«Vers une interconnexion électrique entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest»
Pour l’ONEE, le projet de raccordement de la ville de Dakhla au réseau électrique national est également une opportunité d’interconnexion avec la Mauritanie. Ce pays, déjà interconnecté au Mali, ambitionne de le faire avec le Sénégal. In fine, l’Afrique du Nord sera reliée à l’Afrique de l’Ouest, ouvrant à l’ensemble de ces pays, des opportunités d’exporter de l’électricité en dehors du continent. En marge du récent Forum Afrique Développement, le DG de l’ONEE a détaillé ces grands projets.
Les Inspirations ÉCO : Comment se porte la coopération entre l’ONEE et les pays africains ?
Ali Fassi Fihri : L’expérience marocaine en matière d’électrification rurale est très bien connue. Aujourd’hui, nous avons pratiquement terminé notre programme à plus de 90%. Les entreprises qui ont travaillé avec nous sont en train de prendre de belles parts de marché en Afrique. C’est grâce à cette expérience que l’ONEE intervient également dans certains pays africains frères. Nous sommes présents sur 11 pays du continent. Nous avons des concessions qui vont de l’assistance technique à divers autres domaines d’interventions spécifiques. Nous partageons notre expérience avec les sociétés africaines sœurs, afin qu’elles ne tombent pas dans les erreurs que nous avons commises dans le passé. Pour nous, cela permet aussi d’ouvrir des marchés à des entreprises marocaines qui se sont beaucoup investies dans l’électrification du Maroc.
Comptez-vous lancer des réseaux d’interconnexions entre pays africains ?
Par rapport aux interconnexions, l’ONEE dispose d’un réseau de transport important. Nous sommes interconnectés à l’Espagne par deux lignes, notamment avec l’Algérie. Nous allons renforcer l’interconnexion avec le Portugal et rajouter une autre ligne avec l’Espagne. Nous travaillons actuellement dans le projet d’électrification lancé à partir de Dakhla et qui nous permettra de nous interconnecter avec la Mauritanie. Ce pays voisin frère, déjà interconnecté au Mali est en train de faire de même avec le Sénégal. L’ensemble de ce réseau nous permettra de créer un pôle nord-africain-Afrique de l’Ouest et l’ouverture d’espaces extraordinaires pour les énergies renouvelables. Certains dans le Golfe de Guinée et au Sénégal ont découvert du gaz ainsi que le Sénégal récemment. Ce sera pour eux une manière d’exporter leur gaz sous forme d’électricité vers l’Europe, ainsi que les énergies renouvelables. Aujourd’hui, nous sommes conscients qu’on ne peut pas faire les choses seuls. Nous devons travailler ensemble car il y a un grand avenir qui se dessine devant nous, une nouvelle ère de croissance.
Dans le cadre de ce projet, la diversité géographique ne risque-t-elle pas d’être un facteur de taille ?
Le Maroc est lui-même un pays vaste, mais géographiquement très compliqué. On ne peut pas comparer les plaines atlantiques avec les villages du Haut Atlas. Certaines zones ont des ressources, d’autres non. Mais partout, on a réussi à faire accéder l’électricité. Il faut se rendre à l’évidence que l’électrification n’est pas que la lumière. D’ailleurs, j’ai tenu à insister auprès du président de la Fondation Électricité pour l’Afrique, Jean Louis Borloo, pour que l’on arrête de dire : «Il faut sortir l’Afrique de l’obscurité». Nous devrions plutôt militer pour que l’Afrique ait accès à son énergie pour son développement économique, social et humain. Nous devons renforcer les efforts, qui ne se limitent pas seulement à des actions consistant à faire allumer une lampe dans tel ou tel village. Même dans les zones reculées, des ateliers de production se développent. Les agriculteurs ont aussi besoin d’électricité aussi bien pour leurs champs que pour leurs maisons, notamment en période de froid.
Vous avez récemment été élu à la tête de l’Association africaine de l’eau, quels sont vos objectifs ?
De nos jours, quant on parle d’énergie, c’est forcément lié à l’eau. L’impact de l’électricité est très important sur la distribution d’une bonne qualité d’eau potable. Il y a des pays qui réussissent l’accès à l’eau potable et d’autres qui tardent encore à le faire. Ma présidence sera l’opportunité de partager l’expérience marocaine. Avec l’aide des institutions de la communauté internationale, nous ambitionnons d’apporter et de monter de grands projets en Afrique sur la base d’expériences réussies. Nous n’allons pas faire de distinguo dans ce sens. Toutes les expériences réussies en Afrique nous serviront de référence. Il faut reconnaître qu’en Afrique, nous avons la chance d’avoir les meilleurs d’entre nous à la tête des organismes chargés de la gestion de l’eau et de l’électricité. Sur le continent, l’amélioration de la qualité des dirigeants dans notre domaine est une réalité. Ce sont de véritables ingénieurs qui portent en eux l’amour de leur patrie et de l’humain.