Une année scolaire sous le signe du changement
Marquée par le démarrage de la mise en œuvre de la loi-cadre de l’enseignement, cette année scolaire devrait être empreinte d’un rythme élevé de réformes. Les enjeux sont de taille : formation des enseignants, préparation de la révision des curricula et du système d’évaluation, élaboration de nombre de textes législatifs…
Après l’atteinte de l’objectif de la quantité, place désormais au défi de la qualité. C’est en tout cas le principal dessein tracé par le département de tutelle. Pourvu qu’il ne soit pas un vœu pieux, comme le craignent nombre d’observateurs. Finies les tergiversations après l’adoption de la loi-cadre de l’éducation et de la formation qui a suscité des discussions animées sur la langue d’enseignement des matières scientifiques et techniques. Une polémique qui a occulté le débat essentiel sur l’efficacité de la réforme souhaitée : va-t-on vraiment enfin relever le défi de la lutte contre les dysfonctionnements qui minent notre système scolaire et portent de plus en plus préjudice à l’école publique ? Cette année est décisive car c’est à son issue que l’on évaluera le rythme impulsé à la réforme du secteur sur le terrain. La loi-cadre prévoit plusieurs nouvelles mesures ainsi que l’élaboration de nombre de textes pour la mise en œuvre de la réforme (6 lois, 79 décisions ministérielles et 80 décrets). Les priorités doivent désormais être déjà fixées par le ministre de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Saaid Amzazi, qui présentera demain au Conseil de gouvernement un exposé sur la rentrée pédagogique. Une rentrée exceptionnelle car elle marque le démarrage de la mise en œuvre de la loi-cadre de l’enseignement. Plusieurs fronts devront être ouverts à la fois.
Enseignants, le moteur de la réforme
La formation des enseignants est l’un des éléments clés pour transformer le système scolaire. À cet égard, Saaid Amzazi ne cesse de répéter le postulat qu’«un système éducatif ne peut être plus performant que ne le sont ses enseignants», estimant qu’une rupture s’impose par rapport au mode de recrutement actuel des enseignants. Un nouveau système de formation a été mis en place (cursus de cinq années de formation) en vue de changer l’orientation actuelle qui consiste à choisir le métier d’enseignant par défaut et rarement par vocation. L’objectif est d’inciter les jeunes à en faire un projet personnel basé sur une ferme conviction. Amzazi veut attirer les meilleurs bacheliers à l’instar de ce que font les systèmes éducatifs les plus performants qui recrutent leurs enseignants parmi les meilleurs diplômés mais il s’avère nécessaire de revoir le volet matériel des enseignants qui peut dissuader les jeunes de choisir l’option de la licence pédagogique. Le gouvernement est très attendu sur ce dossier dans l’immédiat. Les retombées du nouveau système de formation ne seront ressenties que dans quelques années. Le besoin se fait sentir aujourd’hui de renforcer les compétences des anciens enseignants et de ceux qui ont été recrutés par les académies et dont la formation initiale s’avère on ne peut plus insuffisante. Au début de cette année scolaire, un intérêt particulier est accordé à un seul volet : le renforcement des compétences linguistiques des enseignants pour appliquer la réforme controversée de l’enseignement des matières scientifiques et techniques. Les AREF ont déjà démarré la mise en œuvre de leur plan de formation des enseignants. L’académie de Rabat-Salé-Kénitra, à titre d’exemple, qui a lancé ce programme le 14 septembre, compte former cette année plus de 6.000 enseignants des matières scientifiques et mathématiques. On compte, à ce titre sur des partenaires clés dont l’Institut français et le British Council.
Révision des curricula
Le département de l’enseignant est appelé aussi à agir sur la révision des curricula qui sont vertement critiqués et nécessitent d’être revus de fond en comble. Les responsables du ministère disaient attendre l’adoption de la loi-cadre de l’enseignement pour pouvoir opérer cette réforme tant attendue qui nécessite la mise en place d’une commission permanente auprès des autorités gouvernementales concernées. L’article 28 de la loi-cadre stipule que cette commission doit élaborer un cadre référentiel des curricula ainsi que des guides des programmes et des formations tout en veillant régulièrement à leur actualisation et leur adaptation aux évolutions pédagogiques modernes. L’accélération de la cadence pour la mise en place de cette commission s’impose pour opérer la réforme des contenus pédagogiques.
Évaluation : une révision en profondeur
La révision du système d’évaluation est également en vue, comme le stipule l’article 35 de la loi-cadre. Le gouvernement est tenu dans un délai ne dépassent pas trois ans d’opérer une révision globale du système d’évaluation, des examens et de diplomation à travers notamment l’élaboration des guides référentiels des activités d’évaluation des différents cycles, le développement et le renouvellement des outils et des méthodes en vigueur…Notons à cet égard que le gouvernement a été épinglé par l’OCDE sur son système d’évaluation. Le Maroc est appelé à développer un cadre d’évaluation cohérent et centré sur l’amélioration des apprentissages des élèves pour améliorer son système éducatif. À cela s’ajoute la nécessité d’une meilleure exploitation des données des évaluations pour éclairer les politiques d’éducation et le public en vue d’assurer la cohérence des réformes et fédérer les acteurs autour des objectifs de la vision 2030.
Enseignement supérieur : un nouveau cursus
Dès la rentrée prochaine, un nouveau cursus du Bachelor sera instauré pour le système à accès ouvert qui draine plus de 80% des étudiants. L’objectif est de renforcer les compétences des étudiants à travers plusieurs nouvelles mesures, limiter le décrochage et booster l’employabilité. Le gouvernement tend à donner un coup de fouet au système d’orientation pour attirer davantage de bacheliers à opter pour la formation professionnelle qui n’est choisie actuellement que par un bachelier sur quatre. La réforme en vue devra permettre de promouvoir l’enseignement supérieur et de répondre aux besoins des entreprises en profils adaptés aux exigences du marché du travail mais il reste encore à dépasser nombre de lacunes tant au niveau de la formation professionnelle que des universités.