Financement à l’international : Eurobond ou LCM, que choisir ?
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Face à des besoins croissants en financement, le Maroc explore deux voies stratégiques pour renforcer ses réserves de change et financer ses projets majeurs, notamment en vue de la Coupe du monde 2030. D’un côté, la reconduction de la Ligne de crédit modulable du FMI, un outil de stabilisation financière qui rassure les investisseurs. De l’autre, une émission obligataire en euros (Eurobond), qui permettrait au Royaume de mobiliser directement des fonds sur les marchés internationaux. Laquelle choisir ?
Le Maroc se trouve à un tournant financier majeur. Alors que le pays cherche à consolider ses réserves de change et à financer ses projets stratégiques, notamment en vue de la Coupe du monde 2030, deux options se présentent : le renouvellement de la Ligne de crédit modulable (LCM) du Fonds monétaire international (FMI) ou une sortie sur les marchés internationaux via une émission obligataire en euros. Ces deux alternatives, bien que complémentaires, comportent des implications et des enjeux distincts.
Un filet de sécurité avec le FMI
La ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, a récemment confirmé que le Maroc est en discussion avec le FMI pour prolonger la LCM de 5 milliards de dollars obtenue en 2023. Destinée aux pays aux fondamentaux macroéconomiques solides, cette ligne constitue un filet de sécurité en cas de crise et rassure les investisseurs internationaux sur la stabilité financière du Royaume. Jusqu’à présent, le Maroc n’a pas eu besoin d’y recourir, preuve de sa résilience économique.
À noter, par ailleurs, que la LCM est généralement considérée comme une mesure de précaution et n’est pas nécessairement comptabilisée comme une dette effective tant que les fonds ne sont pas tirés. Par conséquent, tant que le Maroc n’utilise pas les fonds disponibles via la LCM, ce mécanisme ne devrait pas affecter le plafond d’endettement extérieur fixé par la Loi de finances.
«La LCM n’est pas un emprunt classique, mais une garantie de stabilité. Son renouvellement témoignerait de la confiance du FMI dans les réformes marocaines», explique un économiste.
En effet, le pays bénéficie d’un cadre budgétaire maîtrisé, avec un déficit ramené à 3,9% en 2024, en dessous des prévisions initiales. Toutefois, cette option peut être perçue négativement si elle est interprétée comme une dépendance excessive aux institutions financières internationales.
Une sortie en Eurobond : alternative crédible ?
En parallèle, la ministre a évoqué la possibilité d’une émission obligataire en euros, une première depuis 2020. Cette opération viserait à diversifier les sources de financement et à répondre aux besoins en devises du pays. «Le Maroc a plus besoin d’euros que de dollars», a-t-elle déclaré en marge d’une conférence à AlUla, en Arabie saoudite.
L’émission d’un Eurobond présente plusieurs avantages. Elle permettrait au Royaume d’attirer des investisseurs institutionnels européens tout en évitant une exposition accrue au dollar, dont la volatilité peut affecter les coûts de remboursement.
«Une telle émission, estimée entre 1 et 2 milliards d’euros, permettrait au pays de maintenir sa présence sur le marché financier international tout en consolidant sa crédibilité auprès des bailleurs de fonds. De plus, avec un Credit default swap (CDS) oscillant entre 180 et 200 points de base, le Maroc bénéficie de conditions de financement relativement compétitives», estime un acteur du marché.
C’est dire que le Maroc jouit d’une signature solide et prisée. En outre, il faut aussi noter que les taux en Europe, bien que plus élevés qu’auparavant, restent compétitifs par rapport aux coûts d’emprunt en dollars. Un analyste financier ajoute que «d’autant plus que la FED n’a pas abaissé son taux directeur, ce qui maintient un coût de financement élevé en dollars, alors que la Banque centrale européenne (BCE) l’a fait et prévoit de poursuivre cette tendance lors de son prochain conseil. Donc, une sortie en euros serait plus plausible et plus avantageuse que celle en dollars».
En effet, la Réserve fédérale américaine (FED) a maintenu des taux d’intérêt élevés (dans la fourchette de 4,25% à 4,50%) pour lutter contre l’inflation, ce qui rend les financements en dollars plus coûteux sur les marchés obligataires.
En revanche, la BCE adopte une politique monétaire plus accommodante, avec une baisse des taux déjà amorcée et d’autres assouplissements attendus (le taux des opérations principales de refinancement est passé à 2,90%, le taux de la facilité de dépôt à 2,75% et le taux de la facilité de prêt marginal à 3,15%), rendant le coût d’émission en euros plus attractif pour les pays émergents comme le Maroc. En outre, cette option offre une plus grande flexibilité en matière de maturité et de structuration de la dette.
Néanmoins, le recours aux marchés internationaux n’est pas sans risques. Le Royaume devrait tenir compte du contexte global de resserrement monétaire et des incertitudes économiques qui pourraient influencer la demande pour les obligations des marchés émergents.
«Il faudra surveiller les conditions de marché. Une émission mal calibrée pourrait entraîner des coûts de financement supérieurs aux prévisions», avertit un analyste.
Arbitrage entre sécurité et coût du financement
Le choix entre ces deux options dépendra en grande partie des priorités du gouvernement. Si le Maroc privilégie la prudence et veut préserver une marge de manœuvre budgétaire en cas de choc externe, le renouvellement de la LCM apparaîtrait, pour les observateurs du marché, comme une solution pragmatique.
En revanche, s’il cherche à mobiliser des capitaux pour financer des projets stratégiques, notamment les infrastructures liées à la Coupe du monde 2030, l’émission d’un Eurobond semblerait plus adaptée. Une approche combinée pourrait être envisagée.
«Il n’y a pas d’opposition entre ces deux instruments. La LCM apporte une garantie de stabilité tandis que l’Eurobond permet de lever des fonds nécessaires aux investissements», estime un autre économiste. Cette complémentarité pourrait permettre au pays de préserver sa crédibilité financière tout en bénéficiant de liquidités adaptées à ses ambitions économiques.
Alors que le Maroc affine sa stratégie financière, il devra donc trancher entre la sécurité offerte par la LCM du FMI et l’opportunité d’une sortie sur les marchés internationaux en euros. Chaque option comporte ses avantages et ses défis.
La décision dépendra des conditions de marché, des besoins en devises et des perspectives de croissance du pays. Dans tous les cas, le Royaume continue de démontrer une gestion proactive de sa politique financière, essentielle pour assurer la soutenabilité de sa dette et soutenir son développement à long terme.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO