El Ouafi relance le débat sur les «pollueurs payeurs»
La secrétaire d’État chargée du développement durable pousse vers une réflexion nationale sur la meilleure façon de faire participer les grands producteurs de déchets. Si le Maroc est bien avancé dans le domaine législatif, il est encore très en retard sur la valorisation et le tri.
Le prochain projet de loi de finances, celui de 2019, sera probablement à forte connotation environnementale. C’est en tout cas ce qu’a déclaré mardi à Rabat, Nezha El Ouafi, lors d’une conférence portant sur le traitement des déchets suivie d’un atelier sur l’évolution du cadre législative de l’environnement au Maroc. La secrétaire d’Etat chargée du développement durable a souligné que le gouvernement voudrait bien introduire des indicateurs d’exemplarité de l’Etat en matière d’environnement dans le corps du PLF 2019. Pour ce premier budget vert, il sera question de mettre l’accent sur l’efficacité énergétique pour une consommation rationnelle de l’électricité ainsi que pour des marchés publics «durables». À l’occasion de la journée mondiale de l’environnement (5 juin), la ministre a plaidé pour un nouveau cadre de gouvernance pour la gestion et le traitement des déchets insistant la nécessité désormais économique du recyclage. «L’idée est de donner un nouveau cycle de vie aux déchets ménagers et autres dans un cadre partenarial avec les communes et les régions», a-t-elle expliqué.
Toutefois, si le programme national de gestion des déchets ménagers est réalisé à 90% et que les zones urbaines sont pratiquement couvertes, il n’en est pas de même pour la valorisation et le tri. Pour El Ouafi, il n’est plus permis au Maroc de passer à côté d’une manne de 6,5 millions de tonnes de déchets qui peut être transformés et réinjectés comme intrants ou sources d’énergie. Dans cette dynamique, le secrétariat d’Etat a entamé un chantier législatif visant à couvrir toutes les variantes de déchets: ménagers, électroniques, BTP, industriels…En novembre prochain, une première étude sur la composante valorisation du programme national des déchets ménagers sera rendue publique et donnera une vue d’ensemble sur une filière capable de générer 20.000 emplois. Déjà la politique gouvernementale dans ce volet vise la mise en place de 50 centres de tri dont 23 sont déjà opérationnels et 25 programmés pour 2021.
El Ouafi n’a pas manqué de lancer un appel au privé et à la gestion déléguée pour une meilleure implication dans les enjeux environnementaux du pays et pourquoi pas instaurer une participation financière ou sous forme d’investissements dans le recyclage qui serait prise en charge par les grands producteurs de déchets. Une sorte d’éco-taxe dont la forme devrait avant tout faire l’objet de consensus pour ne pas récolter un niet de la part des entreprises comme celà a été constaté il y’a quelques années avec le concept de pollueur-payeur. Interrogé par les Eco à ce propos, Mohamed Chaibi, président de la Coalition pour la valorisation des déchets (Coval), a affirmé que la CGEM est prête à s’investir dans ce chantier mais à condition que les fonds collectés ne sortent pas de leur destination. En d’autres termes, les entreprises qui polluent le plus seraient prêtes à mettre la main à la poche mais refusent toute taxe parafiscale dans ce sens.
Pour Chaibi, le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas, ensuite celui qu’on peut réutiliser et enfin celui qu’on peut recycler en une matière première pour une autre industrie, ainsi que l’incinération des déchets qui consiste en une technique de transformation par l’action du feu. Et d’ajouter qu’à partir de ces déchets ménagers et assimilés on peut fabriquer de l’énergie, de l’électricité et du gaz En tout cas, la loi cadre sur l’environnement et le développement durable met en avant la responsabilité élargie des producteurs. Ces derniers doivent se soucier, par exemple, de la destination finale des emballages. Ainsi, les entreprises sont appelées à s’investir davantage dans le financement de l’économie circulaire, qui à la longue leur sera profitable. Mais le gouvernement doit donner les garanties que l’argent récolté ira bel et bien dans le développement de cette économie circulaire et non dans le budget général. C’est d’autant plus bénéfique que le Maroc table sur le recyclage de 30% de ses déchets sous différentes formes à l’horizon 2020. Par ailleurs, El Ouafi a signé une convention cadre avec la région de Casablanca et la wilaya visant la mise en œuvre des dispositions de la stratégie nationale de développement durable et son application au niveau territorial en vue d’aboutir à une synergie entre politiques environnementales nationales et régionales.
La législation, un enjeu majeur
La constitution de 2011 a consacré le développement durable comme un droit de tous les citoyens comme celui d’accès à l’eau. La loi cadre 99-12 portant Charte nationale de l’environnement et du développement durable et la ratification de plus de 130 conventions internationales dont la plupart concernent les questions de protection de l’environnement et le droit de la mer, propulsent le Maroc au fronton des pays où l’environnement est un enjeu de développement. En atteste l’organisation en 2016 de la COP 22 à Marrakech et le plaidoyer international qui s’en est suivi. Aujourd’hui, le véritable enjeu est de créer un consensus autour de choix environnementaux clairs inspirés de la réalité marocaine.