Maroc

Événementiel et traiteurs : un contrat-programme, et après ?

En marge de la 10e réunion du Comité de veille économique (CVE), un contrat-programme relatif à la relance du secteur de l’événementiel et des traiteurs a été signé. Zoom sur les détails du plan d’accompagnement de l’État pour ces deux activités durement malmenées par la crise sanitaire et réactions à froid des opérateurs…

Crise sanitaire oblige, les professionnels de l’événementiel et les traiteurs ont vu leurs activités touchées de plein fouet. En guise de bouée de sauvetage, et après plusieurs warnings lancés, les deux secteurs ont eu droit à la mise en place d’un contrat-programme devant faciliter la reprise d’activité, et permettre la sauvegarde des entreprises et, par là, des emplois. Du contenu dudit contrat-programme, signé le lundi 5 octobre en marge de la 10e réunion du Comité de veille économique (CVE), seules quelques mesures ont été annoncées. Ce plan de sauvetage, dont nous détenons copie, prévoit néanmoins de nombreuses actions et trace même la voie de la structuration de ces deux secteurs. Rappelons-le, les acteurs concernés par le contrat-programme sont les traiteurs, les loueurs d’équipements techniques liés à l’événementiel (son, lumière, vidéo, etc.), les loueurs d’espaces dédiés à l’événementiel (salles, chapiteaux, etc.), les loueurs de mobilier dédié à l’événementiel et les prestataires de services pour l’événementiel. Le contrat a été signé par les ministères de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration, et de l’Industrie, du commerce, de l’économie verte et numérique, sans oublier le département du Travail et de l’insertion professionnelle. Se sont aussi engagés la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) et la Fédération des Chambres marocaines de commerce, d’industrie et de services (FCMCIS).

Engagement de l’État
Afin d’assurer un revenu minimum aux employés du secteur de l’événementiel et des traiteurs pendant les phases d’arrêt et de redémarrage, les différentes parties prenantes de ce contrat-programme ont convenu de plusieurs mesures, relevant de l’engagement de l’État, d’un côté, et du secteur privé de l’autre. Ainsi, l’État s’engage, à travers la distribution d’une indemnité forfaitaire mensuelle nette de 2.000 DH aux salariés et stagiaires sous contrat d’insertion, en arrêt provisoire de travail suite à la pandémie. Cette mesure couvre la période allant du 1er septembre au 31 décembre 2020. Cette indemnité bénéficiera aux employés déclarés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) en février 2020 et relevant des employeurs en difficulté, affiliés à la CNSS. Sont ainsi éligibles à cette mesure, les employeurs pouvant justifier d‘une baisse du chiffre d’affaires d’au moins 50% au titre de chaque mois de la période allant de septembre à décembre 2020, par rapport à la même période en 2019. Ce critère est conditionné par le fait que le nombre de salariés et stagiaires sous contrat d’insertion, déclarés auprès de la CNSS (en février 2020), ne dépasse pas 500 personnes par opérateur. Il est, par ailleurs expliqué dans le corpus du contrat-programme que «si le nombre d’employés est supérieur à 500 personnes, ou le chiffre d’affaires a baissé d’un taux compris entre 25% et 50%, la décision d’octroi de l’indemnité est soumise à l’avis d’une commission présidée par le ministère chargé des Finances et composée des représentants des ministères chargés du Commerce, du Travail et de la CNSS».

Toutefois, en cas de fausse déclaration de la part des entreprises éligibles, le contrat explique que «l’entreprise doit restituer à la CNSS toute indemnité ou montant versé dans un délai de 30 jours, à compter de la réception d’un avis sur le sujet, sous peine d’appliquer les sanctions prévues par la législation en vigueur. La CNSS restituera ensuite les sommes qui lui sont versées au budget de l’État». En plus de l’indemnité mensuelle, les employés du secteur bénéficieront également de la couverture maladie au titre de l’AMO et continueront de percevoir leurs allocations familiales. Par ailleurs, l’État permet aux entreprises des deux secteurs concernés par ledit contrat-programme de reporter le paiement des cotisations sociales dues à la CNSS, pour la période allant du 1er septembre au 31 décembre 2020, avec une remise gracieuse des majorations de retard au titre de cette période. Ceci, à condition de régler l’essentiel de la créance dans un délai pouvant aller jusqu’à 18 mois, à compter du 1er Janvier 2021. De plus, l’État prévoit de prolonger l’exonération d’IR sur les compléments de rémunération au profit des salariés déclarés à la CNSS jusqu’au 31 décembre 2020, tel qu’indiqué dans l’alinéa « c » du titre 4 de la note circulaire numéro 878/20/DGI du 21 avril 2020. Parmi les engagements, figure également la promesse de déployer de meilleurs efforts pour assurer l’intégration de tous les métiers concernés dans le régime de couverture sociale. L’État compte également prolonger le délai de remboursement du découvert exceptionnel obtenu dans le cadre du produit «Damane Oxygène», jusqu’au 31 décembre 2021. Enfin, la mise en place d’un moratoire pour le remboursement des échéances des crédits bancaires et crédits leasing jusqu’au 31 décembre prochain est prévue par le contrat-programme, sans paiement de frais ni de pénalités pour les entreprises des deux secteurs et leurs employés.

Quid des professionnels ?
En contrepartie des différentes mesures accordées par l’État, les opérateurs du secteur privé auront à honorer une série d’engagements dans le cadre de ce contrat-programme. En effet, les entreprises devront s’engager à maintenir un niveau supérieur ou égal à 80% des emplois par rapport à la déclaration CNSS du mois de février 2020. Dans ce cadre, la CGEM, qui représente les opérateurs du privé des deux secteurs, s’est engagée à les accompagner pour adhérer au régime de couverture sociale de la CNSS et se doter d’un identifiant fiscal personnel avant la fin de l’année 2021. La Confédération patronale devrait également proposer un plan d’intégration progressif par métier, à partir de 2021, et vérifier l’éligibilité des activités et métiers des bénéficiaires du secteur. Le GPBM s’est, de son côté, engagé à faire bénéficier les acteurs des deux secteurs des différents mécanismes de financement et mesures proposés par l’État. 

Mehdi Bennis
Association marocaine des agences conseils en événementiel (AMAE)

«La reprise de notre secteur ne peut se faire sans la reprise progressive des événements. Il faut savoir qu’un protocole sanitaire existe , il a été publié par le ministère de la Culture en juillet dernier. Nous avons ainsi travaillé en étroite collaboration avec la Fédération des industries culturelles et créatives pour son élaboration. Aujourd’hui, le regroupement de 20 personnes est le seul autorisé, cela ne permettra pas la reprise effective du secteur de l’événementiel. Les entreprises composant le tissu économique national ont, elles mêmes, besoin de reprendre leurs manifestations et leurs outils de communication, elles ont besoin de se rapprocher de leurs collaborateurs et clients. Elles sont prêtes à prendre la responsabilité des événements. Aujourd’hui, nous félicitons le gouvernement qui met en place plusieurs actions pour relancer l’économie. Par contre il y a beaucoup d’incohérences entre ses différentes actions. Si les restaurants et hôtels – pour lesquels nous nous réjouissons – peuvent reprendre leurs activités, à quand une autorisation provisoire pour les acteurs de l’événementiel? Nous sommes parfaitement capables de gérer des événements «contrôlables» dans le respect total des mesures sanitaires, notamment les séminaires, les salons, les conventions, les conférences de presse… des événements dans lesquels nous pouvons rassembler jusqu’à 500 personnes tout en respectant le protocole sanitaire en vigueur.»

Hassan Douch
Secrétaire général de la Fédération marocaine des traiteurs

«Il faut savoir que seul 20% du secteur est représenté par des entreprises structurées ; les 80% restants œuvrent dans l’informel, il leur sera donc difficile de profiter des mesures dictées dans le contrat programme. Nous avons été reçus avant-hier par le chef du gouvernement pour discuter de la reprise de notre activité. Ce dernier nous a assuré que le gouvernement multiplierait les initiatives pour réussir à trouver les solutions adéquates pour notre secteur, dans le respect des mesures sanitaires. Il faut dire qu’il est difficile pour le ministère de tutelle, en concertation avec le ministère de la Santé, de prendre la décision d’autoriser la reprise de notre activité. La situation sanitaire ne le permet pas, vu le nombre croissant de contaminations quotidiennes. Aussi, nous sommes aujourd’hui dans le flou et dépendons complètement de l’état d’avancement de la situation sanitaire du pays. Aujourd’hui, nous frappons à toutes les portes pour trouver des solutions pour notre secteur. Nous avons d’ailleurs demandé audience au ministre de la Santé.»

Adil Karim
Secrétaire général de la Fédération des organisateurs de salons et événements (FORSE) et CEO d’AS Exhibitions

«Le contrat-programme, signé récemment par les ministères, la CGEM et les banques, ne résout pas tous les problèmes dont souffre le secteur, mais vient à point nommé pour aider toute la chaîne de valeur de l’événementiel. Les mesures qu’il comporte apportent momentanément une bouffée d’oxygène à une bonne partie des entreprises, en attendant la reprise de nos activités complètement à l’arrêt. Nul besoin de dire que le secteur de l’événementiel en général est profondément sinistré, la situation alarmante parlant d’elle-même. La liste des salons et événements professionnels annulés ou qui s’annulent s’allonge de jour en jour, entraînant dans son sillage toute la chaîne de valeur de la profession (organisateurs en nom propre, organisateurs délégués, prestataires de services, agences de voyages, hôteliers et restaurateurs, transport aérien et terrestre, etc.) qui, naturellement, vient se greffer directement ou indirectement aux événements. De plus, nos événements dépendant naturellement de la santé des secteurs stratégiques de l’économie nationale, il est nécessaire d’engager une chaîne de solidarité et de responsabilité dès aujourd’hui, afin de faire face aux impacts qui touchent l’ensemble des activités de la profession. Il est indéniable que notre principale inquiétude, avant la survie de nos établissements, est de sauvegarder nos événements professionnels. Les salons et événements organisés par les entreprises membres de FORSE constituent un véritable patrimoine économique pour notre pays, offrant depuis plus de trois décennies des vitrines sectorielles, avec un rayonnement à l’échelle nationale, continentale et internationale. Notre principale doléance et urgence du moment, sur laquelle tous les professionnels s’accordent, est au moins d’obtenir une date de reprise pour nous permettre de programmer nos événements et les inscrire sur le calendrier national, continental et mondial des salons et événements. Il est à noter que nos événements nécessitent au minimum 12 mois de préparation, si ce n’est plus. D’autant plus que nos partenaires nationaux et internationaux nous demandent des dates pour pouvoir budgétiser et inscrire sur leur calendrier nos événements».

Mesures transverses

Des mesures transverses aux mesures principales ont été activées dans le cadre du contrat-programme. Elles concernent, en effet, la réouverture et la reprise des métiers opérant dans les deux secteurs, moyennant la mise en place et le respect du protocole sanitaire. Il s’agit d’implanter un dispositif de gouvernance de crise et d’outils de pilotage adaptés, en partenariat avec les professionnels des deux secteurs ainsi que les différents partenaires institutionnels. Le secteur privé s’engage, de son côté, à respecter les mesures sanitaires dans le cadre de la reprise des activités, de s’impliquer dans les instances de gouvernance et de pilotage, de poursuivre les efforts de structuration des différents métiers et d’accélérer la digitalisation des process sur toute la chaîne de valeur les concernant.

Sanae Raqui / Les Inspirations Éco


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