Banques marocaines. Alerte sur le potentiel africain
CDG Capital a publié une note sur les banques marocaines en Afrique, dans laquelle elle décortique les enjeux de leur positionnement stratégique dans la région. Détails.
CDG Capital, l’expert en ingénierie financière et en conseil en investissement, a décortiqué, à travers sa note publiée au début de cette semaine, la forte implantation des banques marocaines en Afrique. Il s’agit de comprendre les raisons derrière le positionnement stratégique des banques marocaines dans cette région. Cette reconfiguration du paysage bancaire interroge également sur le potentiel de croissance du secteur bancaire en Afrique, ainsi que les défis actuels et futurs de cette forte implantation continentale.
Une décennie de croissance
Premier constat, en Afrique, le secteur bancaire a connu une forte croissance ces dernières années et des changements structurels importants. Au niveau de l’offre, plusieurs groupes européens ont réduit leur exposition africaine, à l’instar des groupes français, BNP Paribas et Crédit Agricole. Cette vague de sorties est toujours d’actualité, comme en témoigne la récente annonce du groupe BPCE qui souhaite céder ses 5 filiales en Afrique. Parallèlement, le marché assiste à un développement significatif des banques marocaines dans la région, à travers notamment l’acquisition des parts de groupes internationaux et locaux. En 2018, les banques marocaines sont présentes dans une vingtaine de pays africains avec une part de marché de 27,8% dans la région de l’UEMOA. «Durant la dernière décennie, le secteur bancaire africain a affiché des indicateurs rassurants en termes de performance commerciale, de rentabilité et de développement de l’offre (digitalisation, mobile banking, etc.)», assurent les analystes de CDG Capital. Le continent africain présente encore du potentiel, puisque les taux de pénétration restent très bas et les niveaux de rentabilité sont assez élevés. La concurrence dans certains marchés demeure peu développée, surtout dans les pays d’implantation des banques marocaines. Ceci dit, il existe des autoroutes de croissance en théorie pour les banques marocaines surtout que plusieurs groupes européens ont réduit leur exposition africaine, laissant à ces dernières une meilleure capacité d’expansion.
Prémisses de ralentissement
Toutefois, en plus de la fragilité de la croissance économique et de la concentration des portefeuilles bancaires sur certains secteurs, les évènements récents -les nouvelles exigences réglementaires, le resserrement des conditions de refinancement de la BCEAO, et la montée en force des opérateurs télécoms dans les services bancaires-, les analystes de CDG Capital alertent sur les risques inhérents au secteur bancaire en Afrique, mettant ainsi en relief des zones d’ombre jusque-là marginalisées. Les analystes de CDG Capital font ressortir que les revenus des banques sont marqués par une baisse graduelle de la contribution de la marge d’intérêt. «Nous pensons que celle-ci devrait se développer à un rythme plus lent que ce que nous avons observé dans le secteur, au cours des cinq dernières années, compte tenu de la tendance baissière des taux débiteurs et de la décélération de la distribution des crédits (l’entrée en vigueur à partir de janvier 2018 de Bâle II & III)», explique la note. En plus de la nécessité de s’adapter à un environnement atypique où le mobile money est devenu un élément important où les créances en souffrance sont relativement élevées, les banques doivent aussi renforcer et calibrer leurs fonds propres. Car, en cas de retournement de tendance, ce sont les banques les mieux capitalisées qui seront les mieux armées pour continuer leur activité et bénéficieront de la capacité future à créer de la valeur. Dans ce sens, l’analyse de CDG Capital fait remarquer que la croissance des fonds propres est moins marquée dans la région, comparativement à celles des bilans. «Le ratio FP/total actif a touché en 2016 son plus bas historique à 7,2% depuis 2007, contre 6,5% pour les filiales marocaines. Les banques marocaines ont pourtant injecté plus de 60 millions de dollars dans leurs filiales en 2017», explique la note de CDG Capital. Malgré cela, elles restent capitalisées comparativement à leurs pairs. «Il est certain que les banques marocaines devraient renforcer davantage leurs fonds propres et se préparer le plus vite possible pour faire face aux nouvelles contraintes réglementaires et pour continuer à soutenir leur plan de développement», peut-on lire dans la note.
Fitch tacle à nouveau les banques marocaines
Fitch Ratings récidive avec son rapport très critique concernant la résilience du secteur bancaire marocain. Selon l’agence de notation londonienne, la faible qualité des actifs et des fonds propres continuent de peser sur la viabilité des banques marocaines et ce malgré leurs bonnes performances en terme de rentabilité. L’analyse effectuée sur les sept grandes banques de la place, a révélé que le ratio moyen des prêts douteux avoisinait les 10% durant les cinq dernières années. Un niveau jugé très élevé comparé aux marchés développés. Selon l’agence, une analyse plus approfondie du volume des créances douteuses dévoilerait un niveau encore plus élevé. L’application de la norme IFRS 9 n’a pas arrangé la situation. Selon l’agence, la première étape de cette mise à niveau avait déjà exercé une pression supplémentaire sur la capitalisation des banques déjà faible. Les risques seraient encore plus importants, pour des banques marocaines en phase d’expansion. Des conclusions issues de la méthodologie d’évaluation du capital de base par l’agence de notation (le Fitch Core Capital ) et qui diffère de celle de Bank Al-Maghrib. Des calculs qui ont été réfuté à plusieurs reprises par la banque centrale pour qui la réglementation bancaire s’est étoffée ces dernières années avec des exigences toujours plus sévères. Dans le souci de converger vers les standards internationaux, le secteur bancaire s’est conformé a un certain nombre d’exigences (Bale III, ratio de liquidité, IFRS 9, ratio d’effet de levier, la circulaire 19G…)