Maroc

«Libéraliser le dirham n’engendrera pas forcément une dévaluation à terme»

Laurent Tournaud, responsable ALM trésorerie & marchés des capitaux

Les Inspirations ÉCO : La BMCI est très active sur le marché des changes. Comment ça se passe pour vous ?
Laurent Tournaud : La BMCI fait effectivement partie des grands acteurs bancaires marocains sur le change. Elle est un partenaire privilégié pour les entreprises marocaines, mais aussi pour les entreprises internationales souhaitant investir au Maroc. Pour cette 2e catégorie de clients, la BMCI s’est toujours attachée à faire la promotion du Maroc en expliquant et en rassurant les investisseurs étrangers sur le régime de l’Office des changes qui peut effrayer les nouveaux venus. Notre appartenance au groupe BNP-Paribas permet d’ailleurs de rassurer les investisseurs internationaux.

Dans quelle mesure la libéralisation du change au Maroc améliorerait votre activité ?
La libéralisation du cours de change n’engendrera pas directement de gains ou de pertes liés à nos expositions puisque nous couvrons déjà notre risque de change. En revanche, on peut s’attendre à ce que certains de nos clients corporate qui ne voyaient pas l’importance de couvrir leurs expositions aux risques de change, se mettent à le faire. Ceci générera une hausse de l’activité des couvertures de changes au travers d’instruments comme le change à terme ou les options de couverture que la BMCI commercialise.

Comment se déroulent les préparatifs de cette libéralisation ?
Les préparatifs à la libéralisation sont aujourd’hui organisés sous la tutelle de Bank Al-Maghrib (BAM). Il y a la mise en place d’aspects techniques qui permettront aux banques de participer à des appels d’offres sur le change organisés par BAM et ayant pour but de garantir la stabilité du dirham, mais au-delà de ces aspects techniques, BAM s’attache à écouter tous les intervenants pour améliorer la situation actuelle et s’assurer de la bonne compréhension de tous.

Le Maroc est-il prêt pour ça ?
Le Maroc n’a jamais été aussi prêt qu’il ne l’est aujourd’hui. La conjoncture économique actuelle (baril de pétrole faible, hausse des exportations, réserves de change à plus de 7 mois des importations, niveau théorique du MAD proche du niveau réel…) y est favorable et les acteurs financiers ont la maturité suffisante. Attendre encore serait prendre le risque d’avoir à le faire sous une conjoncture bien moins favorable.

Une fois libéralisée, la devise marocaine sera-t-elle assez forte pour résister aux fluctuations sur le marché des changes ou aura-t-on besoin de la soutenir comme le fait la Chine actuellement ?
Chaque chose en son temps. Il faut rassurer les acteurs économiques. Le choix fait par BAM est d’avancer pas à pas. Nous avons actuellement un régime de change considéré par les institutions internationales comme un des moins flexibles au monde. Nous avons de la marge pour gagner en flexibilité sans aller directement à la flexibilité totale. Les premières étapes de BAM n’engendreront pas de soutiens supplémentaires. Rappelons que BAM soutient déjà la devise en puisant lorsque c’est nécessaire dans ses réserves de change. Les premières étapes de libéralisation du cours de change, ne s’accompagneront tout au plus que d’une libéralisation limitée des échanges eux-mêmes. Cela ne devrait donc pas nécessiter plus d’intervention de BAM qu’aujourd’hui et même moins en théorie.

Quelles conséquences aura la libéralisation sur l’économie marocaine ?
La première conséquence sera de permettre au Maroc d’être prêt en cas de retournement de tendance économique, là où le régime actuel inflexible pourrait mener à une explosion. La deuxième conséquence viendra, j’en suis sûr, d’une simplification administrative du régime de change qui fera gagner en compétitivité pour le Maroc. Un contrôle global et a posteriori des opérations de change des acteurs économiques sera pour cela très utile. La troisième conséquence sera de rassurer les investisseurs étrangers sur leur capacité à pouvoir récupérer les investissements faits au Maroc. Cela encouragera les IDE dont la BMCI fait la promotion. La quatrième conséquence sera de permettre au Maroc d’avancer sur des projets internationaux comme Casa Finance City.

Quelles sont les conditions nécessaires pour que cette mesure ne génère pas de crises ?
Il est nécessaire d’avancer étape par étape, en libéralisant tout d’abord le cours de change et quelques règles administrativement lourdes sur les échanges. Il faudra aussi renforcer les règles empêchant des fonds étrangers de spéculer sur la baisse du MAD. Il faudra enfin communiquer à l’intérieur du Maroc pour expliquer et rassurer sur le fait que cela n’engendrera pas forcément une dévaluation à terme. Vous parliez de la Chine. Rappelez-vous que durant des années, la Chine s’est battue contre une réévaluation de sa devise accumulant des centaines de milliards de réserves de change qu’elle utilise aujourd’hui pour soutenir sa devise. C’est tout le mal que l’on peut souhaiter au Maroc. 



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