi est difficile. Cette situation précarise ces réfugiés et accroît le risque de leur exploitation».

Promesse du Maroc
À en croire les engagements du Maroc lors de la Conférence de haut niveau sur la protection des réfugiés syriens, organisée le 30 mars dernier à Genève, ce flou juridique devrait se terminer bientôt. Le Maroc s’est engagé à régulariser les 800 personnes qui sont inscrits au Bureau des réfugiés et des apatrides. «C’est un signe fort et louable. Nous attendons la concrétisation sur le terrain de cet engagement», souligne le représentant du HCR au Maroc. Face à cette situation imprécise, un nombre croissant de Syriens tente de passer vers les villes occupées de Sebta et Melilia.

Autour de ces villes, un business juteux profite à des passeurs des deux côtés de la frontière (Cf. Leseco.ma). Dans un contexte mondial marqué par une crise migratoire d’une grande ampleur, le Maroc a reçu à son échelle, l’écho des déplacements forcés des populations venant de Syrie, du Yémen et d’Irak. Le nombre de réfugiés auprès du HCR en 2015 a augmenté de 206%, passant de 1275 à 3908 réfugiés.

Au total, 6471 personnes sont sous le mandat du HCR au Maroc, exigeant un budget d’environ 50 millions de DH, financé à 12% par la Suisse et Monaco. La durée de la présence sur le territoire s’accroit et le nombre de réfugiés qui ont quitté le Maroc pour l’Europe a décru. Signe de l’installation temporaire au Maroc, la diversification des villes d’accueil de ces réfugiés. 43 villes accueillent des réfugiés, principalement dans les grandes villes. «Ces indicateurs prouvent que le Maroc, bien que toujours un pays en transit, confirme sa position de pays d’accueil pour les réfugiés», analyse le HCR Maroc. En attendant, la mise en place d’un système nationale d’asile, le programme de réinstallation dans des pays historiques d’accueil des réfugiés continuent. La priorité est donnée aux cas sociaux difficiles exigeant une protection renforcée. 


 

Intégration des réfugiés. Un si long chemin…
Depuis l’ouverture du bureau du HCR Maroc en 2007, des formations aux langues et aux métiers sont menées par faciliter l’intégration de cette population au sein de la société marocaine. Ces efforts sont réalisés conjointement avec des ONG comme la Fondation Orient-Occident (FOO) et l’AMAPPE. La priorité est donnée aux activités favorisant l’interculturalité entre les réfugiés et les Marocains. Le HCR en collaboration avec le CNDH a édité un ouvrage de témoignages des réfugiés intitulé «Un si long chemin». Pour accélérer ce processus, le HCR vient de lancer un appel à candidature pour recruter un consultant dont la mission sera d’assister le ministère en charge des Affaires de la migration pour mener à bien cette mission.


 

«La loi sur l’asile se fait attendre»

Jean-Paul Cavalieri
Représentant du HCR au Maroc

Les Inspirations ÉCO : La loi sur l’asile n’a pas encore été adoptée par le gouvernement. Pourquoi ?  
Jean-Paul Cavalieri : Pour le moment, la loi sur l’asile se fait attendre. Le HCR a eu à commenter le projet de loi. C’est un bon projet qui peut être amélioré. Il est important que ce projet de loi soit voté pour que le Maroc puisse jouir d’une politique d’asile inscrite dans la loi. Cette décision sera un signal fort pour l’ensemble de la région. Le Maroc a une chance historique pour montrer la voie dans ce domaine. À terme, le HCR a pour vocation de rendre ses prérogatives au gouvernement marocain. L’enregistrement des demandes de protection, l’entretien individuel et l’examen des dossiers devront être réalisés par la prochaine instance qui sera chargée du système national d’asile.

Quelles sont les mesures prises pour améliorer le traitement des dossiers des demandeurs d’asile?
Le HCR Rabat dispose de ressources limitées et les demandes varient d’un mois à l’autre et d’une année à l’autre. Face à ces fluctuations, on n’a pas des ressources infinies. Pour pallier cette rareté des ressources, on essaye de prioriser les cas vulnérables ; c’est-à-dire les femmes seules, mineurs non accompagnés, les familles avec enfants à charges et demandeurs atteints de maladie. Ces mesures permettent de réduire les délais d’attente pour ces catégories. Nous procédons à la sélection des cas pour éviter de surcharger le processus avec des demandes qui seraient très probablement rejetées. Nous simplifions la procédure pour les ressortissants venant de pays en guerre comme la Syrie ou la Centrafrique, un Syrien ou un Centrafricain a, a priori, besoin d’une protection internationale. Nous tâchons de vérifier la nationalité du demandeur pour éviter la fraude de la nationalité.

Quelles sont vos ressources ?
Deux pays financent les programmes du HCR au Maroc. Il s’agit de la Fédération suisse et la Principauté de Monaco. L’Allemagne co-finance des programmes sur le Maroc. Seulement, ce financement se fait dans le cadre de projets réalisés au Maroc. Ensuite, le HCR dans le monde compte des pays donateurs. En 2015, les dix pays donateurs, ayant le plus contribué au budget du HCR, sont : Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’UE, le Japon, l’Allemagne, le Koweït, la Suède, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas. C’est au siège à Genève que la répartition de ces ressources s’effectue. Au Maroc, nos ressources demeurent limitées. On a besoin davantage de financement pour soutenir l’établissement du système d’asile au Maroc et le premier en Afrique du Nord. 


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