Maroc

Nouveau modèle de développement : 15 MMDH pour faire “renaître“ l’éducation

La Commission spéciale sur le modèle de développement a établi un programme d’action visant à produire une véritable « renaissance éducative marocaine », dont le coût est estimé à 15,5 milliards DH par an. Le prochain gouvernement est appelé à mettre en forme les mesures concrètes proposées dans le cadre du NMD.

La Commission spéciale sur le nouveau modèle de développement (CSMD) a choisi certains secteurs clés pour proposer des programmes d’action, avec des mesures et des projets concrets. A leur tête, figure le secteur de l’enseignement qui est miné par nombre de dysfonctionnements, en dépit des différentes réformes mises en place au cours des dernières années.

Le programme d’action ayant trait au système d’éducation tend à concrétiser l’ambition du Nouveau modèle de développement (NMD), visant «à édifier un capital humain de qualité et mieux préparé pour l’avenir». La concrétisation de cet objectif, requiert «une renaissance éducative», pour reprendre l’expression du «recueil des notes thématiques, des paris et projets du NMD». Les enjeux sont de taille et le pari n’est nullement facile à gagner, comme en atteste l’expérience. «Une thérapie de choc» s’avère nécessaire en vue de déclencher une dynamique capable de produire un bond qualitatif à tous les niveaux de l’enseignement.

L’ambition du Nouveau modèle de développement est d’initier une renaissance éducative permettant d’avoir une école publique de qualité, qui assure les apprentissages des élèves, leur épanouissement et leur mobilité sociale. Ainsi, à l’horizon 2035, on tend à ce qu’au moins 90% des élèves scolarisés possèdent les compétences de base en lecture et en mathématiques à la fin du cycle primaire, contre 30% aujourd’hui. Le souhait également est que le Maroc puisse atteindre un score d’au moins 450 dans les rapports PISA, TIMSS et PIRLS, contre 370 aujourd’hui. Le Maroc est, en effet, toujours classé en queue de peloton dans les concours internationaux en raison des lacunes accumulées par les élèves. L’ambition aussi est de permettre à plus de 90% des élèves inscrits en première année du primaire d’achever leur scolarité obligatoire et d’obtenir un diplôme d’enseignement général ou professionnel (50% aujourd’hui).

Pour leur part, tous les titulaires du baccalauréat devront atteindre au moins le niveau intermédiaire dans une langue étrangère, soit un niveau supérieur ou égal à B2 (30% aujourd’hui). Afin de concrétiser ces objectifs, le programme d’action de réforme du secteur éducatif, tel que proposé dans le cadre du NMD, trace des orientations stratégiques «en cohérence avec les objectifs de la vision 2030 et la loi cadre adoptée récemment». Le département de tutelle ainsi que les différentes parties prenantes sont appelés à réunir les conditions de mise en œuvre de la transformation éducative escomptée.

Trois conditions
Trois préalables sont fixés pour assurer le succès de «la transformation éducative», à commencer par la nécessité d’assurer l’adéquation entre l’ambition et les moyens mobilisés en allouant les ressources humaines et financières nécessaires à la mise en œuvre des réformes.

À ce titre, le coût du programme d’action «renaissance éducative marocaine» est estimé à 15,5 milliards DH de dépenses publiques annuelles en régime de croisière. Rappelons que l’estimation du département de Saaid Amzazi pour la mise en œuvre des dispositions de la réforme relative à l’application de la loi cadre d’éducation et de formation est de 10 milliards DH additionnels chaque année. Un objectif qui est loin d’être atteint. De grands efforts financiers devront, ainsi, être consentis pour atteindre la qualité espérée de l’enseignement.

Le financement est nécessaire pour notamment améliorer le niveau de compétences des enseignants ainsi que leurs rémunérations qui sont jugées en deçà des aspirations. Les recommandations de la commission réconfortent les enseignants cadres des académies dans leur position. Il est en effet prôné de créer un statut unifié dédié aux métiers de l’enseignement qui doit inclure l’ensemble des enseignants, y compris les «contractuels» (cadres des académies régionales).

Le programme d’action propose plusieurs mesures concrètes pour rehausser le rôle des enseignants, dont la création d’un centre d’excellence du professorat qui nécessitera un budget annuel de 1,5 MMDH soit 0,12% du PIB). La mise en place d’un nouveau système de carrière des enseignants, qui s’avère indispensable, devra coûter quelque 12 MMDH/an (1% du PIB).

Par ailleurs, quelque 2 MMDH sont nécessaires pour mettre en place la certification qualité des établissements scolaires. La deuxième condition pour opérer le changement souhaité est d’établir une gouvernance renforcée en instaurant un mécanisme de pilotage (composé de représentants du ministère de tutelle, de représentants de l’unité d’appui à la mise en œuvre et d’experts externes) et de préserver la continuité de son action dans le temps. Le troisième préalable porte sur la nécessité de mobiliser et responsabiliser les acteurs de terrain (AREF et les établissements scolaires) en renforçant leur capacité et leur autonomie.

Selon le rapport thématique, le respect de ces trois conditions de mise en œuvre est nécessaire pour éviter des réformes sans impact significatif sur l’apprentissage réel des élèves. «La réforme doit se faire en cascade, dans le temps, et éviter le saupoudrage». Il est recommandé de la démarrer impérativement par le préscolaire en misant beaucoup plus sur la qualité et le primaire (8 ans), puis de continuer, dans un second temps, par le collège et le lycée. L’implication de toutes les parties prenantes dont les syndicats s’impose, afin de «gérer à l’amont les problèmes de résistance face aux changements envisagés».

Des pistes concrètes

Il est recommandé, d’une part, d’impulser fortement la qualité des enseignants et de faire de l’évaluation des performances le critère exclusif de l’avancement des carrières et, d’autre part, de placer l’élève au cœur de la réforme du système éducatif, en assurant un accompagnement de qualité aux impacts positifs sur le rendement scolaire. En outre, la rénovation des méthodes pédagogiques s’impose à travers des programmes de recherche-action et d’expérimentation. Il s’agit aussi de consacrer le rôle de l’école en matière de transmission des valeurs à travers une éducation civique et religieuse rénovée.

À cet égard, la Commission recommande d’enrichir l’enseignement islamique à l’école pour l’ancrer davantage dans la réalité de la société marocaine et encourager les élèves à la discussion pour s’approprier les valeurs transmises. La réforme éducative devra reposer également sur la réhabilitation du système de formation professionnelle et le développement d’un dispositif d’appui à la réussite scolaire.

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco



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