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Gouvernement : Le défi de la cohésion

Le nouvel Exécutif devra relever bon nombre de défis dont la cohésion entre les différentes composantes gouvernementales. La nouvelle architecture et la répartition des portefeuilles risquent de créer quelques dissensions surtout dans les départements chapeautés par des couleurs politiques différentes. Avant de préciser les attributions des uns et des autres, le premier exercice porte sur la finalisation du programme gouvernemental sur la base du draft déjà préparé par une commission technique.

L’actuel gouvernement reflète le contexte dans lequel il a été composé. Avec six partis politiques formant la coalition gouvernementale, il était prévisible que le nouvel Exécutif n’allait pas être restreint. Il apparaît clairement qu’il fallait satisfaire les convoitises des composantes de la majorité. L’actuelle équipe gouvernementale est en effet constituée de 39 ministres dont 6 ministres délégués et 13 secrétariats d’État. Visiblement, les attributions de certains départements se chevauchent. D’après une source gouvernementale, l’objectif de la nouvelle architecture du gouvernement est de créer des blocs à l’instar de ce qui se fait en France, mais cet argument est loin de convaincre les observateurs. Le politologue Ahmed El Bouz pointe du doigt la nouvelle structure gouvernementale qui obéit, selon lui, à des calculs personnels et politiciens qui risquent de créer des problèmes de cohésion au sein de certains départements ministériels. En effet, quelques ministères devront être gérés par des couleurs politiques différentes, ce qui posera l’épineuse problématique de la précision des attributions des secrétaires d’État qui risque, elle aussi, de prendre du temps et de déteindre ainsi sur l’action gouvernementale. On pointe du doigt également le mixte entre certains secteurs comme la culture et la communication. Le choix de certains profils est aussi critiqué. En matière de renouvellement, le taux ne dépasse pas 33%. Quelque dix ministres ont été reconduits à la tête des mêmes secteurs.

Le RNI garde le pôle économique
Sur le plan de la distribution des portefeuilles ministériels, c’est le Rassemblement national des indépendants qui en sort grand vainqueur sur le plan tant quantitatif que qualitatif. En dépit de ses résultats décevants aux élections législatives, le parti de la colombe est parvenu à garder la gestion du pôle économique à l’instar du précédent mandat, à commencer par le très convoité ministère de l’Économie et des finances qu’il gère seul actuellement ainsi que le ministère du Commerce et de l’industrie. Le président du RNI se voit élargir les attributions de son département au Développement rural et aux eaux et forêts. Une question se pose avec insistance : quid du Haut-commissariat aux eaux et forêts ? Selon une source gouvernementale, l’organisme géré par Abdeladim El Hafi est condamné à disparaître en raison de la nouvelle configuration gouvernementale. Du côté du parti de la Justice et du développement, peu de changements ont été opérés. Le parti de la lampe continue de gérer une partie du pôle social ainsi que quelques départements qui ne disposent pas d’un grand budget contrairement au RNI. C’est ainsi, à titre d’exemple, que le PJD a hérité du ministère de l’Emploi ; un département pauvre et à problèmes. Deux ministères uniquement du PJD sont dits relativement stratégiques : l’Équipement et l’Énergie.

Le PJD : grand perdant ?
L’écartement de Mustapha Ramid, l’un des poids lourds du PJD, du ministère de la Justice est considéré comme un coup dur par certains pjdistes. Ce faucon du parti se voit confier le ministère des Droits de l’homme ; un secteur on ne peut plus sensible en raison des rapports internationaux sur le Maroc, mais visiblement, cette nomination ne semble pas satisfaire les militants du parti qui aspiraient à ce qu’il soit reconduit au même poste. Saâd-Eddine El Othmani qui est aussi président du Conseil national du PJD devra user de beaucoup de tact pour apaiser les esprits échauffés et les voix récalcitrantes au sein du parti à cause de ses «concessions». Pour la première fois, le parti de la lampe bouillonne de l’Intérieur comme en témoignent les positions de bon nombre de ses leaders et militants sur les réseaux sociaux.

L’appel est lancé pour la tenue d’une session extraordinaire du Conseil national. Le débat devra être encadré au sein des institutions du parti pour éviter le pire, confie aux Inspirations ÉCO un dirigeant pjdiste. Un autre ténor du parti estime que cette ébullition interne est infondée car le parti garde la même position au sein du gouvernement, mais il faut rappeler que sur le plan électoral, le parti de la lampe a beaucoup mieux fait qu’en 2011. Cette victoire électorale s’est transformée en défaite au niveau du gouvernement aux yeux des militants du parti. En ce qui concerne le mouvement populaire, c’est silence radio ; du moins pour le moment. La nomination de Mohammed Hassad, jusque-là patron de l’Intérieur, sous les couleurs du parti de l’épi, d’une part et à la tête du département de l’Éducation nationale, qui s’est élargi à l’enseignement supérieur, d’autre part, constitue une grande surprise même au sein du MP qui a décroché deux ministères et trois secrétariats d’État. S’agissant du parti du livre, il a su avec brio tirer son épingle du jeu. Malgré son échec cuisant aux élections, le PPS décroche deux ministères et non des moindres, et un secrétariat d’État. Par contre, l’USFP a essuyé un revers cinglant avec un ministre délégué et deux secrétaires d’État, mais il faut dire que le parti de la rose détient la présidence de la Chambre des représentants qui équivaut à au moins deux portefeuilles ministériels. Pour sa part, l’Union constitutionnelle n’a pas trop bénéficié de son rapprochement avec le RNI. Le chef de file du parti du cheval devra, lui aussi, calmer les voix mécontentes depuis l’annonce de la composition gouvernementale.

Les technocrates présents en force
Par ailleurs, la présence des technocrates se renforce davantage dans l’actuel gouvernement. Ils sont au total sept (sans compter Hassad) soit un pourcentage de 17,94%. La gestion du ministère des Affaires étrangères n’est plus entre les mains des partis politiques alors que dans le précédent mandat deux formations se sont succédé à la tête de ce département. Au ministère de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit remplace Hassad au ministère de l’Intérieur après avoir passé plus de trois ans en tant que wali de la région de Rabat. Sa nomination constitue aussi une surprise en raison du bras de fer avec le PJD à Rabat. Comme prévu, la Défense, les Affaires islamiques et le secrétariat général du gouvernement sont aussi gérés par des technocrates.

Des défis à relever
La nouvelle équipe gouvernementale devra faire face à bon nombre de défis à commencer par l’accélération de la cadence pour rattraper le grand retard accusé au cours du dernier semestre. Aucune déperdition du temps politique n’est plus tolérée. Beaucoup de dossiers sont prioritaires, à commencer par le projet de budget qui devra être revu et remis dans le circuit législatif juste après le vote de confiance au Parlement. Préparé par le même ministre, il doit subir des ajustements techniques en raison de la nouvelle architecture gouvernementale avant d’être soumis au Parlement. Ce texte devra passer comme une lettre à la poste dans les deux chambres de l’institution législative. Le gouvernement peut, en effet, compter sur sa majorité numérique au Parlement sauf coup de théâtre.

Les dirigeants de la coalition gouvernementale gagneraient à renforcer la cohésion d’une majorité parlementaire hétérogène politiquement en vue de faciliter la tâche à l’Exécutif lors de l’adoption de projets de loi, notamment les textes à polémique comme celui relatif à l’organisation du droit de grève ou encore le projet de loi organique sur l’officialisation de l’amazighe. Par ailleurs, des dossiers délicats sont toujours en suspens comme la réforme de l’enseignement, la poursuite de la réforme des retraites, le dialogue social. L’homogénéité de l’équipe gouvernementale est un autre enjeu de taille. Le blocage au cours des derniers mois et le bras de fer serré, notamment entre le PJD et le RNI et l’USFP risquent de déteindre sur l’action du gouvernement alors que le nouvel Exécutif est très attendu en matière d’efficacité et d’efficience. L’expérience démontre que sans une équipe soudée, on ne peut pas parvenir à atteindre les objectifs escomptés. Une grande responsabilité incombe à toutes les composantes de la coalition gouvernementale pour accorder leurs violons en vue de jouer la même partition.

Le scénario du retrait du parti de l’Istiqlal du gouvernement de Benkirane I est à éviter car il est très coûteux aussi bien sur le plan politique qu’économique. Malgré les tirs à la corde lors de la phase des tractations, l’espoir est que le nouveau gouvernement montre une meilleure stabilité. Le premier exercice de la nouvelle équipe gouvernementale porte sur la discussion du premier draft du programme gouvernemental qui a été élaboré dans le cadre d’une commission constituée au lendemain de l’annonce de la formation de la coalition gouvernementale. Il ne s’agit pas d’une tâche facile. Chaque parti de la coalition gouvernementale devra faire des concessions en matière d’engagements électoraux. L’accélération de la cadence est de mise pour se mettre d’accord sur le programme gouvernemental qui sera soumis à l’approbation de l’institution législative dont la session printanière s’ouvrira vendredi de la semaine prochaine. «On opte pour la continuité. Il faut renforcer l’existant et corriger les défaillances dans un cadre qui devra être marqué par la cohésion des différentes composantes du gouvernement», souligne aux Inspirations ÉCO un ministre du PJD. 



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