Incendies : un plan Marshall pour les forêts
Bien que souvent spectaculaires, les feux de forêt restent encore faibles au Maroc si on prend en compte les superficies sinistrées dans des pays voisins. Toutefois, la menace reste diffuse et les autorités sont conscientes de la nécessité de redoubler de vigilance.
Le Maroc jouit d’un riche écosystème avec des formations forestières, para-forestières et alfatières qui sont en majorité domaniales et s’étendent sur une surface d’environ 9.631.896 ha, soit un taux de couvert de 13,5% du territoire national.
Cet écosystème joue un rôle fondamental dans la préservation de l’environnement et le développement socio-économique des populations. Un héritage biologique immense mais de plus en plus fragilisé par la rapidité et l’ampleur des changements environnementaux. Rien que pour les premiers mois de l’année, une soixantaine de départs de feu ont été enregistrés dans le Royaume. Les sinistres ont concerné plus de 600 ha. Un chiffre important même si on est encore bien loin des 500 incendies répertoriés l’année dernière et qui ont détruit plus de 22.700 ha. Si ces derniers concernent quasiment tout le pays, deux régions (Tanger-Tétouan-Al Hoceïma et Fès-Meknès) sont particulièrement concernées avec, respectivement, 188 départs de feu touchant 18.704 ha et 99 départs de feu pour 1.775 ha.
En comparaison avec les superficies sinistrées dans des pays similaires et voisins, le Maroc est loin d’être un brasier. À titre d’exemple, ce sont 288.086 ha qui ont été détruits en Espagne et 47.170 ha en Algérie. Toutefois, la menace reste diffuse pour les forêts nationales et les autorités sont conscientes de la nécessité de redoubler de vigilance, à en juger par le nouveau plan de l’Agence nationale des eaux et des forêts (ANEF) destiné à améliorer la prévention et à lutter contre les incendies de forêt.
200 MDH sur la table
Etalée sur la période 2023-2033 et dotée d’une enveloppe budgétaire de 200 millions de DH pour la seule année 2023, la nouvelle feuille de route de l’ANEF se décline en plusieurs actions préventives et opérationnelles. Elle inclut la construction et l’entretien de postes de vigie, la mobilisation de guetteurs d’incendies et aussi l’achat de véhicules de première intervention. À cela s’ajoutent d’autres actions consistant, notamment, en l’entretien de tranchées pare-feu, l’aménagement de points d’eau ainsi que l’ouverture et la réhabilitation de pistes forestières.
L’ANEF entend aller plus loin dans la lutte contre les incendies de forêt avec le recours à l’intelligence artificielle. Un outil très utile dans la prévention et la gestion des incendies en temps réel qui intègre les données de la météo.
Cette combinaison des compétences humaines et de l’IA, pour renforcer les capacités de lutte contre les incendies de forêt, contribue ainsi à une meilleure prévention et à une réduction des dommages causés par ces catastrophes naturelles. Et c’est loin d’être un fantasme car le Maroc dispose déjà d’une base de données très riche, selon les spécialistes. Celle-ci renseigne sur l’historique des forêts, les données météorologiques et socio-économiques ainsi que sur l’état du patrimoine forestier et des espèces végétales.
De la data de bonne qualité qui permet de prédire avec une précision de 75% la probabilité des feux de forêt. Ainsi, expliquent les experts, en intégrant des modèles prédictifs et des simulations, les responsables peuvent bénéficier d’informations précises qui leur permettent de prendre rapidement des décisions stratégiques. Toutefois, tout cela implique une coordination des équipes sur le terrain ainsi que la mobilisation des ressources et l’évacuation des populations.
Le Maroc a déjà fait ses premiers pas dans ce domaine par le biais du Data Center de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) de Benguérir.
Inauguré en février 2021, cette infrastructure aux normes internationales abrite un «SuperCalculateur», l’African Supercomputing Center, présenté comme le plus puissant d’Afrique. Enfin, en plus des feux de forêt, le surpâturage, le prélèvement délictueux du bois et les attaques parasitaires sont autant de facteurs qui, combinés aux aléas climatiques, provoquent une dégradation accélérée de pans entiers de ces forêts.
Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO