Maroc

Agadir : anatomie d’une destination touristique en crise

Au-delà du fait que le tourisme n’arrive toujours pas à reprendre son envol à Agadir, le produit touristique continue de souffrir d’une multitude de problèmes liés à son positionnement, à la vétusté du parc hôtelier et à l’insuffisance des liaisons aériennes. Il faut ajouter à cela un recul de l’investissement dans le secteur et un manque d’attractivité manifeste.

À chaque fois que le débat est suscité autour de la destination Agadir, les mêmes problématiques sont soulevées, compte tenu du caractère transversal de l’écosystème touristique. Ainsi, la table ronde initiée en ce début de semaine, à la Chambre de commerce, d’industrie et des services (CCIS) d’Agadir par la coordination préfectorale du parti RNI, n’a pas dérogé à cette règle.

Cette rencontre, organisée dans le cadre du programme «RNI Ramadanyat», portait sur le déploiement de la feuille de route touristique à l’échelle régionale. Et au-delà du fait que le secteur touristique n’arrive toujours pas à retrouver le niveau des années fastes de la destination, le produit touristique continue de souffrir d’une multitude de problèmes liés essentiellement à son positionnement, à la vétusté du parc hôtelier et à l’insuffisance des liaisons aériennes.

S’y ajoutent également un recul de l’investissement touristique et un manque d’attractivité manifeste qui continue de grever l’image de marque de la destination. Bien que la destination Agadir ait nettement dépassé la barre du million de visiteurs (1,2 million) au cours de la saison touristique 2023, la fréquentation touristique, quant à elle, a été marquée par un repli des nuitées. Une tendance qui a été observée tout au long de l’année précédente, y compris durant la période estivale. Ceci représente un manque à gagner de l’ordre de 366.510 nuitées puisque ces dernières ont reculé de 5,38 millions en 2019 à 5,02 en 2023, pour ne citer que les chiffres de cette période.

Statut de station balnéaire à retrouver
«Le vrai problème de la destination Agadir, c’est qu’elle a perdu son statut de station balnéaire. Pour la première fois de son histoire, elle tourne au-dessus de 5,02 millions de nuitées en 2023 alors que le seuil critique pour avoir cette appellation est de 7,5 millions de nuitées de séjours», s’est alarmé Saïd Scally, ancien président du Conseil régional du tourisme (CRT) du Souss-Massa. Il déplore que la destination soit devenue une ville de passage avec une durée moyenne de séjour d’à peine 4 nuitées. «Toutefois, notre destination peut rapidement récupérer son statut de station balnéaire si les conditions sont réunies.

Hébergement : il y a urgence
«Le vrai problème, à l’heure actuelle, c’est celui des hôtels fermés, ce qui grève la commercialisation en matière de sièges et de chambres à vendre au sein de la destination. Aussi, il y a lieu de régler rapidement cette problématique qui porte atteinte à la survie de la destination.

En outre, la question de l’aérien reste posée avec des vols point à point», constate Khalil Tizniti, professionnel et opérateur touristique. Pour lui, sans un produit de qualité, notamment hôtelier, la promotion touristique ne peut pas faire de miracle pour la destination et les avions ne seront pas bien remplis, en dépit de la forte demande. L’expert insiste aussi sur la nécessité d’œuvrer pour récupérer le positionnement hivernal qui offrait auparavant un taux d’occupation similaire à celui enregistré en été.

Miser davantage sur l’arrière-pays
Cette table ronde autour du déploiement de la feuille de route touristique au niveau de la région s’est tenue dans un contexte où le contrat-programme régional du tourisme est en cours de finalisation, après plusieurs révisions, en se focalisant uniquement sur le balnéaire. Les participants n’ont pas manqué de relever le défi du transport aérien dans une destination qui n’est plus desservie au départ des marchés allemand, néerlandais, russe et scandinaves (Suède, Danemark, Norvège).

En de telles circonstances, la saisonnalité qui marque aussi le marché national n’a pas pu combler la perte de ces marchés parallèlement au focus sur les marchés prioritaires, notamment la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Tout cela a mis la destination devant le fait accompli : l’abandon de ces marchés qui ont fait les beaux jours d’Agadir.

«La destination Agadir ne peut pas se vendre sans son arrière-pays qui constitue une complémentarité touristique au produit balnéaire», a insisté Abdelhakim Sabri, vice-président du Réseau de développement touristique rural (RDTR).

«Le tourisme rural est une activité de niche qui reste encore à développer, puisque les différentes stratégies n’ont pas permis de développer ce tourisme, y compris l’actuelle feuille de route touristique qui n’a pas pris en considération le développement du potentiel du tourisme rural», ajoute-t-il.

En plus des questions d’infrastructures et de mise en valeur du produit, les acteurs régionaux du tourisme ont soulevé la question du branding de la destination. Pour eux, il est nécessaire de changer la dénomination de la région en passant de «Souss-Massa» à «Agadir Souss-Massa». L’argument avancé : un meilleur marketing territorial au service de l’attractivité régionale.

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO



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