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De multiples dysfonctionnements entachent l’organisation scolaire

Le processus de planification scolaire devra être révisé par l’adoption d’une planification pluriannuelle retraçant la vision stratégique 2015-2030. C’est la principale recommandation de la cour des comptes qui vient de rendre publics les résultats d’une enquête sur la rentrée scolaire 2016/2017 pointant du doigt des dysfonctionnements liés à l’organisation scolaire et à la gestion des déterminants de la rentrée scolaire.

La cour des comptes relève encore une fois plusieurs insuffisances dans le secteur de l’enseignement compromettant les conditions normales de la scolarisation. L’institution de Driss Jettou vient de rendre publics les résultats d’une enquête préliminaire sur les conditions de préparation et de gestion de la rentrée scolaire 2016-2017 ayant fait l’objet de bon nombre de critiques. Plusieurs points ont été déjà soulevés par les médias et les experts à commencer par la problématique de l’encombrement qui touche 38% de la population scolarisée (classes de plus de 40 élèves). À ce titre, la cour des comptes relève des dysfonctionnements liés à l’organisation et la planification scolaire dont certains ont été déjà relevés par de précédents rapports. La première remarque concerne l’effectif des enseignants. Le déficit s’élève à 16.700 lors de l’année scolaire qui s’achemine vers sa fin dont 62 % en milieu urbain. Ce qui a impacté négativement le déroulement de la scolarisation : existence des classes à cours multiples pouvant regrouper jusqu’à six niveaux, suppression des groupes des travaux pratiques pour les matières scientifiques, réduction, parfois de moitié, du volume horaire réservé à l’enseignement de certaines matières, suspension de l’enseignement de certaines matières, enseignement de matières par des enseignants non spécialisés ou par des contractuels ou des stagiaires sans être suffisamment formés au préalable. Parallèlement au déficit en enseignants, l’examen des cartes scolaires théoriques montre l’existence d’un excédent de 14.055 enseignants (un volume horaire enseigné réduit). La coexistence des déficits et des excédents en enseignants est une caractéristique structurelle du système éducatif. Le ministère de tutelle est appelé à résorber de manière progressive l’excédent en enseignants par la préparation d’un plan de redéploiement et la maîtrise des mouvements des enseignants selon des critères objectifs. À cet égard, le ministère de tutelle entend consolider les procédures relatives à cet aspect dans le cadre des révisions attendues de la mobilité des enseignants.

EXPLOITATION NON-OPTIMISÉE DES ÉTABLISSEMENTS
Les magistrats de la cour des comptes pointent du doigt également une exploitation non optimisée des établissements scolaires. En effet, le nombre de salles en bon état mais non utilisées représente l’équivalent de 1.360 établissements de 12 salles chacun, soit une capacité d’accueil de l’ordre de 652.800 élèves du cycle primaire à raison de 40 élèves par classe et par salle. La cour des comptes critique aussi une exploitation des établissements scolaires ne disposant pas de conditions élémentaires de scolarisation : 9 365 salles en situation délabrée, des établissements scolaires non raccordés aux réseaux d’assainissement, d’eau et d’électricité , absence de blocs sanitaires, infiltration d’eau et problèmes d’étanchéité, absence de murs de clôture…

APPUI SOCIAL LIMITÉ
Par ailleurs, les programmes d’appui social visant à promouvoir la scolarité des élèves et à lutter contre l’abandon scolaire sont jugés limités en dépit des efforts déployés en la matière. Le taux de déperdition en cette année scolaire fait froid dans le dos : quelque 218.141 élèves ont quitté l’école au cours de l’année scolaire 2016/2017, soit 4% de l’effectif global des élèves. Des insuffisances sont constatées au niveau du ciblage ainsi que des moyens financiers alloués aux différents programmes. À titre d’exemple, le transport scolaire est destiné aux élèves résidant dans des zones éloignées de leur établissement scolaire. Cependant, les visites sur place ont montré que cette prestation ne couvre pas la totalité de la population cible. Certains élèves parcourent chaque jour de longues distances pour regagner l’école. S’agissant des internats et des cantines, le coût par bénéficiaire et par jour ne permet pas d’assurer l’hébergement et la restauration des bénéficiaires dans des conditions normales (1,40 DH pour les cantines et à 14,00 DH pour les internats). La faiblesse des moyens financiers génère des arriérés de paiement pour l’initiative Royale d’un million de cartables et le non-paiement des allocations prévues dans le cadre du programme Tayssir pour les années scolaires 2015/2016 et 2016/2017. À cela s’ajoute l’absence d’un plan d’action commun et concerté entre les gestionnaires des programmes d’appui social. La mise en place d’un financement approprié et la révision du ciblage s’imposent pour atteindre les objectifs de l’appui social. Pour améliorer le programme d’appui social, le ministère est en train d’élaborer une plateforme informatique dédiée à sa gestion et son suivi qui va « permettre d’identifier les besoins d’une manière plus efficace et plus efficiente, de rationaliser davantage les ressources disponibles, et d’améliorer la gouvernance des programmes d’appui social ».

CAUSES DES DYSFONCTIONNEMENTS
Les dysfonctionnements constatés par la cour des comptes sont dus à plusieurs causes notamment la non-maitrise du processus de planification et de gestion des déterminants de la rentrée scolaire à savoir les élèves, les enseignants, les infrastructures et l’appui social.

La cour des comptes cite en premier lieu l’absence d’un système d’information intégré et fiable précisant que les différentes solutions informatiques ne sont pas intégrées et ne permettent pas une remontée de données actualisées, cohérentes et fiables facilitant le pilotage du système éducatif. La défaillance de la planification scolaire est aussi un vrai problème. Hormis les projections des besoins en termes d’enseignants et d’infrastructures, le ministère ne veille pas, selon la cour des comptes, à l’élaboration de la carte prospective intégrant toutes les dimensions liées à la planification pluriannuelle. Quant à la planification annuelle, elle est matérialisée par l’élaboration de la carte scolaire, qui dépend elle aussi des données issues de l’opération du recensement annuel, relatives aux structures d’accueil, aux élèves, aux ressources humaines, aux internats et cantines, etc. Le processus actuel de planification scolaire est lacunaire car il ne prévoit pas de dispositif d’évaluation permettant de comparer les structures pédagogiques des établissements scolaires prévues par la carte scolaire établie en juillet de chaque année et celles mises en place à la rentrée scolaire en septembre. L’enquête de la cour des comptes fait ressortir aussi un­­­e gestion centralisée des ressources humaines, l’absence d’un statut propre du personnel des académies régionales de l’éducation et de la formation, inobservation des charges horaires réglementaires ainsi qu’un système d’évaluation des besoins en ressources humaines incomplet et non maitrisé.

Le recoupement entre les différentes requêtes adressées au chef du gouvernement au sujet des besoins en ressources humaines, a révélé des écarts significatifs. En outre, la cour des comptes estime que la mobilité des enseignants ne satisfait pas les besoins du système éducatif. Le mode de gestion des mouvements des enseignants ne permet pas aux académies régionales et aux directions provinciales de faire les ajustements nécessaires pour une répartition optimale des enseignants. Pire encore, il contribue dans certains établissements scolaires à l’accentuation du déficit ou de l’excédent en enseignant. Un autre facteur s’avère de la plus haute importance : l’impact des départs à la retraite sur les besoins du système éducatif. Depuis 2011, les postes budgétaires ouverts par les lois des finances ne couvrent pas les départs à la retraite.

En dépit de cette situation, le ministère autorise de plus en plus le départ à la retraite anticipée des enseignants (6.614 départs au cours de l’exercice 2016). Outre la gestion du personnel, les insuffisances concernent aussi la non-maitrise des besoins en établissements scolaires : retard dans l’achèvement des travaux de construction et d’extension des établissements scolaires, retard dans l’ouverture des établissements scolaires malgré l’achèvement des travaux de construction, fermeture des établissements scolaires nouvellement créés pour manque d’élèves.


Les recommandations 

Pour pallier toutes les difficultés, la cour des comptes appelle à la révision du processus de planification scolaire par l’adoption d’une planification pluriannuelle retraçant la vision stratégique 2015-2030, matérialisée par une carte scolaire prospective. Il s’avère indispensable de mettre en place un système d’information intégré en procédant à l’apurement de l’ensemble des données et l’intégration de toutes les applications servant à la gestion du système éducatif. Il faut aussi réviser le processus d’évaluation des besoins en établissements scolaires et du choix des sites d’implantation afin d’éviter la sous-exploitation ou la fermeture des établissements. La cour des comptes plaide pour l’élaboration d’un statut du personnel des académies régionales et d’un plan de mise à niveau des établissements scolaires et des internats pour améliorer les conditions d’accueil des élèves.

A ce titre, le ministère de l’éducation nationale relève qu’il s’agit d’une priorité pour la prochaine année scolaire 2017/2018 à travers le lancement d’un vaste programme de mise à niveau des espaces scolaires ( renouvellement du mobilier scolaire, réhabilitation des façades et des espaces intérieurs des établissements scolaires, remplacement des constructions en préfabriqué…).

Des fonds ont été déjà mobilisés à cette fin et une convention-cadre est en vue avec le ministère de l’Intérieur permettant d’exécuter les opérations de mise à niveau à travers les procédures de l’INDH. Il est aussi recommandé d’adopter un système d’évaluation des besoins en ressources humaines global et équilibré en portant une attention particulière aux personnels d’encadrement pédagogique et administratif et de réviser le mode de gestion de la mobilité et d’affectation des enseignants pour optimiser l’utilisation des ressources disponibles. Pour combler le déficit en enseignants, le ministère doit prendre en considération plusieurs facteurs : la maitrise du système d’évaluation et de planification des besoins en ressources humaines ainsi que la mise en place d’un plan pluriannuel de recrutement et de formation des enseignants, concerté entre tous les départements concernés. Dans l’immédiat, le département de Hassad compte sur le recrutement par contrat pour résorber le déficit en enseignants (24 000 sont prévus pour la prochaine rentrée).

Le ministère s’attèle au développement de l’outil de simulation servant à déterminer les besoins futurs en ressources humaines, et qui est actuellement centrée sur les cadres d’enseignement. S’agissant de la révision du processus du mouvement et de l’affectation du personnel, des actions sont en cours pour l’amélioration des mécanismes de rationalisation de la gestion des ressources humaines, notamment en veillant à assurer une répartition équitable de ces ressources, à mettre en place les outils de suivi de leur emploi, et à cerner les diverses contraintes de gestion produisant l’excédent et le déficit en personnel. Ainsi, la note-cadre organisant le mouvement du personnel sera révisée et de nouvelles méthodes et normes pour la gestion de la mobilité et de l’affectation des enseignants seront adoptées. Cette révision est déjà entamée. Concernant la révision du processus d’évaluation des besoins en établissements scolaires et de leur implantation, le ministère se penche sur l’amélioration des procédures. Sur le volet de la planification, un programme pluriannuel concrétisant la vision stratégique 2015-2030 sera couronnée par la préparation d’une carte scolaire prospective basée sur des critères objectifs pour la détermination des besoins.  



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