Maroc

Souss-Massa : le virage industriel tant attendu sera-t-il pris ?

Alors que la démarche industrielle lancée, dimanche 28 janvier 2018, à Agadir, était essentiellement basée sur huit écosystèmes industriels, l’unique secteur qui a pu libérer son potentiel demeure l’agroalimentaire. Entre 2015 et 2022, 75% des emplois créés dans la région relèvent de cette filière. Ainsi, à peine 4.542 emplois ont été générés entre 2018 et 2023, sur les 38.581 postes prévus dans le cadre de cette déclinaison régionale du Plan d’accélération industrielle. 

Après le Plan Émergence (2005-2009), le Pacte national pour l’émergence (2009-2014), le Plan d’accélération industrielle (PAI 2014-2020) et le Plan de relance industrielle (2021-2023), le ministère de l’Industrie et du Commerce s’apprête à lancer sa nouvelle stratégie industrielle couvrant la période 2024-2030. Basée sur une différentiation ciblée et misant davantage sur l’apport de valeur ajoutée, cette nouvelle feuille de route fait l’objet d’une tournée régionale dans le cadre d’une concertation avec les 12 territoires du Royaume.
À Agadir, Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, a présidé, en ce début de semaine, une rencontre sur les perspectives de développement du secteur de l’industrie dans la région. Objectif : recueillir les propositions et les doléances des acteurs régionaux afin d’alimenter cette stratégie.
Au total, 21 filières réparties sur trois secteurs, à savoir les industries liées aux chaînes de valeur, au marché interne et à l’approvisionnement local, ont été prédéfinies en attendant les conclusions des ateliers techniques. Cette réunion a constitué aussi une occasion d’évoquer les lacunes de la précédente stratégie, notamment la déclinaison régionale du PAI au niveau de Souss-Massa. Des lacunes qui n’ont pu être comblées par l’avenant apporté à la convention initiale, prolongeant d’une année la durée de cette déclinaison basée sur le déploiement des écosystèmes industriels dans la région.
L’agroalimentaire, l’unique secteur qui a pu libérer son potentiel
Pour rappel, la démarche industrielle, lancée à Agadir le dimanche 28 janvier 2018, a été essentiellement basée sur huit écosystèmes à travers la consolidation de trois secteurs industriels historiques, à savoir la construction navale, l’agro-industrie et la chimie. En outre cinq secteurs émergents, leviers d’accélération industrielle, ont été identifiés. Il s’agit, en l’occurrence de l’automobile, du cuir, des matériaux de construction, de la plasturgie et de l’offshoring.
Le foncier industriel a été l’épine dorsale du projet industriel du Souss-Massa, d’où l’aménagement de la Zone d’accélération industrielle (ZAI) Souss-Massa et des parcs industriels intégrés d’Agadir (P2I). Si la région dispose de 1.000 hectares de zones industrielles, un seul secteur a pu libérer son plein potentiel, dans le cadre de la mise en oeuvre du PAI au niveau local. Il s’agit de l’agroalimentaire, loin devant l’offshoring.
Par contre, les autres écosystèmes n’ont pas assuré le virage industriel tant attendu, pâtissant notamment du manque d’implication des fédérations et associations professionnelles. Ainsi, entre 2015 et 2022, 39.609 emplois bruts (soit 5.000 par an) ont été générés au niveau de toute la région, selon les chiffres présentés par le ministère de l’Industrie. 75% de ces emplois relèvent du secteur de l’agroalimentaire, tandis que l’offshoring représente.9%.
À peine 4.542 emplois générés entre 2018 et 2023
Malgré l’approbation de 383 projets industriels avec un montant de l’ordre de 19,57 MMDH dans le cadre de la déclinaison du PAI dans la région Souss-Massa, seuls 4.542 emplois ont été générés entre 2018 et 2023 sur les 38.581 postes prévus. Et compte tenu de la conjoncture dans laquelle cette déclinaison est intervenue, la ZAI Souss-Massa (ancienne Zone franche) n’a pu concrètement attirer que deux entreprises au niveau de sa première tranche. Il s’agit du spécialiste allemand des câbles, Leoni Wiring Systems qui s’apprête à démarrer son activité dans cette zone avec, à la clé, plus de 3.000 emplois, et de Meditech Gloves Morocco (quelque 400 emplois), entreprise spécialisée dans la production de gants en nitrile et latex à usage médical et industriel, ainsi que dans la recherche et développement dans le domaine des gants jetables et des dispositifs médicaux.
Par ailleurs, au titre de l’année 2023, la Commission régionale unifiée de l’investissement (CRUI) a validé à fin octobre un portefeuille de 169 projets industriels d’un montant de 5,6 MMDH qui devraient créer 13.625 emplois.
Le décret de la zone franche reporté
Les participants à la rencontre de lundi avec le ministre de l’Industrie ont également abordé le report, lors du Conseil de gouvernement du 15 novembre 2023, du décret n°2.23.725 portant modification et abrogation du décret 2.18.738, publié le 30 novembre 2018, au sujet de la création de la zone franche Souss-Massa. Ce texte, dont l’examen a été différé pour des raisons liées à l’approfondissement de ces termes, avait été présenté, lors de ce conseil, par Mohammed Abdeljalil, ministre du Transport et de la Logistique, à la place de Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce.
Pour les acteurs régionaux, ce report retardera la mise en place du port sec sous douane d’Agadir au niveau de cette ZAI de Souss-Massa, prévu sur une assiette foncière de 100 ha sur les 305 ha programmés pour cette zone. Fruit d’un partenariat entre l’Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA), la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) et le Conseil régional Souss-Massa, une société conjointe, baptisée «Agadir Atlantic Hub», assurera les modalités de gestion du port sec d’Agadir. Son capital sera détenu à 60% par Tanger Med. Les 40% restants seront détenus à parts égales par la région Souss-Massa et la CDG.
Comptabilisation des emplois industriels : Mezzour relance le débat 
Au cours de son intervention, le ministre de l’Industrie a souligné que, depuis novembre 2023, près de 106% des emplois ont été récupérés en comparaison avec la période de covid-19, soit 100.198 postes nets entre novembre 2021 et novembre 2023.
Ryad Mezzour, à l’instar de son prédécesseur Moulay Hafid Elalamy, a soulevé, une nouvelle fois, la question de la comptabilisation des emplois industriels entre le HCP et son département.
«Le ministère de l’Industrie et du Commerce a mis en place son propre système de comptabilisation pour accompagner le secteur industriel, en collaboration avec la CNSS, en se basant sur le critère d’affiliation à la caisse et la récupération de ses bases de données», explique-t-il.
Pour défendre ses résultats, Mezzour a fait savoir que «86,4% des exportations marocaines vers les marches extérieurs sont constitués de produits transformés, soit une valeur égale à 370 MMDH à fin 2022 contre 150 MMDH, il y a neuf ans, selon l’Office des changes». Ces chiffres ont été atteints grâce aux performances remarquables de l’industrie automobile (plus de 110 MMDH d’exportations), en plus du textile, l’agroalimentaire et l’aéronautique.

 

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO



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