Impôt sur les sociétés : qui contribuera plus en 2025 ?
La Loi de finances 2025 redistribue les cartes de contribution à l’IS. On voit ainsi les «Autres catégories» de contributeurs passer au second rang, reléguant les banques à un rôle stabilisateur. Derrière les chiffres, il se lit une volonté de ne plus dépendre d’un seul secteur pour remplir les caisses de l’État.
En 2025, l’IS ressemblera à un buffet : les industries apporteront le plat principal, les «Autres catégories», les accompagnements, et les banques… le champagne ! Les prévisions fiscales du ministère de l’Économie et des Finances (MEF) dessinent une reconfiguration majeure des contributions à l’impôt sur les sociétés (IS).
Alors que les recettes fiscales globales augmentent de 17,6% (passant de 280,40 à 329,72 milliards de dirhams), la répartition sectorielle de l’IS révèle des dynamiques contrastées, influencées par des réformes structurelles et des ajustements de taux. Analyse des évolutions.
Entreprises industrielles et de services : un recul relatif de la contribution
En 2024, les entreprises industrielles et de services représentaient 63,9% de l’IS, mais leur part devrait chuter à 48,2% en 2025. Une baisse relative, malgré une hausse globale des recettes d’impôts directs et taxes assimilées (IS, IR, …) prévue en 2025 (+18,9%).
Comme nous confie un analyste, «la baisse de la contribution relative des industries ne signifie pas un déclin de leur performance, mais plutôt une diversification de l’assiette fiscale, via l’inclusion de nouveaux contribuables».
Ce qui pourrait s’expliquer par deux facteurs. Premièrement, l’élargissement du champ d’application de l’IS, avec l’intégration des sociétés en participation (avec moins de cinq associés ou incluant une personne morale) et des groupements d’intérêt économique (GIE). Ce qui élargit la base fiscale, diluant mécaniquement la part des acteurs traditionnels.
Deuxièmement, les ajustements de taux. Rappelons que pour les sociétés industrielles, le taux maximal baisse de 31,5% à 27,5% pour les bénéfices nets fiscaux supérieurs ou égaux à 100 MDH, mais les PME dont le bénéfice net fiscal est inférieur ou égal à 300.000 DH voient leur taux augmenter (15% à 17,5%). Un dualisme qui pourrait limiter la progression relative de la contribution du secteur.
Banques et sociétés de financement : une contribution en hausse, malgré un taux d’IS quasi stable
Les établissements bancaires verront augmenter leur contribution de 10,9% à 13,9% en 2025, malgré un taux d’IS quasi stable (39% à 39,25%). Une progression qui s’explique d’une part par la croissance du secteur financier et d’autre part, par l’effet de levier des grands acteurs. En effet, les établissements soumis au taux maximal (39,25%) captent une part croissante des bénéfices sectoriels, tirés par des marges élevées dans un contexte d’inflation maîtrisée.
Les «Autres catégories» : nouveau pilier de l’IS en 2025
La catégorie «Autres» bondit de 19,7% à 31,8% en termes de contribution à l’IS, devenant le deuxième contributeur en 2025, après les entreprises industrielles et de services (48,2%). Cette hausse spectaculaire de la contribution des «Autres catégories» à l’IS s’explique en premier lieu par l’extension du champ d’application de l’IS introduite par la Loi de finances 2025.
En effet, deux acteurs clés entrent désormais dans le périmètre fiscal : les sociétés en participation comptant plus de cinq associés personnes physiques ou incluant une personne morale, et les GIE, dont les membres sont imposés sur leur quote-part du résultat net. La deuxième explication réside dans la hausse du taux d’IS pour les très petites et petites entreprises (TPE/PME). Pour les bénéfices nets fiscaux inférieurs ou égaux à 300.000 DH, le taux d’IS du régime de droit commun passe de 15% à 17,5% entre 2024 et 2025.
Cette réforme, bien que modeste en apparence, a un impact cumulatif significatif. Par exemple, une TPE réalisant 200.000 DH de bénéfice paiera 35.000 DH d’IS en 2025 contre 30.000 DH en 2024, soit une hausse de 16,6%. Cela dit, cette augmentation reste supportable pour les TPE, car elle ne remet pas en cause leur rentabilité.
Soulignons que les TPE/PME du secteur informel, progressivement intégrées au régime fiscal via les réformes de 2023-2024, contribuent également à cette dynamique. Ainsi, le MEF mise sur une formalisation accrue (+12,7% de recettes des droits d’enregistrement en 2025) pour soutenir cette hausse.
Ainsi, la catégorie «Autres» devient un pilier incontournable de l’IS, grâce à une combinaison de logiques structurelles (élargissement de l’assiette) et conjoncturelles (révision des taux).
Si cette progression renforce la résilience des recettes fiscales, elle place le MEF face à un défi opérationnel : «garantir la compliance de contribuables hétérogènes, tout en évitant un alourdissement du fardeau fiscal sur les TPE. La réussite de cette réforme dépendra autant de la rigueur de l’administration que de la pédagogie déployée envers les nouveaux imposables», souligne un analyste.
Contribution marginale des établissements publics et sociétés de Financement
Malgré une légère hausse (3,6% à 4,1% pour les établissements publics ; 1,9% à 2% pour les sociétés de financement), les Établissements publics et sociétés de financement restent marginaux en termes de contribution à l’IS en 2025. Cela s’explique par deux raisons. La première est que certains établissements publics bénéficient de niches, malgré l’extension de l’IS. La seconde est que les sociétés de financement, soumises à des taux élevés (39,25%), voient leur croissance limitée par des stratégies d’optimisation.
Qui contribuera le plus en 2025 ?
Malgré son recul relatif, les secteurs industriel et des services resteront les premiers contributeurs (48,2%), suivi des «autres catégories» (31,8%), nouvelle pierre angulaire du système. Les banques (13,9%) confirment leur rôle stratégique, tandis que les établissements publics (4,1%) gagneront en visibilité.
Une triple dynamique en 2025
En 2025, le paysage fiscal marocain sera marqué par une triple dynamique : baisse relative de la contribution des industries à l’IS, essor des «nouveaux contribuables», et résilience des banques. Autrement dit, l’IS sera porté par les industries, contributeurs historiques, les banques et les nouveaux contribuables. Si ces projections reflètent une stratégie volontariste d’élargissement de l’assiette de l’IS, leur réalisation exigera un renforcement des capacités de collecte et un dialogue avec les secteurs impactés par les hausses de taux. Le MEF devra ainsi concilier justice fiscale et soutien à la compétitivité, dans un contexte économique mondial incertain.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO