Réforme du Code de la famille. Le gouvernement attendu de pied ferme

Le gouvernement est très attendu sur la réforme du Code de la famille. Le département de la Justice est appelé à accélérer la cadence de l’évaluation en cours de ce texte, vertement critiqué par la société civile. On s’attend à ce que l’initiative du département de Ramid permette de trancher les questions conflictuelles.
La refonte du Code de la famille va-t-elle se faire au cours de ce mandat gouvernemental? En tout cas, le gouvernement a annoncé, à plusieurs reprises, sa disposition à ouvrir ce dossier épineux. Le département de la Justice mène depuis quelques mois une évaluation globale du Code de la famille en vue d’en relever les défaillances et adapter ses dispositions aux évolutions sociales, juridiques, politiques et économiques qu’a connues le Maroc au cours des quinze dernières années. Quant au ministère d’État des Droits de l’Homme, il vient de lancer le processus de concertation sur les points conflictuels, dont certains font partie du Code de la famille, pour en ressortir avec des propositions concrètes. Le plan d’action national en matière de démocratie et des droits de l’Homme, qui avait créé des tensions au sein du gouvernement, n’a en effet pas permis de trouver une issue sur nombre de points de discorde. Le gouvernement est appelé à accélérer la cadence des études et des concertations pour combler le plus tôt possible les lacunes du Code de la famille. Mais d’emblée, il semble que la réforme en vue (sous l’égide de l’actuel gouvernement) ne va pas permettre de satisfaire toutes les doléances du mouvement féminin. L’Exécutif, par l’intermédiaire de ses ministres, n’hésite pas à brandir la carte de la spécificité du Maroc en tant que pays musulman qui tient aux droits de l’Homme, mais «sans porter atteinte aux fondamentaux et passer outre les constantes religieuses», alors que les acteurs associatifs plaident pour la concrétisation des dispositions des conventions internationales ratifiées par le Maroc et celles de la Constitution. En tête des doléances figure la nécessité de faire prévaloir le principe de parité, prôné par la loi fondamentale. Un principe qui n’est pas consacré par plusieurs dispositions du Code de la famille. La tutelle légale sur les enfants est l’un des points les plus importants dans le cahier revendicatif du mouvement féministe. La notion d’autorité parentale partagée n’existe pas encore en droit marocain. La loi ne permet à la mère d’accéder à la tutelle légale sur ses enfants mineurs que sous certaines conditions très restrictives. Qu’elle soit mariée ou divorcée, une mère, à titre d’exemple, n’a pas le droit de faire une demande d’obtention de passeport pour ses enfants mineurs. Cette demande doit absolument émaner du père. La réforme escomptée doit consacrer l’égalité entre les parents et supprimer la déchéance du droit de garde de la mère si cette dernière se remarie. Actuellement, la garde de l’enfant incombe au père et à la mère tant que les liens conjugaux subsistent. À cet égard, la révision de l’article 175 du Code de la famille est une requête insistante. La révision de l’article 49 du Code de la famille figure aussi parmi les points à réviser. Cet article consacre le principe de séparation des biens et n’impose pas le partage de l’épargne en cas de divorce ou de décès, sauf si un contrat est conclu indépendamment de l’acte de mariage pour la gestion des biens acquis pendant le mariage.
Questions conflictuelles
Par ailleurs, si le législateur peut facilement instaurer ces réformes d’ordre technique, d’autres points s’avèrent compliqués à réviser, dont la législation successorale. Est-il possible d’instaurer l’égalité dans l’héritage au Maroc? En tout cas, l’actuel gouvernement ne compte manifestement pas s’attaquer à cette réforme. Le chef de gouvernement, Saâd Dine El Otmani, a déjà souligné qu’il s’agissait d’une décision royale. Sur le plan politique, les partis sont divisés. Le PJD, qui dirige le gouvernement, est contre l’égalité dans l’héritage. Rappelons à cet égard que le Conseil national des droits de l’Homme a été vertement critiqué en 2015 quant à ses recommandations sur l’héritage par des ténors du PJD dont Abdelilah Benkirane, qui était alors chef de gouvernement. Le CNDH a pointé du doigt les règles successorales qui «participent à augmenter la vulnérabilité des filles et des femmes à la pauvreté». Le conseil a critiqué l’héritage inégalitaire qui est produit et reproduit par le Code de la famille. Outre ce dossier, le mariage des mineures est l’un des sujets sensibles les plus soulevés par les associations féministes. Bien que cette question soit moins complexe à réformer que celle de l’égalité dans l’héritage, sa suppression à court terme est visiblement exclue. Même si le gouvernement brandit la spécificité de la société marocaine qui ne parle pas de la même voix sur ce sujet, la société civile ne compte pas lâcher du lest. Une étude approfondie s’impose sur ce type de mariage controversé qui représente 9,13% du nombre total des mariages contractés en 2018. Certes, la tendance est à la baisse (25.514 actes en 2018 contre 39.031 actes recensés en 2011). Cependant, le nombre de mariages des mineures reste élevé.
La société civile sur le qui-vive
L’appel est lancé depuis des années pour amender l’article 20 du Code de la famille, mais il faudra en premier lieu rapprocher les points de vue des différentes sensibilités politiques. Cela fait en effet six ans qu’une proposition de loi du groupe socialiste, adoptée par la Chambre des conseillers, est bloquée chez les députés. Le texte a été dépoussiéré en janvier 2018, mais les parlementaires de la chambre basse se sont contentés de sa présentation à cause des divergences des points de vue des composantes de la chambre basse. Le texte ne vise pas à interdire le mariage des mineures, mais il entend combler le vide juridique concernant le minimum d’âge autorisé par le juge pour ce type d’union. La proposition de loi le fixe à 16 ans tout en prenant en considération l’âge des deux parties. La polygamie est aussi l’un des points éventuels de la réforme. Son interdiction est une requête de longue date du mouvement féministe et des défenseurs des droits de l’Homme. Mais difficile de trancher cette question sous le mandat de l’actuel gouvernement, dirigé par le PJD, dont certains membres défendent la polygamie et la pratiquent.