Tanger. Au nom de la loi, les automobilistes boycottent sabots et horodateurs
Non aux sabots de Denver et horodateurs… les Tangérois persistent et signent ! Installés depuis fin 2017 dans de la cité du détroit, les zones bleues de stationnement et horodateurs ne semblent toujours pas gagner leur place dans le quotidien des habitants de Tanger. Solidaires pour mettre fin à la pose de sabots sur leurs véhicules, les automobilistes agissent pour sensibiliser les citoyens sur l’aspect “illégal” de cette pratique.
Anti-sabots, les Tangérois avertis et solidaires
Une ville sans sabots, les riverains ne comptent pas baisser les bras, ils souhaitent à travers la pression sociale supprimer définitivement cette méthode de leur ville. Ils sont juristes, médecins, commerçants, enseignants… à communiquer sur un groupe Facebook qui compte aujourd’hui près de 38.000 Tangérois, organisés pour donner sens à un boycott “légitime”.
Les membres choisissent d’acter, et s’organisent pour faire sauter les pinces qui accrochent les sabots aux roues. À travers différentes publications, les citoyens restructurent les dispositions de cette pratique, et retrace un circuit juridique pour exprimer leur ras-le-bol. “Nous sommes regroupés avant tout pour avertir et s’avertir. Il n’y a aucune loi qui autorise cette société ou d’autres à poser un sabot et immobiliser nos voitures, ce qui rend la pratique illégale. Les méthodes appliquées par Somagec sont inadmissibles, ces groupes sur les réseaux sociaux sont créés pour nous éviter les problèmes et les frictions causés à chaque fois qu’un automobiliste refuse de céder à cette aberration. À travers une entraide efficace, nous tentons d’obtenir nos droits, et nous insistons pour rappeler à cette entreprise que chaque marocain paie annuellement une vignette qui lui accorde le droit d’usage de toutes les routes du royaume. Cette privation est donc injustifiée”, déclare un membre du groupe “Boycott sabot Tanger”.
La pose d’un sabot sur une voiture est illégale. En tout cas, c’est ce qui a été déclaré par la Cour des comptes qui a souligné l’illégalité des montants versés par les automobilistes, en guise d’amendes, pour le retrait du sabot posé sur une voiture. Selon la décision de Cour des comptes, publiée en août dernier, cette amende n’est mentionnée ni dans le Code de la route, ni dans le Code pénal, rien ne permet donc à ces sociétés de restreindre la mobilité d’un citoyen pour non-paiement d’un stationnement.
Le Tribunal administratif tranche
Les Tangérois ont déjà obtenu gain de cause contre la pose de sabot. Le Tribunal administratif de Rabat a décrété le 5 mars dernier, l’interdiction des sabots pour les véhicules suite à une procédure entamée par l’Association de l’industrie hôtelière de Tanger.
Ce jugement s’est appuyé sur le principe de liberté de mouvement. La loi marocaine interdit quiconque de restreindre la mobilité d’un citoyen, un argument sur lequel se basent les riverains pour faire cesser cet “abus”.
“Des citoyens ont été poursuivis pour “possession et usage d’objets tranchants”, et “dégradation des biens publics” parce qu’ils ont pris l’initiative de retirer les sabots de leurs voitures. Heureusement, la justice a ordonné l’indemnisation des parties civiles à hauteur de 20.000 dirhams. Une décision qui n’a pas freiné les agissements de Sogamec qui continue de s’en prendre à nos voitures illégalement”, exprime Farah.
“Conflit culturel”
Joint par LesECO, Mohamed Amahjour, vice-président de la commune de Tanger évoque un problème culturel au niveau de la ville. Il confirme par ailleurs la complexité de la situation, qui selon lui, fait du bruit dans différentes villes du royaume à cause des méthodes archaïques employées par ces entreprises “qui rendent difficile leur acceptation par le citoyen”.
“Ce n’est aucunement l’obligation de payer le parking dans les zones bleues réservées par la société gestionnaire du stationnement qui pose problème. Les citoyens refusent la pose de sabot qui handicape parfois leurs activités. Un système plus informatisé qui permettra aux citoyens de payer leurs infractions autrement, serait plus acceptable et moins problématique, comme par exemple envoyer les amendes aux domiciles au lieu d’immobiliser les voitures”, explique Mohamed Amahjour.
Où vont les amendes ?
Seulement 0,5% des recettes de l’entreprise atterrissent dans la caisse de la commune. Unique constructeur des parkings de la ville, Somagec a le droit d’exploitation des parkings pendant 30 ans, nous affirme une source proche.
Ceci-dit la société est tenue de rendre publique une synthèse annuelle, permettant de contrôler la gestion et le remboursement de ces constructions. Une mesure non respectée par l’entreprise, qui n’a encore publié aucun bilan.
600 millions de dirhams ont été investis pour améliorer le stationnement dans la cité du détroit, un investissement de taille qui fait face à plusieurs dysfonctionnements empêchant ainsi les riverains et la ville de mener une vie plus tranquille. À l’instar de Rabat et Marrakech, Tanger se débarrassera-t-elle des sabots de Denver ? En tout cas, les Tangérois ne comptent pas se laisser faire, ils tablent sur la loi pour faire cesser cette pratique.