Intégration économique en Afrique : le Maroc à la traîne
Le Maroc gagnerait à développer une stratégie dédiée à son intégration en Afrique, et concertée entre les secteurs public et privé. C’est la principale recommandation du CESE pour mieux saisir les opportunités économiques qu’offre le continent africain. Le manque à gagner est important, surtout dans le contexte actuel. Les recommandations phares.
C’est un avis intéressant que vient de rendre public le Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l’intégration régionale du Maroc en Afrique. De grandes opportunités restent en effet à saisir, tant sur le plan des exportations et des importations que des investissements directs marocains dans ce continent. Il faut dire que malgré les efforts déployés par le Maroc au cours des dernières années et sa politique orientée vers le continent noir, les retombées des partenariats sont encore en deçà des aspirations escomptées et des potentialités des deux parties. À cet égard, le président du CESE, Ahmed Reda Chami, cite un indicateur significatif : le niveau des échanges commerciaux du Maroc avec les pays d’Afrique ne dépasse pas 4% de l’ensemble de ses échanges et «ne reflète pas le véritable potentiel et les complémentarités à mettre en place». À cela s’ajoutent les «chaînes de valeurs régionales avec les partenaires africains qui restent limitées et dépendent quasi exclusivement des filières étrangères, privant ainsi les économies africaines d’une valorisation génératrice d’emplois localement, de valeur ajoutée et de transferts de technologie», précise-t-il. Pour réussir son intégration régionale, le Maroc est appelé à prendre en considération plusieurs éléments à même de combler les lacunes et de relever l’ensemble des défis. Le Conseil recommande, entre autres, d’adopter le codéveloppement comme mode d’action pour promouvoir un partenariat mutuellement avantageux pour le Maroc et ses partenaires africains, et ce, conformément à la vision royale. À ce titre, le Maroc est appelé à considérer son intégration africaine comme une priorité cardinale, et de développer, ainsi, une stratégie dédiée à l’intégration du Maroc en Afrique, et concertée entre les secteurs public et privé.
En outre, le renforcement de la diplomatie économique s’impose. Des efforts sont certes déployés en la matière, mais ils restent insuffisants, selon le CESE qui prône la valorisation et la professionnalisation de la fonction de conseiller économique et celle de conseiller culturel au niveau des missions diplomatiques du Maroc en Afrique. Le secteur privé devrait aussi être intégré dans la stratégie de renforcement de l’intégration régionale du pays dans le continent. Il faut également renforcer les instruments d’intégration aux plans régional et continental et apporter de la cohérence et de la complémentarité entre les différents partenariats existants. Dans ce cadre, il s’avère nécessaire de parachever le processus de ratification de l’accord relatif à la Zlecaf et de développer des coopérations avec les Communautés économiques régionales (CER). Le Maroc gagnerait également à faire de la région Dakhla-Oued Ed-Dahab un hub africain. C’est une recommandation du CESE, qui a été aussi formulée sur le Nouveau modèle de développement pour les provinces du Sud. Il est, par ailleurs, recommandé de miser sur la «coopération bilatérale» en vue d’opérationnaliser et de renforcer les instruments de coopération au plan bilatéral. Cela permettra d’améliorer l’efficacité, l’efficience et l’impact des accords établis avec les partenaires africains. À cet égard, il faudra procéder à une évaluation régulière de l’impact de chaque accord sur le développement des relations économiques et commerciales du Maroc avec l’ensemble de ses partenaires. Le développement de l’intégration régionale passe aussi par la mise en place de plusieurs outils d’accompagnement : un réseau de transport efficace et abordable, des outils financiers adaptés et l’amélioration du droit des affaires. Le CESE plaide également pour le renforcement des capacités et le soutien de l’État aux investisseurs, mais appelle à lier l’aide au développement au transfert de savoir-faire et au soutien de programmes de formation d’excellence. Le conseil prône la mise en place d’un fonds d’investissement public destiné à l’Afrique et servant de levier pour le financement de projets de développement ainsi qu’un centre d’accompagnement à l’internationalisation des entreprises marocaines en particulier pour les PME.
Ahmed Reda Chami
Président du CESE
Dans ce contexte de crise planétaire due à la pandémie de la Covid-19, la mise en place de stratégies régionales intégrées dans le domaine de la santé, la recherche et l’industrie pharmaceutique, constitue une réponse adaptée de nature à fédérer les efforts et les moyens, à promouvoir des chaînes de valeur régionales et, in fine, à renforcer la résilience des pays d’Afrique face aux crises régionales et mondiales d’ordre économique, sanitaire et environnemental.
Intégration régionale : les principaux freins
Le CESE liste nombre de freins à l’intégration du Maroc dans l’économie africaine. On peut citer l’absence d’une approche intégrée, entre autres. Le dispositif institutionnel chargé d’organiser la coopération africaine est caractérisé, selon le conseil, par une multitude d’intervenants, une faiblesse des moyens humains et financiers et des difficultés de coordination entre les différentes composantes. À cela s’ajoute une faible intégration des Communautés économiques régionales, auxquelles appartient le Maroc (CEN-SAD et l’UMA). Par ailleurs, les accords commerciaux ne portent pas sur le libre-échange, ce qui constitue un handicap de taille. Il s’agit aussi d’une offre commerciale insuffisamment diversifiée et d’une zone cible restreinte. Les échanges commerciaux sont concentrés sur la zone d’Afrique de l’Ouest (58%) suivie de la zone d’Afrique de l’Est (15,5%). La diplomatie économique est jugée insuffisamment outillée pour assurer le suivi des accords et des projets d’investissement. Les mécanismes de soutien à l’export s’avèrent insuffisants et inadaptés au regard des spécificités du marché africain. On note, aussi, une faible intégration dans le transport maritime et routier (absence de compagnie maritime nationale et régionale, faible compétitivité des coûts de transport).
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco