Hamid Bentahar : “Les Marocains sont les premiers clients du tourisme national”
La saison touristique 2024 continue de battre des records en termes d’arrivées. De quoi susciter le satisfécit des professionnels du secteur, à l’instar de Hamid Bentahar, président de la Confédération nationale du tourisme (CNT). Dans cette interview, il fait le point sur l’évolution générale du tourisme national et revient sur les défis liés à la qualité de l’offre ainsi qu’à la cherté des destinations balnéaires marocaines qui poussent de plus en plus de Marocains à préférer partir à l’étranger.
Le secteur touristique bat des records d’arrivées. Quel commentaire en faites-vous ?
Les 10 millions de touristes réalisés à fin juillet, c’est historique. Nous n’avons jamais fait quelque chose de pareil. C’est une hausse de 15% par rapport à l’année dernière. Malgré un contexte international qui n’est pas des plus favorables, le tourisme marocain, lui, progresse.
De nouvelles liaisons aériennes sont lancées et nous commençons à voir une vraie stratégie aérienne se mettre en place. C’est une très longue attente pour les professionnels du tourisme. Nous saluons les efforts de la Royal Air Maroc, d’Air Arabia, ainsi que de toutes les autres compagnies qui contribuent à faciliter la connexion avec les principaux marchés émetteurs et les marchés en croissance. Et je peux vous assurer que les perspectives sont aussi prometteuses. Et cela se confirme à travers les différentes prévisions que nous voyons se dessiner au cours des prochains mois. Si on continue sur cet élan de diversification des lignes aériennes, je pense que le résultat sera satisfaisant. Il faudra en faire de même pour les destinations.
Cela veut dire donc que la feuille de route du secteur touristique est sur de bons rails ?
La feuille de route est là. Elle se met en place, elle avance. Il faut accélérer sa mise en route et son déploiement. Les résultats réalisés à ce jour montrent qu’elle est sur la bonne voie. Actuellement, il y a des projets structurants qu’il faut mettre en place, notamment ceux relatifs aux palais des congrès de Marrakech et de Casablanca, par exemple.
Dans chacune des régions, il y a un travail important à faire localement. Cela permettra de s’assurer que les feuilles de route régionales soient effectivement déclenchées et que les projets structurants puissent se concrétiser. C’est important pour atteindre les objectifs, notamment, de doubler le rythme de croissance. Et pour cela, il faut continuer de connecter le Maroc sur les marchés traditionnels, tout en ouvrant de nouvelles perspectives prometteuses et se diversifier. Un travail a aussi commencé sur la partie formation avec l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT). En un mot, il faut garder le cap.
Malgré cette embellie au niveau des arrivées, on sent que la destination Maroc est devenue trop chère pour les Marocains, qui préfèrent désormais des destinations voisines comme l’Espagne… Qu’en dites-vous ?
Tout d’abord, je tiens à affirmer que les Marocains aiment le Maroc et voyagent au Maroc. Si vous allez dans les hôtels balnéaires actuellement, vous ne trouverez pas de place, car c’est plein, et c’est d’abord les Marocains qui constituent la première clientèle. Les Marocains sont les premiers clients du tourisme marocain. La croissance de leur fréquentation dans le tourisme national est supérieure au tourisme international depuis 20 ans maintenant.
Contrairement à ce que l’on peut lire ici et là, les Marocains plébiscitent, adoptent et consomment de plus en plus le produit national, à tel point que sur le mois d’août, il est devenu difficile de trouver une offre disponible. Je pense même qu’il faut augmenter cette capacité d’accueil du secteur hôtelier dans les destinations balnéaires.
Le défi, c’est qu’il y a peu d’investisseurs qui vont décider d’investir sur une destination juste pour deux mois dans l’année. C’est donc ce défi de la saisonnalité qu’il faut gérer afin de mieux répondre aux besoins et à la demande des Marocains en termes de volume. La demande est supérieure à l’offre en été.
Vous remarquez quand même cette tendance pour les Marocains d’opter de plus en plus pour l’étranger en raison de la compétitivité ?
Que les Marocains voyagent au Maroc, c’est un fait. Qu’ils voyagent aussi à l’étranger, c’est aussi un fait. C’est normal parce qu’il y a une classe moyenne qui se développe. Ils ont envie de voir autre chose et franchement, j’estime que c’est bien que les gens voyagent. Tout simplement, parce qu’on ne peut pas vouloir que le gens viennent vers nous sans pour autant aller voir ce qui se passe ailleurs. Cela dit, je confirme que nous avons ici des défis à relever, notamment sur la partie animation. Très souvent, c’est l’un des points faibles, et dans le cadre de la feuille de route, nous prévoyons de relever ce défi.
L’autre défi est relatif à l’adaptation des produits aux familles marocaines, notamment en termes d’offres d’appartements de qualité à des prix compétitifs pour la clientèle nationale par exemple. Il s’agit de produits moyenne gamme adaptés au pouvoir d’achat de la classe moyenne. Cela nécessite un vrai travail afin d’avoir des offres adaptées. Il y a des sujets et des propositions qui sont là et il faudrait trouver la bonne formule, surtout que ces destinations réputées chères le sont surtout en été. C’est donc de la saisonnalité et pour les investisseurs, c’est un choix qui exige réflexion.
On reproche aussi aux établissements marocains de ne pas avoir une offre de qualité. N’est-ce pas là un vrai sujet ?
La qualité est effectivement un sujet très important. Il faut que les professionnels continuent d’améliorer ce volet pour offrir aux clients des produits satisfaisants. Cela dit, si vous regardez sur les différentes plateformes en ligne des voyageurs, vous trouverez que les établissements marocains proposent parmi ce qu’il y a de meilleur au monde. Et j’insiste là-dessus. Il y a beaucoup de professionnels marocains qui font des choses exceptionnelles et qu’il faut encourager. Nous allons poursuivre le travail en termes de formation et surtout pour ce qui est de la remise à niveau du parc hôtelier. Et à ce propos, nous saluons la contribution du gouvernement qui nous accompagne de façon exceptionnelle.
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO