Représentativité politique : Les politiciennes n’y croient plus vraiment
La multiplication par cinq de la dotation financière pour chaque siège obtenu par une femme dans une circonscription locale ne permettra pas de booster la représentativité féminine. C’est en tout cas la conviction affichée par les femmes des partis politiques.
Pour encourager les formations partisanes à promouvoir la représentativité féminine, le gouvernement vient d’adopter un décret stipulant que pour chaque siège à pourvoir, ouvert aux candidats hommes et femmes sur le même pied d’égalité, si une femme est élue, le montant de la dotation accordé par l’État aux partis politiques sera multiplié par cinq. Cette disposition n’est pas nouvelle. Elle a été déjà mise en œuvre lors des élections locales sans pour autant donner les résultats escomptés. Permettra-t-elle, cette fois-ci, d’inciter les partis politiques à coopter des femmes sur le plan local ? Rien n’est moins sûr. La députée du Mouvement populaire (MP) Fatna Lkhiel pense qu’aucun changement ne pointe à l’horizon. «Je ne suis pas pessimiste, mais réaliste.
Les partis politiques accréditent les hommes qui ont la possibilité de gagner des sièges», pour reprendre son expression. Même son de cloche auprès de Milouda Hazeb, présidente du groupe parlementaire du Parti Authenticité et modernité (PAM) à la chambre des représentants. Elle estime qu’au-delà de la compétence, les partis politiques accréditent les candidats qui peuvent remporter des sièges précisant qu’il est on ne peut plus nécessaire de faire valoir le critère de la méritocratie pour aussi bien les femmes que les hommes. L’expérience a démontré que les partis politiques misaient sur les cartes gagnantes comme les députés hommes qui sont soutenus sur le plan local et qui ont déjà un ancrage auprès de la population.
Peu de femmes arrivent à percer au niveau des circonscriptions locales en raison, entre autres, de la faiblesse constatée au niveau de leurs accréditations par les partis politiques. En 2011, seules sept femmes ont été élues localement sur un total de 335 députés des listes locales soit à peine un taux de 2, 08 %. Les parlementaires de la liste nationale qui ont acquis une expérience au cours du mandat actuel vont-elle être accréditées en masse ? Fatna Lkhiel émet un doute bien qu’elle soit elle-même candidate dans une circonscription locale rurale. Sa candidature est expliquée par son expérience qui lui a permis d’accéder au parlement via une circonscription locale en 2002 et 2007. «Mais, la plupart des autres femmes n’ont aucune chance face aux hommes d’autant plus qu’il est connu que les femmes n’ont pas les moyens financiers comme les hommes», dit-elle.
Rappelons qu’en dépit des doléances du mouvement féminin et de la commission de la parité à la chambre des représentants, les lois organiques sur les partis politiques et la chambre des représentants n’ont pas été amendées. Les députées défendaient l’objectif d’atteindre le tiers des femmes au sein de la chambre basse en proposant quelques pistes comme l’augmentation du nombre des femmes de la liste nationale ou encore la mise en place de mécanismes complémentaires au niveau régional ou préfectoral à travers des listes au niveau de chaque région ou préfecture. Elles ont plaidé aussi pour l’élection d’au moins une femme dans chaque circonscription électorale pour arriver à un minimum de 132 femmes soit le tiers des parlementaires de la chambre basse. Mais, c’était peine perdue.
Nouzha Skalli
Députée du PPS et militante associative
J’estime que cette mesure aurait dû être complémentaire avec d’autres dispositions pour obliger les partis politiques à améliorer la représentation des femmes. Mais, prise isolément, cette mesure n’aura aucun impact réel sur la représentation des femmes. En effet, les partis politiques estiment que les femmes même si elles sont cooptées ne seront pas élues. Les barrières sont infranchissables pour les femmes. Chaque circonscription est «titrée» au nom d’un candidat homme qui a des soutiens sur le plan local. En l’absence de mesures législatives pour améliorer la représentativité politique des femmes, le progrès ne sera pas au rendez-vous. Malheureusement, le gouvernement n’a pris aucune mesure pour atteindre les objectifs escomptés.Ce n’est pas en multipliant par cinq le montant de la dotation que les choses vont changer. Il est connu que les candidats aux élections législatives sont prêts eux-mêmes à débourser des sommes astronomiques. Ainsi, ce ne sont pas les quelques dizaines de milliers de DH qui vont les encourager à renoncer à leurs circonscriptions au profit des femmes. La majorité des femmes députées de la liste nationale n’auront pas d’accréditation là où elles veulent. Le Maroc va rater son rendez-vous avec l’histoire. Le Royaume a reculé en matière de représentation politique des femmes en comparaison avec les pays de la région. Aucun progrès ne sera enregistré lors des prochaines élections en matière de représentation politique des femmes.