Opinions

Droit de la Famille : le partage des biens entre époux après le divorce

Par Maître Meriem Berrada
Avocate d’affaires et avocate au Barreau de Casablanca

Lorsqu’il n’existe pas de convention patrimoniale, un conjoint peut-il démontrer efficacement sa participation à l’acquisition des biens familiaux et, surtout, quelles preuves de sa contribution réelle peuvent être retenues ? C’est à cette question que nous répondrons dans cette tribune.

Alors que le Maroc affiche une volonté politique et parlementaire de réforme de l’article 49 du Code de la famille pour assurer une équité dans le partage des biens entre époux après le divorce, la jurisprudence actuelle démontre un pouvoir d’appréciation discrétionnaire du juge engendrant une insécurité juridique. Depuis toujours, et comme c’est inscrit dans les moeurs, les couples marocains ne rédigent pas de convention patrimoniale en marge des actes de mariage par souci de moralité.

Ce silence devient une faiblesse juridique en cas de divorce. La règle de droit commun étant que, en cas de divorce, chacun repart avec son patrimoine personnel. Dans le cas où il n’existe aucune convention patrimoniale au moment du mariage, le conjoint lésé dispose tout de même de moyens juridiques pour protéger ses droits grâce à l’article 49 du Code de la famille.

Le conjoint lésé peut demander la reconnaissance de sa contribution aux acquisitions réalisées par l’autre conjoint sous la forme d’un recours judiciaire («l kad wa si3aya»). Quand il n’y a pas de convention patrimoniale, l’intervention judiciaire est donc nécessaire. Celle-ci prend en compte le travail de chacun des conjoints, les efforts fournis ainsi que les charges assumées pour fructifier les biens de la famille (article 49 alinéa 4 du Code de la famille). Le conjoint lésé doit évidemment apporter les preuves de sa contribution.

Dans ce cas il est fait recours aux règles générales de preuve. La preuve de cette association peut être apportée par tous moyens, y compris témoignages et présomptions, mais pas seulement. Les juges du fond ont enfin un pouvoir d’appréciation souverain pour évaluer l’indemnisation à octroyer au conjoint lésé proportionnellement à sa contribution, ou pour opérer un partage proportionnel des biens acquis durant le mariage.

Dans la pratique, la cour ordonne une expertise judiciaire pour vérifier la contribution effective (financière ou par tout autre moyen licite) à l’acquisition des biens. Il est tenu compte de la durée du mariage, des efforts de l’épouse dans la gestion du foyer et/ou de l’activité économique, et de la proportionnalité entre ses contributions et la valeur du patrimoine acquis.

Dans une décision de la Cour d’appel en date du 24 juin 2009 (décision n°298/2009), la justice a confirmé que la femme a droit à une part dans la richesse acquise mais cette part doit être précisée par expertise et appréciée souverainement par le juge. La décision reconnait donc le principe du droit de l’épouse à une compensation sans fixer un pourcentage automatique. Il n’en demeure pas moins que la cour exige des preuves matérielles tangibles et directes le plus souvent. L’épouse doit démontrer sa participation par des documents financiers: virements, relevés bancaires, factures. Les témoignages seuls sont rarement suffisants.

La Cour insiste sur la charge de la preuve pesant sur celui qui revendique un droit, ce qui fait porter un lourd fardeau sur l’épouse lésée qui doit rassembler les preuves, et la place dans une position désavantageuse. Les contributions sont difficiles à matérialiser, les apports financiers sont indirects, et souvent les conjointes sont dans la méconnaissance de leurs droits et n’ont pas en leur possession les documents au moment du dépôt du recours judiciaire.

Par conséquent, la réforme de l’article 49 du code de la famille doit, selon moi, porter sur un régime de la communauté réduite aux acquêts pour éviter les litiges devant les tribunaux et contourner la problématique de la preuve. Ainsi, les biens propres acquis avant le mariage demeurent dans le patrimoine propre de chaque époux et les biens communs acquis pendant le mariage entrent dans le patrimoine commun des époux.

Aussi, les femmes apportant toujours une contribution financière et non financière à la bonne marche d’un foyer, il me parait juste que les biens soient partagés lors d’un divorce. Cela évitera ainsi le problème de preuve auquel se heurte la majorité des dossiers aujourd’hui quant à la contribution financière et invisible des femmes dans l’enrichissement de leur époux. En effet, aujourd’hui, le principe de partage des biens acquis pendant le mariage repose sur la preuve de la contribution directe et réelle de l’un des époux.

En l’absence de preuves suffisantes, la demande de partage est rejetée. Enfin, le texte de loi pourrait préciser clairement que la contribution inclut le travail domestique des femmes, l’éducation des enfants, ou encore la participation à une activité professionnelle ou commerciale. Sans oublier qu’en cas de divorce, le logement demeure au gardien de la garde des enfants et qu’il n’entre pas dans ce partage. Je tiens à préciser que le partage des biens après le divorce n’est pas une notion féministe et que les maris aussi ont droit à la moitié du patrimoine de la femme.

Une décision récente de la Cour d’appel en date du 15 janvier 2025 a reconnu la participation du mari et a accordé la moitié de la valeur d’un immeuble au mari en compensation à sa contribution, même si le bien était enregistré uniquement au nom de la femme. C’est une notion juridique qui sert l’équité, un principe garanti par la Constitution marocaine.



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