Livre numérique : la Banque d’Angleterre temporise

Le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Andrew Bailey, exprime ses réserves quant à l’intérêt d’une livre numérique accessible au grand public. Si le projet «Britcoin» reste à l’étude, la priorité semble désormais se déplacer vers une version interbancaire de la monnaie numérique.
En conférence à Kiev ce 20 juin, Andrew Bailey, gouverneur de la Banque d’Angleterre (BoE), a exprimé ses doutes sur la pertinence d’introduire une «livre sterling numérique» destinée aux particuliers.
«Je ne suis pas certain que nous devons créer de nouvelles formes de monnaie», a-t-il déclaré, estimant que les innovations numériques dans les paiements peuvent se déployer sans nécessairement passer par une nouvelle monnaie d’État.
Ce scepticisme intervient alors que la BoE étudie depuis plusieurs années la possibilité de lancer sa propre monnaie numérique de banque centrale (CBDC) – projet surnommé « Britcoin » – aux côtés des espèces. Une décision formelle sur sa mise en œuvre est attendue d’ici quelques années.
Une alternative interbancaire privilégiée
Si la version grand public de la CBDC est remise en question, Andrew Bailey a en revanche confirmé l’avancée d’une version dite «de gros», dédiée aux échanges entre établissements financiers. Ce modèle s’inscrit dans une logique de modernisation des infrastructures de règlement, avec un objectif de transparence, de sécurité et de réduction des délais de transaction.
Ces CBDC «wholesale» sont perçues comme plus prometteuses par de nombreuses banques centrales, car elles peuvent améliorer l’efficience du système financier sans bouleverser les équilibres monétaires ni concurrencer directement les banques commerciales.
Entre monnaie souveraine et cryptomonnaies
Les CBDC se distinguent des cryptomonnaies par leur statut légal : elles sont émises et garanties par une autorité monétaire. Toutefois, comme les cryptomonnaies, elles peuvent reposer sur la technologie blockchain, garantissant un enregistrement infalsifiable et décentralisé des transactions.
Le débat reste vif entre les partisans d’une démocratisation monétaire via les CBDC accessibles au public et ceux qui redoutent une désintermédiation bancaire massive. Pour l’instant, la prudence britannique contraste avec l’enthousiasme de la Banque centrale européenne, dont le projet d’euro numérique est à un stade plus avancé.
Un signal d’attente plus qu’un renoncement
La déclaration de M. Bailey ne signifie pas l’abandon du projet, mais marque une inflexion stratégique. Elle reflète une volonté de ne pas précipiter un choix qui pourrait avoir des conséquences systémiques sur le rôle des banques, la gestion des dépôts, et la stabilité financière.
À l’heure où plusieurs grandes économies testent ou déploient des prototypes de monnaies numériques, la Banque d’Angleterre semble privilégier une approche prudente et pragmatique. Un message clair : l’innovation monétaire ne doit pas sacrifier l’équilibre du système financier existant.
Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ÉCO