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Anas Doukkali, Directeur général de l’ANAPEC : Le point sur la promotion de l’emploi

Le développement des actions de l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences se heurte à l’insuffisance des ressources humaines et des moyens financiers. Le directeur général de l’ANAPEC, Anas Doukkali, fait le point sur les chantiers de 2017, dont la nécessité de la finalisation du contrat-programme, qui a pris du retard. 

Les Inspirations ÉCO: Où en est le contrat-programme 2017/2020, qui a accusé un retard et qui figure parmi les chantiers de l’ANAPEC de cette année?
Anas Doukkali : L’ANAPEC avait préparé en 2015 un plan de développement à l’horizon 2020 qui a été validé par le Conseil d’administration, avec pour perspective de le finaliser avec le ministère de l’Emploi et celui des Finances. Au cours de l’année 2016, nous ne sommes pas arrivés à finaliser ce contrat-programme. Aujourd’hui, on propose de l’étendre à 2021 en raison du programme gouvernemental et de la stratégie de la formation professionnelle à l’horizon 2021. Il faut dire que, souvent, c’est la question des moyens qui nécessite beaucoup de négociations et de tractations. Plusieurs rounds de négociations ont eu lieu avec les Finances. Ce contrat-programme est un impératif de réussite du plan de développement qui prévoit une évolution des réalisations en termes de réinsertion, d’amélioration de l’employabilité et d’accompagnement des porteurs de projets. On multiplie par deux voire trois les objectifs. Cela nécessite un accompagnement par des moyens humains. L’agence ne compte que 450 conseillers en emploi alors que 300.000 lauréats arrivent sur le marché chaque année. À cela s’ajoutent les non-diplômés que nous prévoyons d’encadrer et d’accompagner à travers une offre de services adaptée à cette catégorie. Les ressources humaines restent insuffisantes pour répondre aux besoins. La volonté d’élargir le champ d’action de l’agence tant au niveau territorial que catégoriel requiert des moyens humains et financiers.

Quels sont les besoins en termes de ressources humaines et de budget?
Le plan de développement stipule la création de 50 postes par année. En 2016, en dehors du contrat-programme, nous avons pu avoir une trentaine de postes. Cependant, ce chiffre demeure insuffisant. L’agence a aussi besoin de moyens matériels. L’agence entamera la révision globale de son système d’information, que ce soit sur le volet ressources ou celui métier. Il est à préciser que le premier accès à l’ANAPEC ne se fait pas au niveau de ses agences mais plutôt à travers son portail. Notre rôle est de réduire la distance entre le candidat et le marché du travail en actionnant les mesures portant sur l’amélioration de l’employabilité et la formation.

Quelles sont les nouveautés concernant le programme de l’auto-emploi en 2017?
L’agence dispose de 100 conseillers spécialisés dans la création de l’entreprise. Ce n’est pas suffisant. Quand je suis arrivé à l’ANAPEC, j’ai demandé aux agents spécialisés dans la création des entreprises de n’accompagner que les porteurs de projets qui sont inscrits dans un programme national ou provincial (INDH, plateforme ADS, programme de l’entraide nationale…).
En 2017, l’agence continue de développer des synergies au niveau territorial. Chaque territoire pourra expérimenter des actions qui lui sont spécifiques. Au niveau de la région de Souss-Massa à titre d’exemple, une plate-forme est déjà financée par des acteurs privés. Dans d’autres régions, c’est le conseil régional qui intervient. Dans la région de Rabat-Salé-Kénitra, le dispositif régional finance des porteurs de projets à hauteur de 2,5 MDH pour l’année 2017. Cette enveloppe sera utilisée par l’ANAPEC pour octroyer des primes de démarrage. Les porteurs de projets vont bénéficier aussi d’autres sources de financements (INDH, ou les plateformes de l’ADS…).
Nous allons ouvrir cette année deux centres multiservices pour l’emploi à Rabat et Tanger. Ce seront des centres d’entrepreneuriat collaboratif qui vont être très liés au marché de l’emploi.

Comment expliquez-vous l’évolution de 500% du budget d’investissement de cette année, alors que celui dédié aux mesures de l’emploi a connu une légère baisse?
Le budget d’investissement de cette année constitue une rupture par rapport aux années précédentes même s’il paraît insuffisant (12 MDH). Il va nous permettre d’ouvrir au moins quatre nouvelles agences et d’aménager une agence universitaire et des espaces emploi. En ce qui concerne la diminution ayant trait aux mesures de l’emploi, il s’agit simplement d’un ajustement. C’était une rubrique qui concernait les guichets Moukawalati qui n’existent plus.

Les premières agences universitaires ont-elles permis de rapprocher les jeunes du marché de l’emploi?
La spécificité de l’agence universitaire est d’agir en amont. Il s’agit d’un nouveau segment. Le but n’est pas d’être aux côtés des étudiants uniquement, mais aussi des managers universitaires et des enseignants. L’étude faite chaque année sur le marché du travail n’a pas de sens si elle n’est pas exploitée par les opérateurs de formation.

Quid de la promotion de l’emploi en milieu rural, qui est une nouveauté?
L’emploi rural est une nouveauté à travers notamment des agences en partenariat avec des ONG et des unités mobiles dont les premières seront acquises en 2017. Elles vont permettre d’atteindre des zones lointaines pour les ouvrir sur le marché de l’emploi national. Il s’agit aussi d’accompagner les entreprises qui sont à la recherche de profils partout au Maroc. Les régions sont appelées à financer la mobilité. Il est constaté qu’après l’obtention du diplôme, beaucoup de jeunes, notamment des filles, retournent dans leur lieu de résidence où, parfois, le tissu économique n’offre pas d’opportunité d’emploi. Il est donc important de renforcer le réseau de l’ANAPEC pour permettre aux jeunes d’avoir l’information sur le marché de l’emploi. Dans ce cadre, le développement de la mobilité s’impose.

À cet égard, quelles sont vos attentes vis-à-vis des programmes de développement régionaux?
Nous avons anticipé cette dynamique. L’ANAPEC a déjà territorialisé sa politique et ses programmes. Nous voulons restructurer toutes les initiatives et les institutionnaliser. La région a de nouvelles compétences en termes de formation professionnelle et de promotion de l’emploi, et a de ce fait besoin de l’accompagnement de l’État aussi bien en matière de financement qu’à travers l’appui technique. L’ANAPEC a élaboré un dispositif régional avec des mesures qu’on peut adapter selon les spécificités de chaque région. Avec le département de l’Emploi, on a proposé des mesures pour les intégrer au plan de développement. On a même élaboré des diagnostics territoriaux participatifs avec l’aide du BIT et le financement de la coopération espagnole. Certaines régions vont intégrer les résultats du diagnostic dans leur plan de développement régional. Il faut saisir les opportunités. Plusieurs entreprises étrangères s’implantent au Maroc car les acteurs nationaux ou territoriaux offrent des avantages. L’ANAPEC, à travers son offre de services dédiée aux employeurs, est un atout considérable pour attirer les investisseurs.

L’ANAPEC n’a pas vocation à être une «boîte aux lettres». Dans ce cadre, comment évaluez-vous l’implication du secteur privé dans les différents programmes lancés par l’agence?
L’ANAPEC déploie une partie de ses prestations par le biais du partenariat. Hormis les ateliers de recherche d’emploi qui sont pensés au niveau de nos agences, la formation qualifiante financée par l’ANAPEC se fait chez les opérateurs privés ou publics. En ce qui concerne les espaces ruraux, les ONG seront financées par l’ANAPEC. Le MCC va travailler en partenariat avec l’ANAPEC pour financer ce partenariat public-privé et créer davantage de centres pilotes au niveau de plusieurs provinces.

La révision du contrat formation-insertion a-t-elle permis de mettre fin à la précarité de l’emploi qui caractérisait cette mesure?
Il s’agit d’un chemin important vers l’emploi stable, décent et productif. La période de stage a été limitée à 24 mois au lieu de 36. La nouveauté concerne la prise en charge par l’État de l’assurance maladie obligatoire pour le stagiaire. Les entreprises ont l’obligation de recruter au moins 60% des stagiaires à l’issue du stage. Cela va sûrement limiter la précarité à laquelle vous faites référence. L’État encourage les sociétés à basculer vers un contrat de droit commun en offrant 12 mois de prise en charge directe des charges sociales patronales.

Cette nouvelle formule n’a-t-elle pas diminué l’engouement des entreprises?
Quelque 2.500 nouveaux protocoles sont renseignés. On avait au départ des inquiétudes en estimant la réduction de 10 à 15% des entreprises qui vont peut-être basculer vers l’informel. Au contraire, la progression est de 6%. On constate un bon comportement du marché vis-à-vis de ce contrat car il présente des avantages et pour le jeune, et pour l’entreprise.

Quels sont les obstacles à dépasser pour développer l’intermédiation?
Il s’agit plutôt de manque à gagner en termes d’intermédiation et de déploiement des programmes. Il ne peut y avoir d’intermédiation sans une approche globale et intégrée de la question de l’emploi en associant le développement économique, l’éducation et la formation professionnelle ainsi que la législation du travail et l’intermédiation. Ces quatre axes doivent aller de pair. Une économie prospère requiert une intermédiation développée ainsi que des programmes actifs développés.

Quid de l’intermédiation privée?
Justement, le manque à gagner se fera à travers le développement de l’intermédiation privée. Cependant, celle-ci ne va pas agir sur, notamment, l’accompagnement des chercheurs d’emploi de longue durée, l’amélioration des indicateurs en termes d’emploi féminin et d’emploi des personnes en situation de handicap… Seuls les acteurs publics sont capables de s’investir pour ces catégories car le coût est important pour le privé.

Comment améliorer l’image de l’ANAPEC, qui est qualifiée d’inefficace?
C’est un constat très dur. Comment peut-on taxer d’inefficace une agence qui place quelque 75.000 jeunes sur le marché du travail et qui accompagne les grandes entreprises, 1.000 porteurs de projets…?

D’aucuns se demandent à quoi sert véritablement l’ANAPEC…
La question sur l’utilité du service d’emploi est posée partout dans le monde. Les agences de l’emploi sont appelées à évoluer, mais pas à disparaître. La question de la proximité doit être réglée par la numérisation. Une agence d’emploi doit être ouverte sur son environnement dans la mesure où la transparence du marché de l’emploi nécessite l’agrégation de toutes les offres qui existent. Nous comptons aller sur ce volet. Il s’agit aussi de l’accompagnement des étudiants et des territoires. Si l’agence n’existait pas, il aurait fallu la créer. Sur la question de l’inefficacité, il faut peut-être parler de l’inefficacité des programmes actifs qui ne sont pas adaptés à toutes les catégories. Ils peuvent parfois manquer d’efficacité ou créer de la précarité dans certains cas. Il faut une réactivité des pouvoirs publics par rapport à ces programmes pour les diversifier et les améliorer au fur et à mesure des constats de l’observation du marché de l’emploi. 


Comment éviter les erreurs de Moukawalati?

Le programme Moukawalati n’a pas permis d’atteindre les résultats escomptés. Les objectifs de ce programme ont été surdimensionnés et tous les aspects liés à l’entreprise et à l’entrepreneuriat n’ont pas été pris en compte, notamment la question de l’accompagnement post-création ainsi que celle de l’hébergement et de l’incubation, selon Anas Doukkali. Il pointe aussi du doigt le volet du financement et le peu d’implication des banques. Aujourd’hui, l’idée est de dépasser les erreurs du passé pour promouvoir l’auto-emploi. Dans chaque province, les agents de l’ANAPEC essaient de contribuer à la mise en place d’un écosystème entrepreneurial. Toutes les phases sont importantes selon Doukkali, de l’éclosion de l’idée à l’accompagnement post-création, en passant par l’étude du marché, le business plan, les démarches administratives, la question du foncier, l’hébergement, l’incubation et le financement. Le monitoring est un élément-clé. À cela s’ajoute la nécessité de réunir les conditions nécessaires pour donner des commandes aux auto-entrepreneurs. 


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