Le texte voulu par l’UE intègre le circuit législatif
Une réforme de la loi 28/07 faisant suite aux études du programme «réussir le statut avancé» a été déposée pour consultation publique. L’ONSSA et ses agents verront leurs prérogatives étendues, avec à la clé des sanctions administratives ad hoc. Une procédure de transaction a néanmoins été introduite afin de ne pas causer des «dégâts économiques lourds aux opérateurs».
Pour pallier aux insuffisances de la loi n°28-07 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires constatées par les experts de l’Union européenne dans le cadre de l’étude d’écart entre le droit marocain et l’acquis communautaire réalisée dans le cadre du programme «réussir le statut avancé» et par les études et audits réalisées sur le fonctionnement de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), un avant-projet de loi vient d’être soumis pour consultation sur le site du Secrétariat Général du gouvernement. Le texte en question prévoit l’exclusion du champ d’application de la loi n°28-07, l’eau de consommation publique, les compléments alimentaires et les aliments pour animaux non producteurs de produits alimentaires, qui sont régies par des réglementations particulières. Aussi, le projet de loi proposé abroge les articles 13, 14, 15 et 27 relatifs à l’enregistrement des exploitations d’élevage, au marquage des animaux et au registre dont doivent disposer les producteurs de produits primaires d’origine végétale sur les lieux de production desdits produits. Au niveau procédural, un changement en profondeur est prévu par la nouvelle mouture. Celui-ci concerne le régime d’autorisation sur le plan sanitaire qui sera remplacé par un simple enregistrement de tous les établissements, «ce qui va alléger la charge de travail des services habilités qui vont se focaliser sur le contrôle rapproché de ces établissements», explique la note de présentation du texte. Il sera également possible d’octroyer des agréments conditionnés pour les nouveaux établissements et ce dans l’objectif de «responsabiliser davantage les opérateurs et leur permettre de se lancer dans la production et la commercialisation si des conditions minima sont respectées». Une coercition supplémentaire à l’actuel texte est prévue puisque si un établissement agréé met sur le marché un aliment non conforme (les types de non-conformité seront précisés par décret) à la réglementation qui lui est applicable, il sera obligé d’engager des actions correctives pour remédier aux non conformités dans un délai justifié.
Alignement sur les normes étrangères
Concernant le contrôle à l’importation, le projet d’amendement tend vers l’alignement sur les normes étrangères, puisque les conditions préalables à l’importation des produits alimentaires et des aliments pour animaux qui y sont intégrées se basent sur l’évaluation sanitaire et phytosanitaire du pays d’importation. Pour cela, une prérogative supplémentaire est donnée à l’ONSSA qui pourra, en cas d’urgence, retirer immédiatement l’agrément sanitaire, sans recours à une période de suspension et ce dans l’objectif de «prévenir tout danger grave et imminent pour la santé humaine ou animale lorsqu’une ou plusieurs des conditions ayant permis la délivrance de l’agrément sur le plan sanitaire ne sont plus remplies». En outre, un élargissement des compétences d’intervention des agents habilités de l’ONSSA pour la recherche et la constatation des infractions est en vue. Ainsi, l’on pourra assister fermeture administrative temporaire des lieux suspects dans l’attente des résultats des analyses de laboratoires et des investigations complémentaires en cas de suspicion de non-conformité des produits alimentaires et ce, pour préserver la santé du consommateur. Néanmoins, une procédure de transaction destinée à faciliter la résolution des difficultés de terrain a été introduite, notamment pour éviter, dans le cas d’infraction ne mettant pas en danger la sécurité sanitaire, «des pertes économiques importantes pour les opérateurs offrant ainsi une alternative à une longue procédure judiciaire et une longue fermeture judiciaire toujours préjudiciable, sachant toutefois qu’en cas de fraude avérée, la voie judiciaire continue d’être suivie et qu’en cas de préjudice civil une telle procédure ne pourrait pas être utilisée».
Une jurisprudence laxiste ?
Peu d’affaires traitées par l’ONSSA atterrissent devant les tribunaux malgré les procédures judiciaires prévues par le texte actuellement en vigueur. Pour cause, une jurisprudence «beaucoup trop favorable aux mis en cause», témoignent certains agent de l’ONSSA. Au niveau du tribunal correctionnel de Casablanca, le responsable d’un établissement de restauration peut échapper une fois sur deux à sa responsabilité pénale en démontrant qu’il n’a commis aucune faute dans la surveillance des personnes placées sous son autorité. Et si l’expertise prouve le contraire, il lui suffit d’invoquer l’existence d’une délégation de pouvoirs, puisque les juges admettent qu’en l’absence de dispositions légales spécifiques, le chef d’entreprise, qui n’a pas pris part personnellement à la réalisation de l’infraction, peut s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il apporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires (arrêt du 30 septembre 2010 de la Cour suprême). Néanmoins, certaines poursuites débouchent sur des condamnations. Pour cela, les juges doivent innover puisqu’en l’absence de sanctions légales, ils qualifient souvent les infractions de «tromperie» ou de «falsifications».