Marché de l’emploi : des diplômes, mais encore ?

À presque 20%, le taux de chômage des diplômés reste inquiétant. D’autant plus que la moitié s’installe dans un chômage de longue durée, notamment les lauréats des facultés dites à accès libre (sans sélection). Un diplômé d’université sur deux est au chômage depuis cinq ans. Une erreur d’orientation à l’heure de se lancer dans les études supérieures peut coûter cher.
Les milliers de jeunes qui prennent d’assaut les guichets d’inscription des facultés en cette période ont intérêt à jeter un coup d’œil sur la photographie du marché de l’emploi, à fin juin dernier, brossée par le Haut-commissariat au plan (HCP). Avoir un diplôme, c’est bien, mais avoir une qualification, c’est encore mieux. C’est une constance du marché de l’emploi.
Si le chômage de demandeurs d’emploi ayant un diplôme (ndlr : Baccalauréat et diplômes de formation professionnelle compris) enregistre une baisse de 0,4 point pour s’établir à 19% selon le dernier pointage du HCP à la fin du premier semestre, cette petite éclaircie profite surtout aux détenteurs de diplômes en qualification professionnelle (-2,4 points) et à ceux qui sont sortis de l’enseignement secondaire qualifiant (-1 point avec un taux de 25,1%).
En revanche, les demandeurs d’emploi diplômés du supérieur sont le plus frappés par le chômage de longue durée. Ils représentent plus de 75% des personnes qui cherchent du travail depuis plus de 12 mois. Plus inquiétant, un demandeur d’emploi diplômé sur deux est au chômage depuis cinq ans.
En fait, la majorité de ces jeunes issus souvent des «filières à chômage» dans les facultés qui n’appliquent pas de sélection à l’entrée ont perdu leur employabilité. La question qui se pose pour ces jeunes prêts à accepter des emplois sous-qualifiés dans les centres d’appel, entre autres, est celle de la réorientation.
Dans ce cadre, la formation professionnelle peut être un «plan B» pour certains afin de pouvoir intégrer le marché du travail. D’aucuns estiment que la levée du tabou autour de la sélection à l’entrée des facultés «généralistes» devrait être mise sur la table.
D’ailleurs, pour contourner cette règle leur interdisant la sélection à l’entrée, certaines facultés ont créé des «bachelors d’excellence» sur le modèle des «collèges» lancés par les universités françaises. De même, la réduction de la voilure des filières «fabriques à chômage» doit être posée sans démagogie, fait remarquer le président de l’Université Hassan II de Casablanca. Plus les difficultés d’insertion des diplômés sur le marché de l’emploi augmentent, plus le contingent des décrocheurs grossit.
Les taux d’abandon en première année à l’université font froid dans le dos : au-delà de 25% dans les facultés dites à accès ouvert (sciences juridiques, économiques et sociales). Et encore, ce chiffre n’est qu’une moyenne car il est bien plus élevé dans des filières comme le droit en arabe ou les facultés de lettres qui apparaissent comme des voitures-balais de l’université publique.
Au moment de faire leurs choix, les jeunes bacheliers devraient se garder à ne pas tomber dans le piège de pointer au guichet de la première faculté la plus proche du domicile ou de suivre des «copains», ou bien encore de s’inscrire dans une filière «à la mode» sans toujours disposer des prérequis pour maximiser ses chances de réussite. Car le juge de paix à la fin du cursus, c’est le marché de l’emploi.
Au dernier pointage du HCP effectué fin juin 2025, le taux de chômage moyen des diplômés (ndlr : à partir du Baccalauréat) était de 19% avec une pointe à plus de 25% pour les détenteurs d’un titre de l’enseignement supérieur. C’est sept points de plus que la moyenne observée chez les demandeurs d’emploi ayant un diplôme professionnel.
Le soutien des jeunes dans leur passage des études au monde du travail est un des axes pour contenir le fléau du chômage des diplômés, suggère la Banque mondiale. Bien que le Maroc ait fait d’importants progrès dans le domaine de l’éducation, des améliorations supplémentaires sont nécessaires pour créer une main-d’œuvre capable de stimuler la croissance de l’emploi et pour aider les jeunes à obtenir des emplois hautement productifs, concluent les experts de la Banque mondiale.
Le poids du secteur informel conjugué à des taux d’inactivité élevés et à une prédominance de services à faible valeur ajoutée limitent non seulement la mobilité intra-sectorielle de RH, mais aussi le potentiel de créations d’emplois même en situation de forte reprise de l’activité économique, relève la Banque mondiale dans une excellente étude.
Le Maroc s’efforce sans succès, pour l’instant, d’échapper au «piège des pays à revenus moyens». Ce qui l’empêche de rejoindre les rangs des pays à revenus moyens plus riches, constatent les experts de l’Institution de Bretton-Woods. L’économie marocaine devrait tirer profit d’un «dividende démographique» substantiel qui persistera jusqu’en 2040, à condition que soient déployées des réformes structurelles dont certaines seront douloureuses.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO