Régime de change : Veut-on un dirham fort ?

38% des 540 internautes qui ont répondu au sondage en ligne de Flm ont affirmé être favorables à un dirham fort. A contrario, 62% des sondés onlines ont exprimé un sentiment opposé à un dirham fort. En effet, le débat suscité par le passage du dirham en mode de change flexible, cache implicitement la crainte d’une monnaie nationale faible. De plus, le contrat tacite qui prévalait entre les citoyens et l’État, était celui d’accepter des restrictions en termes de contrôle de change, en contrepartie d’un dirham fort. Ainsi, pour un épargnant, le placement en dirham était sécurisé vu le faible risque de change. Aussi, pour un consommateur, les produits de grande consommation étaient proposés à des prix abordables grâce au dirham fort.
En particulier, au niveau théorique, une monnaie forte est celle qui garde sa valeur vis-à-vis des autres devises, ou s’apprécie régulièrement, ce qui offre une stabilité pour les épargnants et les consommateurs. Naturellement, les exportateurs sont pénalisés vu le renchérissement de leurs prix libellés en monnaies étrangères. Aussi, le prix à payer est celui d’une politique financière orthodoxe en plus de réserves de change confortables.
D’un autre côté, une monnaie faible se déprécie régulièrement par rapport aux autres devises avec une volatilité qui est souvent plus forte. Une telle situation plaît aux exportateurs qui affichent des prix faibles en devises tout en profitant du phénomène de l’illusion monétaire au niveau des charges. De surcroît, l’épargne est découragée vu l’érosion de sa valeur en termes réels. Idem, la fuite illégale de capitaux est souvent forte en plus du développement d’un marché parallèle de change comme ce fut le cas dans les anciens pays communistes où plusieurs prix étaient libellés en dollar lors de la phase de transition économique. Actuellement, le dirham est plutôt une monnaie forte en comparaison avec des pays voisins. Ainsi, en 2016-2017, le dollar a perdu 5,8% contre le dirham.
En parallèle, le dollar a pris 3,5% par rapport au dinar algérien, 19% par rapport au dinar tunisien ainsi que 125% par rapport à la livre égyptienne. In fine, en Afrique du Nord, le dirham est plutôt une monnaie forte grâce au régime actuel de change qui empêche la spéculation en sus de la couverture de près de 70% du déficit commercial par les flux nets des transferts MRE, des recettes touristiques et des IDE. Notons enfin que comme plusieurs biens d’équipement ou de consommation ne sont pas produits au Maroc, la question d’une monnaie forte ou faible n’est pas neutre pour les agents économiques. En particulier, le pouvoir d’achat peut être touché avec le renchérissement de certains biens importés, ce qui a un impact négatif direct sur l’épargne.
Farid Mezouar
DG de FL Market
Les Inspirations ÉCO : Quelle est votre position sur le dirham fort ?
Farid Mezouar : En l’absence d’études approfondies chiffrées, il est difficile de se prononcer avec certitude car si des opérateurs dans le tourisme ou dans le textile sont gagnants avec un dirham faible, d’autres secteurs importateurs d’énergie ou de matières premières sont pénalisés par un dirham faible. Toutefois, dans l’absolu, comme le Maroc exporte des produits à faible élasticité prix, je pencherai pour un dirham fort car ce dernier protégerait les épargnants et préserverait le pouvoir d’achat des consommateurs.
Doit-on donc abandonner le taux de change flexible ?
Non car le taux de change est un moyen et non une fin en soi. En particulier si le marché de changes fonctionne normalement, il va refléter la valeur réelle du dirham sur les moyen et long-termes. Par ailleurs, pour avoir un dirham fort, tout dépendra de la politique des pouvoirs publics en matière de réserves de change, de taux d’intérêt et de signaux envoyés aux marchés.