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Interview : Seddiki fait le point

Abdeslam Seddiki : Ministre de l’Emploi et des affaires sociales

Le gouvernement demeure optimiste quant à la reprise du dialogue social. C’est ce qu’affirme  le ministre de l’Emploi et des affaires sociales. Abdeslam Seddiki s’exprime aussi sur le projet de loi organique sur la grève qui devrait être bientôt mis dans le circuit législatif, ainsi que sur d’autres dossiers comme l’indemnité pour perte d’emploi, dont les conditions d’éligibilité seront révisées, la non réalisation de l’engagement gouvernemental de porter le taux de chômage à 8 % ou encore les alliances du PPS.

Les Inspirations ÉCO : Comment expliquez-vous le gel du dialogue social ?
Abdeslam Seddiki : Il faut définir les responsabilités des uns et des autres car le dialogue social est tripartite. Le gouvernement a pris l’initiative de convoquer les partenaires sociaux, en l’occurrence les syndicats les plus représentatifs, la CGEM et la Fédération des chambres d’agriculture. Plusieurs réunions ont été tenues. Toutes les propositions des syndicats ont été discutées. L’accord de principe a été conclu sur plusieurs points. Même un accord de principe sur le réaménagement de l’IR a été trouvé. Le gouvernement a averti, dès le départ, les syndicats de l’impact insignifiant de ce réaménagement car 53% des salaires sont exonérés de l’IR. On était optimiste. Le coût des mesures est estimé à 6 MMDH. Le jour où on allait trancher, les syndicats sont venus avec un nouveau cahier revendicatif. Nous sommes retournés au point de départ. Ils se sont rendus compte que le réaménagement de l’IR n’aura pas d’impact. Le chef de gouvernement a demandé aux syndicats de lui adresser par écrit leur cahier revendicatif. On demeure toujours optimiste quant à la reprise du dialogue social qui ne peut pas aboutir sans des rapports de confiance. Il faut des efforts de part et d’autre.

On vous reproche de ne pas satisfaire des requêtes qui ne nécessitent pas d’effort financier. Que répondez-vous ?
Le gouvernement a ratifié 63 conventions. Sur les huit conventions fondamentales de l’OIT, le Maroc en a ratifié sept. Il reste uniquement la convention 87 sur la liberté syndicale que le Maroc n’a pas encore ratifié en raison des dispositions de la Constitution qui prévoit l’interdiction de constituer des syndicats pour les porteurs d’armes. Cette clause nous empêche de ratifier la convention 87. La mise en œuvre du respect des libertés syndicales est un processus qui ne pourra pas être parfait du jour au lendemain. Il faut œuvrer ensemble pour que les libertés syndicales soient respectées par les entreprises. En période de crise, on assiste certes à des actes irresponsables. Cependant, on ne peut pas conduire en prison un entrepreneur qui viole la liberté syndicale. On peut néanmoins le dissuader en procédant avec pédagogie. Malheureusement, en période de crise, la lutte syndicale devient difficile et parfois les syndicats lâchent du lest pour se maintenir et sauvegarder l’emploi.

Pourquoi le gouvernement a-t-il laissé le projet de loi organique sur la grève à la fin du mandat ?
Ce texte fait partie des projets de loi organique qu’il faut déposer avant la fin de la législature. C’est un sujet sensible. Tout le monde est d’accord sur le principe. Des moutures ont été préparées. Le document remis au Secrétariat général du gouvernement a été réécrit et transmis au ministère pour un relooking à notre niveau. Avant de le mettre dans le circuit législatif, je suis favorable à l’organisation d’une table ronde au cours de ce mois-ci avec les partenaires sociaux pour avoir leur avis et y apporter, le cas échéant, des révisions.

Quels sont les points qui posent problème avec les syndicats, concernant le texte portant sur la grève ?
Trois points posent problème. Le premier a trait au préavis de la grève sur lequel on peut trouver un accord. Le deuxième est relatif à la partie qui peut appeler à la grève (le syndicat le plus représentatif au niveau de l’entreprise ou au niveau du secteur ou sur le plan national?). Le troisième concerne les secteurs qui doivent soit assurer un service minimum, soit être interdits d’observer des grèves comme, notamment, la sécurité. Dans certains pays, le secteur du transport assure au moins un service minimum.

Quid du projet de loi sur les syndicats qui tarde à être mis dans le circuit législatif ?
Le projet n’est pas encore soumis au Secrétariat général du gouvernement. La loi sur les syndicats est comme celle sur les partis politiques. D’ailleurs, la même philosophie a été reprise au niveau de ce texte. Certes, la loi sur les partis politiques n’a pas eu tous les effets escomptés. Mais force est de constater qu’elle a contribué un tant soit peu à la rationalisation du champ politique. Les notes de présentation des projets de loi sur les syndicats et la grève ont été remises l’année dernière aux syndicats. S’agissant du projet de loi sur les syndicats, il était prévu par exemple la limitation d’âge pour le responsable d’un syndicat. Ce point peut être supprimé. Le syndicat est une institution de militantisme comme les partis politiques. Le projet prévoit les mêmes modalités de la loi sur les partis politiques. Il s’agit notamment du contrôle par la Cour des comptes des finances des syndicats, la limitation des mandats pour les secrétaires généraux, la démocratie interne…

Le texte sur les employés de maison a suscité une grande polémique. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas opté, dès le départ, pour la solution finale introduite en plénière, surtout que le PPS a été un fervent défenseur de l’idée de porter l’âge des employés de maison à 18 ans ?
Le PPS a toujours défendu la fixation de l’âge des employés de maison à 18 ans. Contrairement à ce que l’on pense, à un certain moment, le PJD, le RNI et le MP n’étaient pas les seuls à être pour la fixation à l’âge de 16 ans. Le PPS était minoritaire au sein du Parlement. Par la suite, certains partis politiques ont essayé de politiser à outrance cette question. Le champ a été favorable pour porter cet âge à 18 ans. J’espère que d’ici cinq ans, plusieurs problèmes seront dépassés. Il faut penser aux jeunes adolescents dans les campagnes qui sont contraints d’abandonner l’école. Il faut leur assurer les conditions de scolarité jusqu’à 18 ans.

Le gouvernement devra rendre des comptes sur sa politique d’emploi lors des prochaines élections, surtout qu’il n’a pas honoré l’engagement de porter le taux de chômage à 8%. Quels sont vos arguments en la matière ?
Le gouvernement n’a pas concrétisé l’engagement de porter le taux de chômage à 8% car l’engagement de porter le taux de croissance à 5,5% n’a pas été concrétisé. Les engagements d’un gouvernement sont des objectifs à atteindre. On peut les atteindre, les dépasser ou ne pas les atteindre. En effet, le gouvernement ne maîtrise pas toutes les variables exogènes. La persistance de la crise mondiale ne relève pas de la responsabilité du gouvernement de Benkirane ainsi que l’année de sécheresse et les actions de terrorisme qui impactent notre tourisme. La planification vise seulement à réduire les incertitudes. La discussion pourrait plutôt porter sur les domaines dans lesquels le gouvernement aurait pu mieux faire au lieu de pointer du doigt quelques indicateurs.

Justement, dans quel domaine le gouvernement aurait-il pu mieux faire?
Le gouvernement aurait pu mieux faire sans les turbulences d’une année dues au retrait du parti de l’Istiqlal. Le gouvernement aurait pu mieux faire en accélérant davantage les réformes. Un temps mort a été constaté sur le volet législatif, chose qui a un impact sur l’investissement. Il fallait accélérer la cadence. La non-atteinte des objectifs ne constituent pas un échec. Le gouvernement a fait de son mieux. Des mesures non prévues initialement ont été réalisées. En ce qui concerne l’emploi, l’idéal était de passer à l’instauration de l’assurance contre le chômage qui donne des chiffres précis sur le taux du chômage. Mais cette mesure n’est pas simple. Le budget minimal pour appliquer cette mesure est estimé à 24 MMDH par an. Notre pays ne peut pas se permettre de débourser une telle somme. Tant que l’on n’aura pas instauré cette indemnité, les chiffres sur le chômage resteront approximatifs.

La participation du PPS au gouvernement de Benkirane a-t-elle servi l’image du parti ou l’a, au contraire, desservie ?
La participation du PPS au gouvernement a servi l’image du PPS et a démontré à l’opinion publique que le parti dispose de compétences pouvant servir le pays en étant au gouvernement ou à l’opposition. Le PPS a bien fait en participant au gouvernement car notre marge d’action est beaucoup plus large. Toutes les décisions que nous avons prises dans le cadre des ministères dirigés par le PPS qui sont à caractère social sont palpables.

Pourquoi le PPS espère-t-il continuer à s’engager dans cette expérience d’alliance marquée par le rapprochement avec le PJD, malgré les reproches ?
Je pense qu’avant de réfléchir aux alliances, il faut penser à la santé du parti au lendemain des élections. Notre premier objectif est de renforcer le parti, d’être fort et plus crédible que jamais. Quand un parti politique ne pèse pas fort, il n’est pas rapproché par les autres partis politiques.

Ne pensez-vous pas renforcer le parti dans le cadre de la gauche pour mettre fin à la confusion chez les citoyens ?
La confusion n’a pas lieu d’être. Notre parti est ancré dans la gauche. Toutes les actions menées s’inscrivent dans cette optique. En 2012, on ne s’est pas mis d’accord avec nos amis pour entrer ensemble au gouvernement. C’est au sein de l’autre partie que le regret s’est fait ressentir. Indemnité pour perte d’emploi: le système demeure perfectible Les conditions pour l’accès à l’indemnité pour perte d’emploi sont jugées trop draconiennes. C’était voulu au départ pour assurer la viabilité du système, comme l’explique le ministre de l’Emploi: «On n’a pas voulu être laxiste en voyant grand alors que les moyens étaient limités».L’évaluation du système a démarré au niveau du Conseil d’administration de la CNSS. Une journée sera bientôt organisée en vue d’une analyse profonde en vue de «revoir les critères d’éligibilité et les assouplir, surtout que l’argent existe. On n’a même pas consommé le quart du budget de 250 MDH du fond d’amorçage», précise Seddiki. L’objectif de départ était de faire bénéficier 30.000 personnes par an. En 2015, seulement 10.381 ont bénéficié de l’IPE sur un total de 21.322 demandeurs, soit 49%. Le taux de rejet est grand car les demandeurs ne remplissaient pas les critères. Il s’agit notamment du non cumul du nombre de jours (56%), du manque de pièces (13%), de l’existence des déclarations de salaire dans la période de perte d’emploi (8%), du dépôt de la demande hors délais (7%) et de la perte d’emploi suite au départ volontaire, à la démission ou à l’abandon de poste (5%). Le système demeure perfectible, selon le responsable gouvernemental.


 

Contrats ANAPEC : une révision pour lutter contre la précarité de l’emploi
Les contrats de l’ANAPEC participent-ils à la promotion de l’emploi ou à sa précarité? Le ministre souligne que le dispositif a été amélioré, permettant ainsi de remédier en partie au problème de la précarité dû aux calculs à court terme de certaines entreprises qui usaient du système. «Il est de l’intérêt de l’entreprise qui a une vision stratégique de garder les jeunes qu’elle forme», souligne Seddiki.  La révision du contrat de formation insertion, qui est le mécanisme principal pour l’accès des jeunes diplômés à un premier emploi, est une avancée notable en matière de promotion du travail décent, d’après le ministre. De nouvelles mesures, rappelons-le, ont été mises en place: la déclaration des bénéficiaires à la CNSS, la prise en charge par l’État de la couverture médicale de base, l’obligation pour l’entreprise de recruter au moins 60% des bénéficiaires du contrat de stage, la prise en charge par l’État de la couverture sociale pendant 12 mois dès le recrutement du stagiaire. Depuis l’entrée en vigueur du contrat d’insertion amélioré, 4.054 jeunes diplômés en ont bénéficié.



Gouvernance des EEP : une réforme en profondeur se prépare


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