L’Afrique explore les pistes de la croissance inclusive
La 5e édition du Forum international Afrique développement, qui se tient les 16 et 17 mars à Casablanca, a démarré hier jeudi. Pas moins de 1.500 opérateurs venus de 25 pays y prennent part pour débattre des nouveaux modèles de croissance inclusive.
La 5e édition du Forum international Afrique développement a démarré hier jeudi à Casablanca. Initié par le Club Afrique développement du groupe Attijariwafa bank, ce rendez-vous continental se tient cette année sous le thème «les nouveaux modèles de croissance inclusive en Afrique». Pas moins de 1.500 opérateurs venus de 25 pays du continent et des pays partenaires y prennent part avec comme guet-star le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, qui a présidé la cérémonie d’ouverture de cette édition. Le rôle des acteurs privés dans la création de valeur partagée, l’urbanisation, l’inclusion sociale, le financement…Les participants devront passer au scan toutes les questions et problématiques afin de favoriser une croissance inclusive.
Mutualisation des efforts
D’entrée de jeu, le président burkinabé a annoncé la couleur : «Ensemble, nous pouvons et devons construire cette Afrique qui gagne, cette Afrique décomplexée, consciente de ses capacités et confiante en celles de ses fils. Nous devons œuvrer pour une Afrique qui sait que si elle doit saluer son partenariat avec le reste du monde, elle doit d’abord et avant tout compter sur elle-même», a fait valoir le président burkinabé. Pour lui, au regard des besoins énormes auxquels l’Afrique doit faire face dans tous les secteurs, seule la mutualisation des efforts tracera les sillons du succès collectif. À cette fin, il a appelé à renforcer et accélérer la dynamique de coopération intra-africaine». «C’est pourquoi au niveau institutionnel, il nous faut concrétiser le projet de Zone de libre-échange continentale pour accélérer la libre circulation des personnes et des biens», insiste-t-il.
Par ailleurs, Roch Marc Christian Kaboré a indiqué que les politiques économiques africaines doivent avoir pour unique objectif la satisfaction des besoins fondamentaux des populations, avec pour cible principale les pauvres et les plus vulnérables. «Décideurs politiques, chefs d’entreprises, partenaires au développement, leaders d’opinion, nous devons faire des choix stratégiques judicieux, courageux, destinés à garantir l’épanouissement économique et le bien-être de tous, pour une paix véritable et durable en Afrique et dans le monde», estime-t-il. Le PDG d’Attijariwafa bank, quant à lui, s’est montré optimiste pour l’avenir du continent. «L’Afrique et au-delà du ralentissement conjoncturel enregistré en 2016 sous l’effet de la baisse des cours pétroliers, maintient le cap et demeure plus que jamais un espoir pour la croissance mondiale», a précisé Mohamed Kettani. Pour lui, l’urbanisation et la démographie africaines sont un atout majeur. «Pas moins de 187 millions de personnes supplémentaires vivront dans les villes africaines au cours de la prochaine décennie et en 2034, la population active africaine atteindra 1,1 milliard de personnes, supérieure à celle de la Chine ou de l’Inde», a-t-il expliqué. Autres atouts dont disposent le continent, la consommation des ménages, des entreprises et la production industrielle à destination de la demande intérieure et en substitution aux importations, pourraient enregistrer une croissance considérable au cours de la prochaine décennie. Enfin, les mutations technologiques à l’œuvre constituent une autre opportunité historique majeure pour le continent africain et peuvent permettre de faire émerger nombre d’activités économiques, tout en renforçant l’inclusion économique et financière des populations africaines.
Défis majeurs
Mais ces atouts doivent se transformer en opportunités d’investissement et de création de richesses. D’où le choix du thème «Croissance inclusive» car «seule l’inclusion véritable est le garant de la pérennité et de la sécurité de notre continent», a rappelé Mohamed Kettani et pour y arriver, poursuit-il, cela requiert de prendre le contrepied des tentations protectionnistes à l’œuvre au niveau international, en réaffirmant notre croyance dans un espace commun intégré et porteur d’espoir.
Le patron d’Attijariwafa estime à cet égard que la réintégration par le Maroc de l’Union africaine et sa demande récente d’adhésion à la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest en tant que membre à part entière témoignent d’une vision africaine authentique ouvrant un large champ d’opportunités pour les opérateurs économiques ainsi que pour la jeunesse. Il a également souligner que cela requiert d’investir plus massivement dans le capital humain, dans la promotion de la femme africaine, dans le renforcement des infrastructures d’énergie, de transport et de logistique et dans la mise en œuvre de schémas de gouvernance crédibles.
Aussi, cet objectif requiert d’impliquer les acteurs privés dans une démarche de création de valeur partagée à travers une co-localisation bien pensée assurant création d’emplois et transferts d’expertise, de maîtriser l’urbanisation du continent en veillant à une inclusion sociale génératrice de croissance et enfin d’assurer une inclusion financière forte permettant d’intégrer nos populations dans le secteur formel afin de bénéficier de l’accès au financement et à l’épargne.
Révolution verte
Pour sa part, la présidente de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) estime que l’Afrique doit changer ses paradigmes pour atteindre une croissance durable et inclusive. Pour Miriem Bensaleh Chaqroun, la nécessité d’améliorer la vie des Africains et de conduire l’Afrique à la compétitivité internationale devraient alimenter les discussions et motiver les ambitions. «Les États, les gouvernements, les entreprises et la société civile doivent unir leurs forces et agir en faveur du changement qui s’appuie sur certains facteurs clés, à savoir de nouvelles industries, la bonne gouvernance, un capital humain qualifié, un environnement des affaires adéquat mais aussi une approche régionale», a-t-elle expliqué.
L’Afrique doit ainsi tirer bénéfice de ses terres arables et des plus grandes réserves de ressources naturelles dont il dispose, d’un marché en croissance d’1,2 milliard de consommateurs, d’une population jeune et d’un grand potentiel de croissance. Néanmoins, le constat est que la plupart des économies africaines sont encore basées sur des ressources naturelles non transformées et que le rythme d’industrialisation est lent. Pour la patronne des patrons, l’Afrique comptera toujours sur l’agriculture pour faire face au défi de la sécurité alimentaire, mais elle aura besoin d’une révolution verte traduite par une plus grande productivité des terres agricoles et le développement des agro-industries.
À cet égard, les gouvernements doivent, à leur tour, adopter une feuille de route qui portera sur la révolution verte et devront aborder les questions relatives à la propriété industrielle, à une logistique adéquate et à l’organisation des marchés. Bensaleh a précisé que l’Afrique peut aussi apporter sa propre révolution industrielle à travers les énergies renouvelables et la nouvelle économie verte. «Cela améliorera notre capacité électrique et permettra l’émergence d’un écosystème entrepreneurial vert», estime-t-elle.
Roch Marc Christian Kaboré
Président du Burkina Faso
Les politiques économiques africaines doivent avoir pour unique objectif la satisfaction des besoins fondamentaux des populations, avec pour cible principale les pauvres et les plus vulnérables. Au regard des besoins énormes auxquels l’Afrique doit faire face dans tous les secteurs, seule la mutualisation des efforts tracera les sillons de notre succès collectif. Nous nous devons ainsi de renforcer et d’accélérer la dynamique de coopération intra-africaine. C’est pourquoi, au niveau institutionnel, il nous faut concrétiser le projet de Zone de libre-échange continentale pour accélérer la libre circulation des personnes et des biens».
Meriem Bensaleh Chaqroun
Présidente de la CGEM
L’Afrique doit changer ses paradigmes pour atteindre une croissance durable et inclusive. Pour cela, la nécessité d’améliorer la vie des Africains et de conduire l’Afrique à la compétitivité internationale devrait alimenter les discussions et motiver les ambitions. Ainsi, les États, les gouvernements, les entreprises et la société civile doivent unir leurs forces et agir en faveur du changement qui s’appuie sur certains facteurs clés à savoir de nouvelles industries, la bonne gouvernance, un capital humain qualifié, un environnement des affaires adéquat mais aussi une approche régionale».
Mohamed Kettani
PDG d’Attijariwafa bank
La réintégration par le Maroc de l’Union africaine et son d’adhésion à la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest témoigne d’une vision africaine authentique ouvrant un large champ d’opportunités pour les opérateurs économiques ainsi que pour la jeunesse. Cela requiert néanmoins d’investir plus massivement dans le capital humain, dans la promotion de la femme africaine, dans le renforcement des infrastructures d’énergie, de transport et de logistique et dans la mise en œuvre de schémas de gouvernance crédibles».
Salaheddine Mezouar
Ministre des Affaires étrangères et de la coopération
L’Afrique fait face à plusieurs défis. Croissance, démographie, santé, urbanisation… Mais ces défis sont aussi des opportunités de progrès que l’Afrique peut réaliser en faisant confiance à elle-même et à ses compétences. Après la réintégration de l’Union africaine, qui est basée sur une vision pour le continent et son développement, on s’est rendu compte que l’Afrique ne peut avancer que si les espaces régionaux s’intègrent d’abord. Ceci permettra, dans un second niveau, à tout le continent de s’intégrer. Notre adhésion à la CEDEAO émane de cette conviction».