L’État et le privé doivent agir ensemble sur l’employabilité
L’administration et l’agriculture n’étant plus les premiers recruteurs au Maroc, il va falloir défricher le terrain aux activités du futur pour préparer les jeunes et les femmes aux prochaines mutations. Le taux d’activité a sensiblement baissé et le point de croissance est toujours en deçà en matière de nombre de nouveaux postes créés.
Au Maroc, la question de l’emploi est au cœur du débat sur le nouveau modèle de développement. La finalité de toute politique économique étant d’intégrer le plus grand nombre de personnes dans la machine de création de richesse. Toutefois, malgré une stabilisation du taux de chômage autour de 9,2%, le royaume n’arrive toujours pas à satisfaire les besoins en emplois de centaines de milliers de jeunes actifs. Plus encore, si l’on tient compte d’une enquête de l’OCP Policy Center sur le marché du travail, publiée sous forme de livre, le taux d’activité a drastiquement baissé. Il a été de 46,4% (71% chez les hommes) en 2016 contre 53,1% en 2000. Cela s’explique aussi par le faible contenu de la croissance. Un point de croissance crée en moyenne 26.700 emplois, alors qu’il faut arriver à 32.500 pour pouvoir réduire le taux de chômage de moitié dans dix ans. Le PIB évolue donc à un rythme qui ne permet pas de réaliser l’inclusivité, condition sine qua non pour prétendre à l’émergence économique. Si l’on ajoute à ce tableau le trend baissier de l’emploi dans le secteur public, suite aux réformes entamées dans les années 2000 visant la rationalisation des dépenses et la maîtrise de la masse salariale ainsi que la baisse de la contribution du secteur informel à l’emploi non agricole, les choses se compliquent davantage. Ce qui sous-tend que le gouvernement doit faire preuve d’ingéniosité pour dynamiser le marché du travail mais aussi prendre sérieusement en compte la précarité de l’emploi des jeunes dans le monde rural. L’enquête préconise de tenir compte des caractéristiques du marché du travail en milieu rural dans l’élaboration de politiques et d’actions favorisant l’insertion des jeunes et des femmes sur le marché du travail. En effet, les femmes représentent une population précaire en matière d’accès à l’emploi. Pour les femmes chômeuses, la transition vers l’emploi est moins probable, alors que les transitions vers le stage et l’inactivité sont plus probables, particulièrement vers l’inactivité. Ces résultats corroborent les constats qui ressortent dans les études nationales. Par ailleurs, la probabilité d’accéder à l’emploi augmente avec l’âge.
Adapter la formation en fonction des besoins de l’entreprise
Selon l’enquête, les secteurs des industries et des services créent plus de nouveaux emplois par rapport au secteur agricole. Ce qui amène à dire que l’économie marocaine est en transformation structurelle puisque la croissance de la production du secteur agricole est tirée principalement par la croissance de la productivité apparente du travail dans le secteur. Dans le même temps, les deux autres secteurs font preuve d’une intensité relativement importante en main-d’œuvre. Il est à signaler que la nature de l’emploi exercé pour les diplômés de l’enseignement supérieur confirme l’inadéquation entre la formation et l’emploi exercé. Cette inadéquation est beaucoup plus nette pour les jeunes lauréats de la faculté que pour les jeunes ingénieurs. En effet, 86% des jeunes lauréats de grandes écoles et instituts exercent des emplois qui correspondent à leur qualification, contre seulement 57,7% pour les jeunes lauréats de la faculté. Sur la base des constats étayés plus haut, il devient clair que la politique d’emploi au Maroc souffre de faiblesses en matière de conception fondée des programmes proposés et d’un dispositif rigoureux de suivi-évaluation des programmes. Par conséquent, de nombreux problèmes surviennent sur le plan de l’efficience et de l’équité des mesures, ainsi que de la qualité des insertions réalisées. Pour changer la donne, l’OCP Policy Center recommande dans son livre que l’État et le secteur privé agissent ensemble pour générer une économie de plein emploi. Mais comment y arriver ? L’enquête préconise des investissements importants du secteur privé et un engagement ferme du secteur public à la création d’emplois et au développement de l’infrastructure publique. Dans ce sens, le Maroc aura besoin de réformes budgétaires fondamentales visant à accroître l’efficacité du secteur public pour injecter davantage de ressources à l’investissement productif et/ou à la création directe d’emplois. Le sujet prend de plus en plus d’importance aujourd’hui que le gouvernement est en prise avec des attentes pressantes d’insertion professionnelle dans certaines régions du pays. Gérer cette urgence ne doit pas occulter la situation du marché du travail où l’équité devient un facteur essentiel principalement pour ce qui a trait à la femme et aux jeunes. Il va falloir aussi libérer les potentialités dans des domaines qui ne nécessitent pas forcément d’investissement comme les ntic. Quant à l’auto-emploi, il mérite aujourd’hui une analyse pour en évaluer la pertinence et l’impact sur l’employabilité des jeunes.