Maroc

Décarbonation : le Maroc face au défi de la nouvelle taxe carbone

À l’aube de l’instauration de la taxe carbone – un des outils phares de l’Union Européenne pour lutter contre le réchauffement climatique – il devient impératif d’accélérer la transition énergétique au Maroc. Mais comment  la décarbonation profite-t-elle à l’économie ? Qu’en est-il du cadre juridique? En termes d’innovation, quelles solutions de décarbonation pourraient adopter les entreprises ? Tour d’horizon avec Amine Bennouna, expert en énergies renouvelables et Fatima Zahra El Khalifa, DG du Cluster ENR/ Centre d’innovation climatique marocain.

«La montée en gamme, que l’industrie devra opérer, implique nécessairement sa transition accélérée vers une production sobre en carbone par l’accès à l’électricité produite à partir de sources renouvelables à des prix compétitifs et l’amélioration de son efficacité énergétique. L’industrie marocaine est également appelée à contribuer à la préservation des ressources hydriques par la rationalisation de l’utilisation de l’eau et la réutilisation des eaux usées ainsi que par le recours aux technologies et aux solutions nouvelles». Tel est, en substance, le message du Roi Mohammed VI adressé aux participants de la Journée nationale de l’industrie qui s’est récemment tenue à Casablanca. La décarbonation des industries marocaines constitue un enjeu de taille, sachant que la taxe carbone appliquée aux frontières de l’UE devrait entrer en vigueur au mois d’octobre 2023. Pour être en phase avec la nouvelle norme européenne, les industriels vont devoir justifier leur bilan carbone.

Comment peut-on accélérer la transition énergétique ?
Pour Amine Bennouna, expert en énergies renouvelables, l’accélération de la transition se traduit d’abord par une décarbonation de l’électricité. «Or, le Maroc est engagé jusqu’en 2045 par des contrats «take-or-pay» de près de 24.000 GWh d’électricité au charbon auprès de deux producteurs privés», rappelle-t-il. Selon lui, cette énergie représente 60% de l’électricité nette produite en 2022, et sera sans doute autour des 50% en 2030, «à moins que l’on n’assiste, d’ici là, à une percée spectaculaire des véhicules électriques dans le pays», indique-t-il. Seulement voilà, un véhicule électrique dont les batteries seraient rechargées par le réseau électrique national actuel pollue plus qu’un véhicule diesel récent de taille équivalente. En conséquence, d’après Bennouna, «il faudra non seulement faire appel à des centrales électriques solaires ou éoliennes, mais également à l’efficacité énergétique», d’ici 2045.

Selon l’expert, «si l’énergie solaire décentralisée figure dans l’efficacité énergétique, c’est parce que l’énergie autoconsommée qu’elle suppose ne passe plus par les circuits économiques de l’énergie et contribue à augmenter l’efficacité énergétique économique du pays». Il cite, à titre d’exemple, le cas de la production des chauffe-eaux solaires ou des installations photovoltaïques en autoconsommation.

En somme, et compte tenu des circonstances particulières du Maroc d’aujourd’hui, «accélérer la transition énergétique se traduit donc nécessairement par l’incitation à la production décentralisée d’électricité (photovoltaïque connecté au réseau et solaire thermique), chose que la loi 82/21 relative à l’autoproduction d’électricité ne prévoit pas», relève notre interlocuteur.

Selon lui, même si le refroidissement et le chauffage des bâtiments ne représentent pas une grande part de la consommation énergétique nationale, on devrait tout de même se pencher sur l’application du décret 2-13-874 relatif à la réglementation thermique du Bâtiment. «Si certains bâtiments en cours de construction sont supposés être conformes aux plans, il est évident que de très nombreux certificats de conformité énergétique sont faux !», déplore-t-il.

Comment la décarbonation profite-t-elle à l’économie ?
Si le Maroc dispose, certes, de nombreux atouts pour s’engager sur la voie de la décarbonation de son énergie, celle-ci est, en soi, loin d’être un atout. C’est du moins l’avis de Bennouna. Il estime qu’elle représente, sur le court terme, une contrainte imposée à l’économie nationale et une menace sur la compétitivité des prix que subiront les entreprises exportatrices vers l’Union Européenne, en raison du CBAM (Carbon borders adjustment mechanism). Cela dit, sur le long terme, la décarbonation incite à l’utilisation de ressources renouvelables locales, ce qui devrait se traduire, en conséquence, par une amélioration de l’indépendance énergétique. Sur le plan du cadre juridique, des avancées ont bel et bien été enregistrées, notamment avec les nouvelles lois dont les décrets d’application sont en attente. «Ces lois ont pour objectif d’accompagner l’évolution de ce marché à fort potentiel», confie aux Inspirations ÉCO, Fatima Zahra El Khalifa, DG du Cluster ENR.

Néanmoins, quelques modifications sont nécessaires. En ce sens, Bennouna pense qu’il faudrait, en premier lieu, réviser la loi 82/21 relative à l’autoproduction d’électricité. L’expert juge nécessaire de modifier son caractère dissuasif et d’adopter les textes réglementaires d’accompagnement.

Les solutions de décarbonation adoptées au cas par cas
D’un point de vue énergétique, les entreprises peuvent appréhender la décarbonation de diverses manières, avec des solutions à adopter au cas par cas. Toutefois, «toute action de décarbonation commence par le calcul du bilan carbone de l’entreprise. C’est à dire qu’au-delà du diagnostic énergétique, il faut procéder à une évaluation complète de tous les intrants de l’entreprise et retenir des solutions de remplacement ou de réduction de ceux qui produisent le plus d’émission de gaz à effet de serre», explique Bennouna.

Pour l’application de ces solutions, il existe deux cas de figure, selon notre interlocuteur.

«Ces solutions existent, et dans certains cas, il suffit de les reprendre ou de les adapter. Mais parfois, les entreprises sont obligées de faire appel à des experts du métier pour faire face à un problème spécifique». Même son de cloche pour El Khalifa, qui assure qu’il existe de nombreuses innovations et technologies à disposition des industriels, pour pouvoir répondre au mieux à leurs besoins en fonction de leur secteur d’activité et du niveau de leur production.

Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO


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