Maroc

Masse salariale. La Fonction publique trop généreuse ?

Les dépenses du personnel de l’État absorbent chaque année plus de 10% de la richesse du pays, et en moyenne, 53% des recettes ordinaires du Trésor. Ce qui laisse très peu de marge pour l’investissement dont le plus gros de l’effort est assuré par les entreprises publiques. Le chèque signé à chaque round du dialogue social au printemps, et l’augmentation par ancienneté ancrée dans les statuts de la Fonction publique alimentent cette «générosité» de l’État-employeur. Bank Al-Maghrib estime qu’elle n’est pas tenable.

Avec ou sans sécheresse, le Maroc consacre chaque année 10,4% de la richesse qu’il produit par an (PIB) à la rémunération de ses fonctionnaires. Les salaires, auxquels il faut ajouter les cotisations à l’assurance-maladie et aux régimes de retraite, absorbent 60,7% des dépenses de fonctionnement.

Pour se rapprocher un peu plus de la sincérité des comptes, ce n’est qu’en 2019 que la rubrique «Dépenses de personnel» a intégré les charges sociales au titre de la part patronale logées auparavant dans «Autres biens et services».

Cette régularisation comptable a été adoptée sous la pression «amicale» de bailleurs de fonds. Elle est intervenue trois ans plus tôt avec la fin d’une vieille mauvaise habitude de l’État-employeur qui consistait à accumuler les impayés de cotisations sociales, ce qui fragilisait au passage les organismes de prévoyance sociale, notamment la Mutuelle des mutuelles des agents de l’administration publique, l’ex-Cnops. Depuis, le Trésor s’est discipliné, il règle comme n’importe quel employeur, les cotisations d’assurance-maladie et de retraite dans les délais réglementaires.

93,3 milliards de dirhams décaissés à fin juillet

Peu importe le niveau de la croissance, la pression à la hausse sur les salaires de la Fonction publique ne faiblit pas, amortie il est vrai, par une embellie exceptionnelle de recettes fiscales depuis deux ans. Les employés de l’Etat bénéficient mécaniquement d’une revalorisation inhérente au statut de la Fonction publique et à la myriade des sous-statuts catégoriels.

Au dernier décompte, il en existe soixante-dix-sept dans l’Administration. Le changement d’échelle et le jeu d’échelons entraînent ipso facto, une petite augmentation sur le bulletin de paie. Cette progression à l’ancienneté existe également dans le privé mais elle est limitée à quatre rendez-vous : 5 ans, 10 ans, 15 ans et 20 ans d’ancienneté.

Les salaires décaissés par l’Etat-employeur à fin juillet 2024 se sont établis à 93,3 milliards de dirhams, en hausse de 5,2%. Ce qui correspond à 4,6 milliards supplémentaires avec un impact structurel estimé à 4,5%. Le salaire mensuel moyen net dans la Fonction publique est passé de 7.250 à 8.561 dirhams en dix ans (entre 2013 et 2023), soit un peu plus de 1.300 dirhams de plus, ce qui correspond à une augmentation de 18,08% sur la période.

Dialogue social

Les fonctionnaires scrutent particulièrement le rendez-vous de fin avril dit de «dialogue social», entre les organisations syndicales et le gouvernement. Il est rare que les syndicats en sortent bredouille. Chaque année, ils obtiennent une petite hausse du solde du bulletin de paie. Cette propension à signer des chèques à chaque printemps a le don d’irriter la Banque centrale qui, dans son rapport annuel, met en garde contre son impact sur les finances publiques.

Bank Al-Maghrib a d’ailleurs renouvelé ses réserves : «Si les augmentations salariales peuvent être justifiées notamment au regard de la pression inflationniste de 2022 et 2023, elles devraient refléter en contrepartie une amélioration de la productivité», observe l’Institution.

Par ailleurs, ces coups de pouce ne concernent qu’une fraction des travailleurs, en l’occurrence les fonctionnaires et les employés du secteur privé formel. Les travailleurs ruraux ainsi que les salariés et indépendants qui exercent dans le secteur informel, généralement faiblement rémunérés et peu encadrés, ne bénéficient pas nécessairement de ces hausses de rémunération.

La banque centrale en arrive à une conclusion : le dialogue social ne saurait être réduit à une hausse des salaires. «Il serait plus judicieux et équitable qu’il soit basé sur une approche intégrant, outre l’amélioration des conditions de travail, la justice sociale et l’atténuation des inégalités pour qu’il ait une véritable contribution à l’édification de l’Etat social».

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO

 


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